« Keziah a commencé le football à l’âge de 5 ans. C’était un souhait de sa part, il a toujours voulu en faire et c’est vrai qu’à la maison, le foot faisait partie de notre vie. Son papa y jouait, il regardait les matchs à la télé… Quand Keziah était dans mon ventre déjà, je me rappelle qu’il me donnait plus de coups pendant les matchs ! Et quand il était en maternelle, je lui fabriquais des petites balles avec du papier que je scotchais pour qu’il puisse jouer au foot dans la cour de récréation.
Les premières années, il était tout fier de s’entrainer dans le club de notre ville, Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) vêtu de son petit équipement. Il y allait les yeux remplis d’étoiles deux fois par semaine, le mercredi et le samedi pour le match. Il a quand même essayé un autre sport, le judo, mais pas plus d’une dizaine de fois, ça ne lui a pas plu.
Keziah a toujours été très sérieux pendant les entrainements et les matchs. Il était dans son élément, ça se voyait. Quand ils sont petits, les enfants n’ont pas vraiment de poste attitré, mais j’étais déjà très fière de lui quand il marquait des buts. J’étais présente à chaque match et entrainement.
L’année de ses 8 ans, il m’a dit vouloir arrêter le foot sans me donner de raison particulière. J’étais enceinte de ses petits frères, des jumeaux prévus pour le mois d’août 2017, je ne sais pas vraiment si cela a joué. Peut-être qu’il s’est dit que j’aurais moins de temps pour lui une fois les bébés nés ou qu’il voulait passer plus de temps avec nous. Nous étions au mois de juin, je lui ai demandé de tenir son engagement jusqu’à la fin de l’année scolaire, et que nous verrions ensemble, à la rentrée prochaine, s’il voulait continuer ou non. Ses frères sont nés en août 2017 et en septembre, un nouveau coach reprenait l’équipe. Il lui a demandé de revenir jouer au moins une ou deux fois, Keziah s’est remis dedans, c’était reparti comme avant. Peut-être a-t-il vu aussi que la naissance des jumeaux ne changeait rien à notre relation fusionnelle..
Juste avant la crise du Covid et le confinement, le Club de la ville de Saint-Etienne nous a contactés pour inviter Keziah, qui avait alors 11 ans, à faire une « détection » (ndlr : il s’agit d’un « entrainement test » organisé par un club permettant aux dirigeants de savoir s’ils veulent proposer à un enfant de rejoindre leur centre de formation aux 15 ans de l’enfant). Nous avons accepté bien sûr, devenir footballeur professionnel est le rêve de Keziah depuis toujours, lui qui n’a d’yeux que pour son idole, Cristiano Ronaldo. Il s’en rapprochait, bien qu’il ait totalement conscience que le chemin allait être très long. Même si je savais qu’il allait le faire, j’ai conseillé à Keziah d’aller à cette détection en donnant le meilleur de lui-même pour qu’il n’ait aucun regret et que la déception soit moins grande s’il n’était pas retenu. J’ai essayé de le préparer à l’échec, au cas où, tout en boostant sa confiance en lui. Je n’y connais pas grand-chose au football et ses techniques, mais je savais que mon fils était bon, j’avais confiance en lui, j’étais déjà très fière de cette première détection et il avait déjà remporté plusieurs titres comme celui du meilleur joueur du tournoi, etc.
Je n’ai pas pu accompagner Keziah à Saint-Etienne, les parents n’étaient pas autorisés à suivre à cause du Covid. Si j’avais pu, je serais bien évidemment venue avec lui, il reste encore petit. Bizarrement, il n’a pas du tout été stressé. Keziah est un enfant qui a toujours voulu bien faire. Viser l’excellence est un moteur chez lui. Il a joué comme il voulait, mais cela n’a pas suffi. Il l’a plutôt bien pris, nous aussi. Il n’a pas eu en tout cas la déception de se dire qu’il aurait pu faire mieux.
Le Covid est passé par là, Keziah a dû stopper le foot et ça lui a beaucoup manqué ! Heureusement, les affaires sérieuses ont repris à la rentrée, Keziah a eu deux nouvelles propositions de détections : une au Havre et l’autre à Lille. Je l’ai accompagné les deux fois. C’était un chouette moment à vivre ensemble, je n’étais pas stressée plus que ça, pour moi, il n’y avait pas vraiment d’enjeu. Pas de pression non plus. C’était important pour mon fils de me savoir à ses côtés, pour le soutenir. Ma présence le rassure. Pour ces deux détections, Keziah n’était toujours pas stressé et comme à son habitude, il a continué à donner le meilleur de lui-même. Les ambiances n’étaient pas du tout les mêmes. Au Havre, les enfants étaient nombreux et à Lille, beaucoup moins, ce qui a permis à Keziah de mieux s’exprimer la balle au pied. Quand nous sommes arrivés à Lille, j’ai vu ses yeux briller à la découverte du domaine de Luchin (ndlr : où siège le club de football professionnel de Lille), je n’avais jamais vu ce visage avant. A ce moment précis, je me suis dit que je serais heureuse pour lui s’il pouvait intégrer ce club un jour. Et les choses s’annonçaient plutôt bien : Keziah a finalement séduit le club de Lille. Quelques jours plus tard, on nous proposait de signer un contrat permettant à Keziah d’intégrer le centre de formation de Lille, où il combinera le foot et l’école, pendant 3 ans, lorsqu’il aura 15 ans.
Mon premier réflexe a été de me dire : « Olala, mon bébé, mon premier bébé va quitter à la maison dans 3 ans, à l’âge de 15 ans seulement, je ne suis pas prête » et d’imaginer le voir une semaine tous les mois et demi seulement me faisait déjà mal au cœur… J’ai positivé en me disant que Lille n’était pas si loin, que nous pourrions aller le voir le week-end en cas de coup de mou ou le temps d’un match. Keziah était super heureux, il faisait encore un pas de plus vers son rêve de devenir professionnel. Même si je savais que ça allait être dur pour moi de le voir partir si jeune, je ne me suis pas posé une seule fois la question de savoir si j’allais accepter ou non, son bonheur passe avant tout. Il a donc signé son contrat au début de l’année de ses 13 ans, j’étais à la fois émue et très fière de lui. Il me restait encore 2 années complètes pour profiter de lui à fond !
Fin 2021, le Centre National du Football de Clairefontaine a commencé à organiser son concours d’entrée au sein de son Pôle Espoirs (ndlr : les pôles Espoirs sont des structures agréées par le Ministère des Sports et la Fédération Française de Football pour les joueurs de 13 à 15 ans, il s’agit en réalité d’une « préformation » destinée à parfaire leur formation avant leur entrée au sein des centres de formation de clubs professionnels. Les enfants y suivent 5 entrainements hebdomadaires et retrouvent leur famille le week-end. Tous les enfants du club de football de Keziah ont passé les tests de recrutement, comme beaucoup de joueurs venant de toute l’Ile-de-France, plus de 1000 au total. Je ne pensais pas que Keziah allait être pris, je n’ai pas la prétention de dire qu’il fait partir des meilleurs joueurs de l’Ile-de-France, mais les mois passaient et Keziah continuait d’être retenu pour les prochains tours éliminatoires. Et en mai 2022, la nouvelle tombe : à ma grande surprise, on nous annonce qu’il est fait partie des 23 enfants admis à Clairefontaine pour la rentrée qui arrive, soit 3 mois plus tard !
A cette annonce, nous étions tous super heureux, nous nous sommes fait un gros câlin, Keziah a même pleuré. Je pense que c’était pour lui un mélange de beaucoup d’émotions, la joie, la peur de partir si vite… Quand nous nous sommes retrouvés tous les deux, il m’a dit « Tu vas me manquer, maman ». J’ai réussi à ravaler mes larmes devant lui, moi qui suis passée de deux ans pour me faire à l’idée que je n’allais plus vivre avec mon petit garçon à seulement 3 mois…
Préférant voir le bon côté des choses, même si le cordon allait forcément être coupé, je me suis dit que nous aurions la possibilité de s’appeler la semaine, qu’on on se retrouverait le week-end et que cela serait une bonne préparation avant son départ pour Lille. Plus les jours passaient et plus Keziah était prêt. Nous avons soufflé ses 13 bougies le 22 août, puis il a fait sa grande rentrée une semaine après. Quand on l’a déposé au centre de Clairefontaine, je n’ai pas pleuré, lui non plus. Il était super content d’y aller, d’autant plus qu’il a retrouvé deux autres joueurs de son équipe qu’il connaissait déjà.
J’ai eu un coup de blues au bout de deux semaines d’absence. C’est vrai que j’étais déjà habituée à être séparée de lui, le temps des vacances, une semaine ou deux. Mais là, j’ai pris conscience que cette fois-ci, il n’allait pas rentrer à la maison. J’ai commencé un nouveau travail, ma vie avait en changé elle aussi. Aujourd’hui, on s’appelle tous les jours. Même si je peux dire que je me suis « habituée » à son absence, je ressens un grand manque lorsque je passe devant sa chambre vide. A table aussi, il nous manque une personne.
Nous sommes heureux de nous retrouver le vendredi soir, on discute comme si de rien n’était, Keziah nous raconte sa semaine. Il rentre avec son linge sale, évidemment, donc je dois m’empresser de tout laver le soir même pour qu’il puisse repartir avec des vêtements propres et secs le dimanche soir, ce qui m’oblige d’être à jour avec mes lessives le reste de la semaine !
Je sais qu’il se sent bien là-bas, qu’il est bien entouré. Ce départ précoce a provoqué une séparation physique, mais rien d’autre, il n’a rien changé à notre relation mère-fils. J’ai quand même quelques inquiétudes quant à son évolution car il est en pleine adolescence, et je ne sais pas quel impact l’effet de groupe pourrait avoir sur lui à long terme. Keziah va continuer de grandir loin de moi et j’ai peur que notre lien si précieux se rompe un jour. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas, on continue à beaucoup communiquer comme on l’a toujours fait, donc j’en profite. Je continue de suivre la scolarité de Keziah à distance, je communique avec ses professeurs et regarde ses résultats via Pronote. Il sait que c’est important de continuer à bien travailler à l’école, et ça n’a jamais été un souci pour lui qui a toujours eu d’excellentes notes.
Parfois, je me laisse à rêver qu’il sera peut-être un jour professionnel. Bien sûr, je sais que le chemin est encore long et semé d’embuches. Mais si ça ne se concrétise pas, j’aurais de la peine pour lui, mais aucun regret. J’aurais joué mon rôle de maman : l’accompagner sur ce chemin et le soutenir dans ses rêves”.
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