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Olaf Scholz à Pékin: «Il faut éloigner le risque politique d'un cavalier seul» – RFI

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Au terme d’une visite éclair en solitaire très critiquée ce vendredi 4 novembre à Pékin, le chancelier allemand a prôné un rapprochement avec la Chine de Xi Jinping, dans un climat de défiance croissante vis-à-vis de la deuxième puissance mondiale. Que penser de ce « cavalier seul » d’Olaf Scholz, parti sans Emmanuel Macron ? Est-ce une brèche dans l’unité européenne face à Pékin ? Entretien avec la sinologue Stéphanie Balme, chercheuse à Sciences Po.
RFI : Olaf Scholz a demandé à la fois à Xi Jinping un « développement des liens économiques » et des relations commerciales « équitables ». Que faut-il comprendre ?
Stéphanie Balme : Il faut comprendre que nous sommes dans une situation géopolitique connue de tous : la guerre au cœur de l’Europe. L’Allemagne a pris conscience de sa dépendance vis-à-vis de la Russie et elle voit en ligne de mire sa dépendance à l’égard de la Chine. Or Pékin se cantonne dans une neutralité officielle face à la guerre en Ukraine, mais penche nettement vers Moscou.
Autrement dit, le chancelier allemand fait face à une pression interne de la part des industriels allemands qui lui intiment de commercer davantage avec la Chine alors que la géopolitique mondiale nécessite au contraire d’atténuer cette dépendance. Par ailleurs, Olaf Scholz a promis de présenter en 2023 une nouvelle politique vis-à-vis de Pékin. Il est donc en train véritablement d’établir sa stratégie : à savoir, dire à la Chine qu’elle est un compétiteur, un rival, et en même temps qu’on va négocier et travailler avec elle dans le cadre européen, tout en pointant une dépendance dont il faut s’occuper. 
À lire aussi : Chine-Allemagne: Olaf Scholz dans sa bulle à Pékin
Olaf Scholz gère sa relation avec la Chine aujourd’hui comme un homme d’affaires, avec des contraintes énormes. Dans les six premiers mois de l’année, entre janvier et juin 2022, les importations chinoises en Allemagne ont augmenté de manière considérable, ce qui n’est pas le cas des exportations. La tendance à une production locale sur le marché chinois explique aussi ce lien de dépendance à l’égard de la Chine. Le problème, c’est l’absence de réciprocité : la Chine n’est pas dépendante du marché allemand. Olaf Scholz a très peu de marges de manœuvres pour réorienter ses liens économiques avec Pékin. Cette dépendance est devenue en outre un problème politique compte tenu de la position chinoise sur la guerre en Ukraine.
Rappelons aussi la relation d’Angela Merkel avec la Chine. Elle a visité le pays douze fois en 16 ans à la tête de l’Allemagne. Elle a donné du fil à retordre à l’Union européenne exactement de la même façon pendant toute sa mandature. En particulier, le début du mandat d’un chancelier allemand est toujours problématique, très souvent parce que son agenda politique est d’abord tourné vers l’intérieur, vers le marché allemand et la politique allemande. D’autant qu’Olaf Scholz a peu d’expérience en matière de politique étrangère. 
Ce voyage en solo du chancelier allemand est-il le signe d’une Europe qui avance à nouveau en ordre dispersé face à la Chine ?
Il y a une part de vrai à cela, dans le sens où il aurait pu partir avec Emmanuel Macron en Chine. Est-ce que cela indique qu’il souhaite faire cavalier seul au sein de l’Union européenne dans sa politique chinoise ? Je pense qu’il est trop tôt pour le dire, car probablement lui-même ne le sait pas ou n’a pas encore fixé son agenda. De toute façon, s’il aborde de manière rationnelle cette question, il rejettera cette stratégie de cavalier seul, car elle ne durerait que très peu de temps. Sur le long terme, il est impossible aujourd’hui, dans le contexte d’une institutionnalisation de la politique européenne à l’égard de la Chine, de faire cavalier seul.
Cela dit, il n’est pas entièrement juste de dire que le chancelier s’isole ou divise la stratégie européenne. Ce mardi 1er novembre, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a eu un échange téléphonique avec son homologue chinois Wang Yi. Le message était le même à peu de choses près : “contrairement aux États-Unis, à la politique américaine vis-à-vis de la Chine, il ne faut pas couper les liens avec la Chine et ne pas l’empêcher de faire partie du grand jeu mondial”. Les Américains ont décidé de mettre en œuvre une politique de découplage de la Chine, ce que refuse de faire l’Europe. Emmanuel Macron comme le chancelier Scholz sont sur cette même ligne politique.
L’Allemagne et la France se sont mises d’accord depuis 2019 à l’échelle européenne pour une stratégie commune à l’égard de la Chine. Les deux pays ont travaillé ensemble sur un traité d’investissement sino-européen, qui aujourd’hui n’a pas pu être validé en raison des sanctions politiques croisées qui existent entre l’Europe et la Chine. Mais les Européens sont vraiment décidés à rétablir la relation commerciale avec la Chine pour qu’il y ait plus de diversité, davantage de réciprocité et avec un respect mutuel. Il n’y a, je pense, pas de différence à ce stade entre l’Allemagne et la France.
Par ailleurs, il y a une volonté autant du côté français que du côté allemand de diversifier les partenariats en Asie. N’oublions pas que pour son premier déplacement en Asie en tant que chancelier en avril dernier, Olaf Scholz s’est rendu non pas en Chine, mais au Japon. Il va aussi se rendre au Vietnam puis à Singapour dans l’idée précisément montrer que l’Allemagne veut diversifier ses réseaux, tout comme la France. 
Pour traduire en acte cette convergence de vue, Olaf Scholz n’aurait-il pas dû voyager avec Emmanuel Macron, ou du moins attendre le G20 du 15 novembre en Indonésie pour qu’ils rencontrent Xi Jinping ?
Il faut admettre que c’est un temps de d’apprentissage pour Olaf Scholz et un temps d’observation pour la France et les Européens. Mais il est extrêmement important de revenir à une politique européenne commune à l’égard de la Chine et de ne pas perdre des années de travail, de construction d’une relation unitaire des Européens face à la Chine, notamment ce qui s’est cristallisé au moment du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Acceptons ce court moment d’apprentissage pour le chancelier, mais il faut éloigner le risque politique d’un cavalier seul. D’où la nécessité pour les dirigeants européens et notamment Emmanuel Macron de revenir à un partenariat européen consolidé vis-à-vis de la Chine. 
La dynamique du partenariat franco-allemand au sein de l’Union européenne sera un élément très fort de leur positionnement comme vis-à-vis de la Chine. Car si la France et l’Allemagne trouvent une solution, entre autres sur le dossier de l’énergie, ce sera une pierre à l’édifice dans la construction des relations Europe-Chine.
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