Snapper Rocks, c’est là où la « carrière de surfeur » de Maxime Huscenot « a commencé », rappelait-il en mai dernier, au coeur de la première étape du circuit Challenger Series (CS) 2022, qualificatif pour le Championship Tour (CT) 2023. Sur cette mythique et longue droite de la Gold Coast australienne où, lors d’un séjour avec ses parents alors qu’il n’était pas encore adolescent, son surf avait séduit des représentants de Quiksilver, au point de lui faire signer son premier contrat de sponsoring.
Vingt ans plus tard, la carrière du Réunionnais y a pris un autre virage décisif avec une 3e place qui a idéalement lancé sa campagne de qualification. Jusqu’à l’apothéose de cette fin de semaine à Hawaii et son accession à l’élite mondiale du surf qu’il est « allé chercher dans l’eau », dans ces vagues du North Shore d’Oahu souvent indomptables pour les prétendants français au CT et qui lui avaient été fatales, à lui aussi, par le passé. À 30 ans, Maxime Huscenot a réalisé un rêve. Mais d’autres sont dans les tuyaux.
Deux jours après avoir validé votre qualification pour le CT 2023, commencez-vous à réaliser ?
Ça reste assez fou, même deux jours après, c’est incroyable. Je réalise sans réaliser. Je réalise parce que je sais à quel point c’est dur de se qualifier, le travail que ça a demandé, l’exploit que ça représente. Et puis je suis désormais un surfeur du CT, ce dont j’ai toujours rêvé, et ça, on ne pourra plus jamais me l’enlever. Je réalise aussi grâce au soutien et tout l’amour que j’ai reçus ces dernières heures de France, de La Réunion, de tous les gens dans le monde entier qui me suivent depuis toutes ces années, au Portugal, mes amis en Australie, aux États-Unis.
Comment avez-vous vécu cette dernière épreuve à Hawaii, où tant de surfeurs français, dont vous, ont vu leurs espoirs de qualification s’évaporer ces dernières années ?
Elle n’a pas été évidente à gérer… Je savais que j’avais quelques points d’avance après mon quart lors du CS précédent au Brésil, mais rien de garanti. La preuve, quand on regarde le classement final, j’aurais terminé 10e (soit la dernière place qualificative, NDLR), sachant qu’il y a quelques surfeurs qui sont passés à une série d’y être et qui auraient donc pu me doubler. Je suis content d’être allé chercher ma place dans l’eau, je ne voulais pas être sur la plage en train d’attendre que les autres perdent. Je voulais aller la chercher moi-même. Je suis content d’avoir su passer au-dessus de la pression pour performer. Elle était énorme, le circuit Challenger Series l’accentue, avec beaucoup de « drama », encore plus qu’avant sur le QS. Je suis fier d’avoir réussi à surmonter toutes ces émotions, d’avoir été super fort mentalement, d’avoir fait les bons choix et d’avoir montré un surf solide.
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Avez-vous tremblé au 3e tour quand Kauli Vaast vous passe devant à quelques minutes de la fin et que Conner Coffin et Joshua Moniz peuvent vous priver sur le fil de la 2e place qualificative de la série ?
Je savais que j’avais surfé quelques bonnes vagues, mais je n’avais pas écouté tous les scores, j’étais concentré sur ma série. J’avais la priorité, il restait un peu moins de cinq minutes quand la situation a changé après la dernière vague de Kauli. À ce moment-là, j’étais plus dans un questionnement entre le fait de rester proche de Josh Moniz ou de Conner Coffin parce que les deux avaient des gros scores, ou me focaliser sur ma prio et essayer de trouver une vague. Au final, il n’y a pas eu trop de séries dans les trois dernières minutes, je suis resté patient au pic pour voir si une vague venait ou pas. J’ai essayé de ne pas paniquer et de rester serein pour bien gérer ma fin de série et ne pas faire d’erreur.
En sortant de l’eau, saviez-vous que vous étiez qualifié ?
Avant de disputer ma série, j’avais vu que Ian Gentil avait été confirmé parce que Zeke Lau avait perdu je crois et qu’il avait 17 000 et quelque points. Je savais donc que si j’effaçais ce tour-là, je passais dans les 17 000 moi aussi et me rapprochais de lui. Je ne savais pas, en revanche, si ça pouvait faire de moi un qualifié pour autant car il y avait encore pas mal de monde en course derrière. Et puis quand j’ai vu tout le monde sur la plage (après la série), j’ai compris et c’était exceptionnel.
Pourquoi cette année a-t-elle enfin été la bonne selon vous ?
Pour plein de raisons : j’ai été régulier toute la saison, j’ai été très fort dans mes choix de vagues, de stratégie, de planches, de placement. Je n’ai quasiment commis aucune erreur et c’est ce qui m’a permis de passer des tours, peu importe les vagues et les adversaires. Durant ma carrière, j’ai toujours réussi à faire des résultats sur toutes les compétitions, mais avant cette année, jamais sur une saison entière. Il fallait que je passe ce cap-là, prendre tout ce que je fais de bien, mais tout en parvenant à le faire sur toutes les compétitions.
Et puis, il y a aussi le fait que j’ai été performant sur des droites. Je ne dirais pas que c’était mon point faible, mais ce n’est pas mon point fort, je surfe bien mieux backside et mes résultats et mes victoires jusqu’alors découlaient plutôt de mon surf backside. Aller chercher ma qualif’ de la sorte, c’est énorme. Ça montre tout mon travail et ma progression, de ne pas faire d’erreur mentale, dans mon choix de vagues, pour obtenir de gros scores en droite. C’est indéniablement là où j’ai le plus progressé cette année et où je suis allé chercher la qualification.
En interview post-série, vous avez dit avoir hésité à continuer sur le circuit pro après être passé près de la qualification en 2015 et 2016. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de continuer ?
Ce n’était pas évident à ce moment-là parce que j’avais perdu mon sponsor (Quiksilver, il est aujourd’hui sponsorisé par Deeply, NDLR) fin 2015, alors que je n’étais pas loin d’intégrer le CT, que j’étais le meilleur Français au classement. En 2016, je ne passe pas loin non plus. Ça n’a pas été simple à vivre car le tour est lourd financièrement à supporter et il fallait que je décide si je continuais à dépenser autant d’argent sans savoir où ça me mènerait, ou est-ce que j’arrêtais. Ça a été la décision la plus dure à prendre. Mes proches m’ont soutenu, m’ont dit de croire en moi. J’ai changé de matériel, j’ai essayé de nouvelles choses.
J’ai aussi souffert malheureusement de blessures, mais celles-ci m’ont permis de m’entraîner physiquement beaucoup plus dur qu’avant parce que sur le QS, on partait de janvier à décembre non-stop, ce qui faisait que l’on avait rarement de grosses périodes d’entraînement. Je me suis entraîné vraiment trois, quatre mois intensément. J’ai pu passer un cap physique à ce moment-là.
Et puis j’y ai cru. C’est mon rêve depuis tout petit d’être sur le CT, de faire partie des meilleurs, de surfer sur des vagues de rêve à deux dans l’eau. Mon plus grand rêve reste d’essayer de devenir champion du monde. Je crois en moi, en mon surf et je mets tout en oeuvre chaque jour pour m’améliorer et y arriver. Avec mon père qui m’entraîne et qui me soutient tous les jours, on y a cru, on y croit encore et on travaille dur pour ça. C’est ça qui m’a permis de ne pas lâcher.
Finalement, n’est-ce pas plus fort encore de se qualifier après un aussi long voyage ?
Après toutes ces années et tout le travail accompli, oui, c’est juste magnifique d’y arriver à cet instant de ma carrière. Après dix ans, c’est encore plus beau, le timing est magnifique. Maintenant, j’espère que ce n’est que la première marche parce qu’il en reste d’autres à gravir. Il ne faut pas s’endormir, je dois désormais travailler encore plus pour continuer à monter les marches.
Vous projetez-vous déjà sur 2023 ?
Oui, je vais me projeter rapidement. Avant, il y avait trois ou quatre mois entre deux saisons du CT, quand il reprenait en mars ou avril à Snapper Rocks. Tu avais le temps pour te préparer à toute une saison entière. Là, ça repart fin janvier début février à Pipe (Hawaii) qui est une vague mythique et délicate à comprendre, même si je l’adore et qu’elle fait partie de mes préférées. Et puis, il y a le « cut » (au bout des cinq premières manches, les surfeurs classés au-delà de la 22e place seront relégués en Challenger Series, NDLR), qui met tout de suite énormément de pression. Je vais essayer d’être performant d’entrée parce que sinon ça peut vite devenir compliqué.
Le premier objectif de Maxime Huscenot pensionnaire de l’élite, ce sera donc de passer le « cut » ?
J’ai envie d’être sur le CT pour surfer des vagues parfaites avec deux surfeurs à l’eau et de pouvoir m’exprimer dans ce genre de conditions. Je vais me concentrer sur mes performances et envoyer tout ce que j’ai à montrer, progresser aussi en côtoyant les meilleurs surfeurs du monde. Ça va me faire passer des niveaux supplémentaires. Je vais me concentrer là-dessus. Le résultat final, on verra. « Cut » ou pas « cut », maintenant que je connais le chemin pour y arriver, je suis persuadé que je pourrai le refaire encore. Beaucoup de surfeurs se qualifient, redescendent et reviennent, ils ne lâchent pas et moi, je ne lâcherai pas.
Quels spots du CT vous font rêver ?
Un peu tous je dirais, toutes les épreuves ont des vagues de fou. J’adore Supertubes au Portugal, j’y vais tout le temps, donc ça va être génial de faire la compétition là-bas. C’est un pays qui m’a accueilli à bras ouverts, j’y ai beaucoup d’amis, des sponsors. Et puis j’y ai gagné pas mal ces derniers temps, aux Açores, à Caparica, mon titre de champion d’Europe, j’espère continuer sur cette lancée. Il y a Pipe aussi, la vague la plus mythique et la plus parfaite. Elle me fait vraiment rêver. J’adore également Sunset (Hawaii). Bells Beach, j’y avais été quand j’étais petit pour faire des compétitions. Ça va être super de retourner là-bas quinze ans. Jeffrey’s Bay et Teahupo’o sont aussi deux de mes endroits préférés, avec des vagues parfaites. Que ce soit l’Afrique du Sud ou Tahiti, l’ambiance y est dingue. Ces destinations me font rêver et c’est pour ça que je donnerai tout pour passer le « cut ».
Le CT 2023 sera qualificatif pour les Jeux olympiques de Paris 2024 (1), vous y pensez ?
Les JO, ça reste un autre rêve. Il y a une place à aller chercher par l’intermédiaire du CT. J’aurai aussi une chance de me qualifier via les Mondiaux ISA. Je suis content de faire partie de l’équipe de France et de représenter mon pays. Participer aux JO, ce serait un rêve de plus qui se réalise. C’est encore un peu loin parce qu’il faut passer beaucoup d’étapes avant d’y penser vraiment, mais ça reste présent dans un coin de ma tête et un objectif à accomplir.
(1) Les 10 premiers surfeurs du classement à la fin de la saison, dans la limite de deux par nation, se qualifieront pour les JO de Paris 2024.
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