Taxation des multinationales : « L'Europe fait face à une résistance inattendue », Pascal Saint-Amans, OCDE – La Tribune.fr

Partager :
LA TRIBUNE – Un an après la signature de l’accord historique de 137 pays sur la taxation des multinationales, pourquoi la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas ont-ils fait récemment une déclaration conjointe  ?
PASCAL SAINT-AMANS – À la suite de l’accord obtenu le 8 octobre 2021, la mise en place d’un impôt minimum mondial est apparue comme une priorité. C’est un changement majeur. Il doit permettre de “nettoyer” la question des paradis fiscaux.
L’Europe a fait face à une résistance inattendue et contraire aux engagements des pays le 8 octobre de la part de la Hongrie et de la Pologne. Le message de ce groupe des 5 est de dire à la Pologne et la Hongrie : “Nous n’avons pas besoin de vous” à la veille du conseil Ecofin qui a eu lieu samedi 9 septembre dernier à Prague en République Tchèque.
Lire aussiTaxation des multinationales : l’accord suspendu à la ratification par les Etats
Comment ces cinq pays peuvent-ils avancer dans les semaines à venir alors que la Hongrie risque une nouvelle fois d’enrayer les discussions sur le Vieux continent ?
Après avoir communiqué sur cette position, il y a plusieurs manières d’avancer. La première consiste à mettre en place de la coopération renforcée dans un cadre européen. Cela permettrait à tous ces pays et les autres qui veulent se joindre de mettre en œuvre cette règle. Enfin, l’Allemagne a bien rappelé que s’il y avait trop de difficultés, chaque pays pouvait avancer sans avoir d’accord européen.
Ces pays ont fait preuve de patience en jouant la carte européenne. Juridiquement et politiquement, les pays européens n’ont pas besoin d’une directive pour avancer sur le sujet du pilier 2, c’est-à-dire le taux minimum sur les 15%.
La coopération renforcée nécessite la participation de neuf Etats membres. Comment mettre en œuvre cette coopération renforcée entre ces pays ?
La coopération renforcée nécessite simplement une décision unanime du Conseil de l’UE pour permettre aux pays concernés d’appliquer le texte. Le texte de la directive est prêt. Il s’agit d’une procédure assez formelle qui ne conduirait pas à rouvrir la discussion sur le fond.
C’est sûrement la solution la plus souhaitable sur le plan européen. Si cela ne passe pas par de la coopération renforcée, cette taxation pourrait passer par des textes législatifs à l’échelle nationale. Il y a un projet de directive. Il est relativement simple de faire passer les textes de transposition d’une façon coordonnée et harmonisée.
Les Pays-Bas ont longtemps été pointés du doigt pour avoir pratiqué une fiscalité jugée « agressive » sur le Vieux continent. Comment expliquez-vous cette position des Pays-Bas ?
Les Pays-Bas qui étaient connus pour abriter de sociétés off shore et être utilisés pour la planification fiscale agressive ont rejoint les pays qui taxent lourdement. C’est un message politique très fort de ces pays. Depuis 2017, les Pays Bas ont décidé de changer leur approche et ne plus abriter les schémas fiscaux agressifs.
C’est une décision lourde prise par une coalition. Les Pays-Bas sont devenus cohérents avec leurs engagements. Cet Etat est entré dans le camp des pays qui n’acceptent plus l’évasion fiscale.
Pourquoi la Hongrie est-elle toujours réticente au projet de taxation des multinationales ?
La Hongrie, comme beaucoup de pays de l’Est, n’apprécie pas l’impôt minimum mondial car elle s’est développée sur la base d’incitation fiscale après l’ère soviétique. Ces Etats ont misé sur ces mécanismes pour attirer les usines notamment. A l’OCDE, ils ont négocié un “carve out“, c’est-à-dire une atténuation de l’impôt minimum, sur la base des salaires versés aux employés et des actifs déployés dans le pays pour limiter l’impact de l’impôt minimum. Ils ont rejoint l’accord de l’OCDE le 8 octobre dernier en ayant obtenu des concessions significatives.
Des pays comme la Hongrie veulent utiliser ce levier pour débloquer des fonds. Comme ces pays ont de nombreux problèmes sur les droits de l’homme, l’état de droit, ils ont des difficultés pour débloquer des fonds. Ils utilisent cela comme une arme. Actuellement, ils utilisent l’argument de la crise et de l’inflation pour expliquer qu’un impôt minimum ferait monter les prix. Cet argument est une excuse qui ne trompe pas grand monde.
Comment s’annonce la mise en œuvre de cette nouvelle fiscalité internationale à partir de 2023 ?
Concernant le pilier 2, on voit que les choses avancent. Une fois qu’il y a une masse critique de pays qui ont des multinationales et qui ont un grand marché, ces Etats vont prélever un impôt minimum sur leurs entreprises et aussi les entreprises étrangères intervenant sur leur marché. Si les autres pays n’interviennent pas, ils laissent cet impôt minimum aux pays qui ont avancé. Il y a une logique d’effet domino.
Le pilier 1 (NDLR ; il porte sur la répartition des droits d’imposition entre pays de production et pays de consommation)  est en pleine négociation. C’est pour cela qu’il y a une négociation ce lundi 12 septembre à l’OCDE. Les États se sont mis d’accord au G20 en juillet dernier pour finaliser l’architecture et la signature par les pays en 2023.
Comment les Etats-Unis se positionnent-ils actuellement sur la fiscalité des multinationales ?
Aux États-Unis, la situation est complexe actuellement car le bipartisme n’est pas en grande forme mais il n’est pas impossible. Comme l’alternative au pilier 1 est le chaos et le retour aux guerres commerciales, ceci ne peut plus se produire. Même s’il peut y avoir des turbulences sur le chemin du pilier 1, je suis confiant.
La guerre en Ukraine a ravivé les débats sur une fiscalité exceptionnelle des géants de l’énergie en Europe. Quel regard portez-vous sur ces débats à l’OCDE ?
L’OCDE n’a pas de doctrine sur ce sujet. Nous observons ce qu’il se passe dans les grands pays. Il y a un phénomène de rente chez les énergéticiens et les entreprises d’extraction. Ce prélèvement exceptionnel ne provoque pas de distorsions. La difficulté est de bien définir un profit exceptionnel. Les énergéticiens sont parfois dans des situations compliquées quand on regarde EDF par exemple.
Propos recueillis par Grégoire NORMAND
Lire aussiTaxe sur les superprofits : ce qu’elle pourrait rapporter au fisc

Partager :
Du lundi au vendredi, votre rendez-vous de la mi-journée avec
toute l’actualité économique
Dernière étape : confirmez votre inscription dans l’email que vous venez de recevoir.
Pensez à vérifier vos courriers indésirables.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
Découvrez l’ensemble des newsletters de La Tribune
La rédaction de La Tribune
Un e-mail contenant vos informations de connexion a été envoyé.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
S’inscrire à la newsletter La Tribune 12h
Sujets les + lus
|
Sujets les + commentés
1
Echec et mat pour la Russie ?
2
revue T Le TGV M d'Alstom : l’arme de la SNCF pour étouffer la concurrence sort d’usine
3
Gaz : la Norvège, premier pays fournisseur de l'Europe à la place de la Russie, s'oppose au plafonnement des prix
4
Le défaut de paiement de la Russie est acté, la dette du pays mise aux enchères
5
Variant centaure (BA.2.75) : vers une obligation vaccinale… pour certains ou pour tous ?
1
revue T Retraite et plein emploi : la solution d'Emmanuel Macron pour boucler le budget 2023 (30)
2
Variant centaure (BA.2.75) : vers une obligation vaccinale… pour certains ou pour tous ? (30)
3
revue T Le TGV M d'Alstom : l’arme de la SNCF pour étouffer la concurrence sort d’usine (26)
4
revue T Les Européens veulent plafonner le prix du gaz…sans savoir comment faire (24)
5
Echec et mat pour la Russie ? (23)
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.
Avec
La Tribune.fr,
prenez les bonnes décisions

source



A propos de l'auteur

Avatar de Backlink pro
Backlink pro

Ajouter un commentaire

Backlink pro

Avatar de Backlink pro

Prenez contact avec nous

Les backlinks sont des liens d'autres sites web vers votre site web. Ils aident les internautes à trouver votre site et leur permettent de trouver plus facilement les informations qu'ils recherchent. Plus votre site Web possède de liens retour, plus les internautes sont susceptibles de le visiter.

Contact

Map for 12 rue lakanal 75015 PARIS FRANCE