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« Sobriété : la fin du mythe de la croissance ? », par Dominique Méda – L'Obs

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TRIBUNE. Alors que les injonctions à la sobriété se multiplient, la sociologue rappelle qu’en matière d’écologie le pouvoir des seuls individus demeure limité : comment diminuer nos consommations si nous continuons à vivre dans un contexte où tout nous pousse à la surconsommation ?
Le Lierre, réseau de hauts fonctionnaires et d’experts des politiques publiques engagés pour la transition écologique, lance en cette rentrée « L’heure de la sobriété », un ensemble de décryptages et de propositions concrètes pour répondre aux urgences écologiques et sociales. « L’Obs » publie en avant-première la première note de cette série de contributions.
La sobriété est à l’honneur. Le terme est désormais de plus en plus utilisé, y compris par des responsables politiques qui le vilipendaient et l’assimilaient à une forme de régression (vouloir être sobre, ce serait vouloir ressembler aux Amish – une communauté religieuse chrétienne réticente à l’usage des technologies). Les usages et significations du terme restent néanmoins très diversifiés. Selon les uns, la sobriété s’entendrait essentiellement des comportements individuels consistant à prêter plus d’attention à ses consommations et à rendre ses pratiques plus efficaces (prendre moins de bains, baisser le thermostat, éteindre le wifi, moins utiliser la voiture et l’avion…). Selon les autres, il s’agirait que la société se réorganise en profondeur pour produire et consommer moins.
La plupart des dictionnaires indiquent que la sobriété est une qualité qui se rapporte à une personne : « Comportement de quelqu’un qui est sobre. Qualité de quelqu’un qui se comporte avec retenue », écrit le Larousse. Dans la Grèce classique, il s’agissait d’une vertu individuelle également érigée en principe essentiel garantissant la permanence de la cité. Chez Platon, la tempérance (sôphrosunê) est l’une des vertus cardinales avec la prudence, le courage et la justice. Elle est synonyme de modération et s’oppose à la démesure (l’hybris), à l’illimitation, à ce qui n’a pas de fin, ni de limites.
Aristote condamne par exemple la chrématistique, cet art non naturel d’acquérir les richesses qui cherche non pas à satisfaire les besoins légitimes de la maisonnée mais qui a pour but le maximum de profit. Il s’agit d’un processus illimité, d’un mauvais infini, condamné pour cette raison même. Le philosophe loue en revanche la juste mesure, la modération, la limite, la prudence qui sont des vertus individuelles mais également profondément politiques.
Dans la « Lettre à Ménécée », Epicure affirme qu’il existe plusieurs types de désirs :
Les désirs vains comportent l’illimité : ils visent une fin qui ne peut jamais être atteinte car il n’y a jamais assez de biens, de pouvoir ou d’honneurs en quantité suffisante pour satisfaire ceux qui les recherchent. Les textes chrétiens reprendront cette interprétation et feront également de la modération et/ou de la tempérance une vertu.
La Modernité a constitué une rupture radicale avec cette configuration comme en témoignent par exemple la fable de Mandeville (1714) et le scandale que sa publication a provoqué : il s’agit en effet d’une apologie de l’Orgueil, de la Vanité, de l’amour du Luxe et autres vices, loués parce qu’ils permettent de décupler la production de biens et donc de plaisirs. La Nation « jouit d’une heureuse prospérité » précisément parce que chaque ordre est « rempli de vices ». En revanche, la simplicité, la modération et le contentement (« cette peste de l’industrie ») la conduiront à la ruine.
Mais le point central est celui-ci : l’enrichissement individuel – y compris obtenu par le vice – est source de prospérité publique. Evoquant l’idée révolutionnaire, prônée notamment par Benjamin Franklin, que le devoir de chacun est d’augmenter son capital, Max Weber a rappelé dans « l’Ethique protestante et l’Esprit du capitalisme » qu’« un tel comportement aurait été tout bonnement proscrit dans l’Antiquité aussi bien qu’au Moyen Age en tant qu’attitude sans dignité et manifestation d’une avarice sordide ».
En 1771, dans son ouvrage « Théorie du luxe », Georges-Marie Butel-Dumont écrit que la prospérité vient de la capacité d’un grand Etat à inciter à une production supérieure à la satisfaction des besoins nécessaires et donc à une consommation toujours plus intense :
Quelques années plus tard, Adam Smith fera l’apologie de la division du travail qui permet de produire toujours plus de biens et de faire ruisseler l’abondance. La recherche d’une production toujours plus élevée est au cœur du progrès. Le désir d’obtenir toujours plus en est l’un des plus puissants moteurs.
Nous nous trouvons plus que jamais dans cette configuration moderne qui considère le volume de la production comme un bon critère de la richesse globale. Le PIB par habitant, notre indicateur de référence, est considéré comme la mesure de la richesse de la nation : il mesure la valeur ajoutée (par les humains) chaque année à la quantité de biens et services produits et les revenus qui en sont tirés.
Même si le PIB ne comptabilise pas toutes les productions – en particulier pas le travail domestique –, les quantités produites (donc transformées) sont bien déterminantes. La consommation constitue l’un des moteurs de la croissance (du PIB) et de ce fait est une bonne action sinon un devoir social comme en attestent les enquêtes sur le moral des ménages. Plus nous consommons individuellement, plus nous sommes donc riches collectivement, comme si tous les actes de production comptabilisés dans le PIB et de consommation étaient de ce fait sanctifiés. Tout achat d’essence pour faire fonctionner son yacht privé, tout achat de billet d’avion, toute opération même destructrice pour l’environnement est néanmoins créatrice de valeur ajoutée et donc d’augmentation du PIB et de la richesse sociale.
C’est avec cette configuration moderne que nous devons rompre. Ce n’est en effet pas d’une plus grande quantité de biens et services produits que nous avons besoin aujourd’hui (au contraire des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et vu l’invention du Plan et de la comptabilité nationale) mais d’une meilleure répartition – c’est déjà ce qu’affirmait John Stuart Mill en 1848 dans ses « Principes d’économie politique ». Nous n’avons pas non plus besoin d’un surcroît de consommation mais bien plutôt de faire en sorte que ceux qui ne parviennent pas aujourd’hui à satisfaire leurs besoins essentiels le puissent.
Certains continuent de croire que nous pourrons à la fois continuer à produire et consommer plus tout en préservant notre patrimoine naturel. C’est le « mythe de la croissance verte » dénoncé par Hickel et Kallis : cela n’est pour l’instant pas possible et il est dangereux d’en faire le pari. Il nous faut donc diminuer la quantité de biens et services produits (fabriqués, échangés, transportés…) de même que la quantité d’énergie produite, utilisée, consommée.
Cela est-il dans le pouvoir des seuls individus ? Peuvent-ils seuls décider de ne plus utiliser leur voiture, de changer de mode de chauffage ? Non. S’ils peuvent décider d’être plus sobres, de consommer moins, de changer leurs pratiques, cela ne peut se faire de manière efficace que si le contexte général s’y prête, c’est-à-dire d’une part, s’il existe des alternatives, et d’autre part, si nous changeons de système de valeurs, de cadres cognitifs, de normes sociales.
Comment imaginer que nous pourrons aisément diminuer nos consommations, nous tourner vers des produits durables, adopter de nouvelles pratiques si nous continuons à vivre dans un contexte où tout nous pousse à la surconsommation ? Non seulement la publicité, bien sûr, et l’obsolescence programmée. Mais également la multiplicité des produits, le libre cours laissé à ce que Thorstein Veblen appelle la consommation ostentatoire, l’idée que la consommation est un devoir social puisqu’elle soutient la croissance du PIB…
Nous avons besoin d’un véritable changement de valeurs et d’une rupture avec les cadres cognitifs, les indicateurs, les référentiels et les éthiques en vogue depuis la période moderne. Nous avons besoin d’une conversion des mentalités, d’un autre rapport entre humains et nature, d’un réencastrement des premiers dans la seconde, d’une nouvelle articulation entre les sciences humaines et sociales et les sciences naturelles. Nous avons besoin de substituer au paradigme de la conquête et de l’exploitation qu’évoquait Aldo Leopold dans « Almanach d’un comté des sables » un paradigme du prendre soin.
Nous avons besoin d’enserrer notre production et le PIB dans des limites sociales et environnementales, qui pourraient être représentées par deux indicateurs : l’empreinte carbone et l’indice de santé sociale. Nous avons besoin de limiter drastiquement les consommations ostentatoires des plus aisés, comme le rappelait le dernier rapport du Giec :
Un tel changement ne s’opère pas facilement. Il repose sur la mise en place de nouvelles réglementations (de la publicité, des achats, des usages – y compris des formes de quota, de rationnement et d’interdiction), sur le déploiement de nouvelles modes (véganisme, durabilité des objets, simplicité, autoproduction, circuits courts, local), et sur la mise en évidence des bénéfices issus de ces nouvelles pratiques (pour la santé, le bien-être, le travail, la qualité des relations sociales, la convivialité, le cadre de vie, la beauté…).
La bonne volonté des individus ne suffira donc pas. On le voit, il s’agit de susciter la mise en œuvre de nouveaux dispositifs, de nouvelles valeurs, de nouveaux cadres cognitifs, de nouveaux critères, d’une nouvelle éthique. Mais des politiques publiques accommodantes sont également nécessaires. Comment exiger des personnes qu’elles recourent plus à la marche, au vélo ou au train si les infrastructures n’existent pas ? Comment obtenir une moindre consommation de chauffage dans les passoires énergétiques ? Comment exiger moins de consommation de viande si les produits alternatifs sont trop chers et si notre agriculture n’a pas été profondément réformée ?
Nous avons donc besoin de politiques publiques ambitieuses, décidées au terme d’une consultation publique approfondie, capable de planifier les actions sur le long terme, de coordonner les différents acteurs et niveaux. Nous avons besoin de choisir parmi tous ceux qui existent un scénario central, donnant des précisions en ce qui concerne la production d’énergie, la relocalisation des productions, la rénovation thermique des bâtiments, la transformation de notre agriculture, la refonte des infrastructures de transport… Nous avons besoin de détails sur la répartition des nouvelles productions et la distribution des emplois sur le territoire, sur la façon dont ce dernier va être réaménagé qu’il s’agisse de l’artificialisation des sols, de la gestion de l’eau et des forêts, de la réorganisation des métropoles, de la reconversion des entreprises et des emplois.
Nous disposons déjà de plusieurs types de scénarios, ceux de RTE et de l’Ademe notamment. Carbone 4 et I4CE en ont aussi proposé. France Stratégie et le Shift Project ont fait des projections d’emplois. Mais nous avons désormais besoin de plus de précisions sur les différentes dimensions de ces scénarios qui devront planifier en même temps, dans un même document, les investissements nécessaires sur vingt ans, leur répartition sur chacune des politiques citées ci-dessus, leur déclinaison territoriale, les emplois et les reconversions nécessaires.
Aujourd’hui, nous disposons d’ordres de grandeur mais de multiples points doivent être désormais précisés : les investissements annuels nécessaires sont-ils de 20 ou de 50 milliards d’euros ? Comment les formations nécessaires seront-elles organisées : par exemple, par qui seront formés les artisans dont nous avons besoin pour réaliser la rénovation thermique des bâtiments qui doit être accélérée et globale ? Nous avons peu avancé depuis le rapport Parisot [PDF].
Quels sont les lieux où il vaudra mieux procéder à l’abandon et à la reconstruction de nouveaux bâtiments ailleurs ? Vaut-il mieux tenter de desservir les villages et zones rurales par de nouvelles lignes de train, des bus électriques à fréquence régulière ou d’autres solutions ? Dans quelle mesure faut-il démétropoliser ? Faut-il interdire dans certains endroits la construction de maisons individuelles ? A quelle vitesse allons-nous reconvertir l’industrie automobile ? [PDF] Quelles sont les surfaces que nous allons donner à l’agriculture bio et en combien d’années allons-nous opérer la conversion ?
Autant de questions sur lesquelles il est nécessaire d’organiser des concertations et consultations denses (elles devraient avoir commencé) avant d’arrêter le scénario détaillé. Le travail de fond engagé par le Lierre sur la sobriété dans les politiques publiques s’inscrit dans ces objectifs. Il permettra de traduire concrètement l’ambition de transformation écologique des politiques publiques et de formuler des propositions opérationnelles pour répondre au défi de la sobriété dans une trajectoire de justice et d’adaptation face aux catastrophes écologiques. Les publications à venir sur les grands enjeux de la sobriété (transition énergétique, changements économiques, préservation des ressources…) constitueront des contributions importantes au débat public et autant de guides à destination des décideurs publics.
Professeure de sociologie, Dominique Méda dirige l’Institut de Recherche interdisciplinaire en Sciences sociales (université Paris Dauphine-PSL). Présidente de l’Institut Veblen et membre du conseil d’orientation du Lierre, elle est également la coauteure de « Faut-il attendre la croissance ? », avec Florence Jany-Catrice, qui paraît le 20 septembre à la Documentation française dans une version actualisée.
T'as vu comment t'es avec deux points de croissance? SOBRIÉTÉ! …
La "décroissance" est une absurdité. Il reste une belle marge de croissance avec le développement des énergies alternatives, avec une meilleure gestion des ressources, la réduction des gaspillages.
si on fait ses courses avec un sac en tissu ou papier fort, durable (= solide) au lieu du plastique, ça ne perturbe pas la 'croissance'. C'est plus une réorientation qu'un abandon de tout. Manger de la viande à tous les repas c'est peut-être pas indispensable, etc etc. En mesurant tout chez moi j'ai remplacé ma VMC (48kWh/mois) par une économe (3kWh/mois), 20% de chute de ma conso annuelle, 70€ non dépensés. A été amortie en 4 ans.
La sobriété, c est un slogan qui ne passera pas l hiver, lors qu on sera sûr que le pic de consommation electrique sera dépassé.
"le pic de consommation électrique sera dépassé" ça aura disjoncté quelque part, on ne peut pas le dépasser faute de production. Un jour y a eu une alerte demandant aux gens de décaler les usages électriques pour éviter une pointe, et ça a marché ! Pointe rabotée.
La "décroissance" c'est plus de sobriété, et plus de sobriété c'est plus de PARTAGE !
Le salut(ou la survie si vous préférez) est dans la décroissance.
en 1975 Giscard (toujours dans l'air du temps) demandait une croissance douce ; et Chirac, ce méchant "productiviste" , avait répondu par une belle vérité : "la croissance douce ne sera douce que pour les nantis" !aujourd'hui la décroissance c'est le refrain des bobos nantis qui savent pas où ils ont mal ! en réalité la décroissance, c'est la décadence : les abrutis qui tonnent contre les machines à laver et leur phosphate et qui ont la nostalgie du bon temps des lavoirs, lieu de convivialité, n'ont jamais vu les femmes s'user les mains et la santé à frotter et rincer pendant des heures dans l'eau froide ! quand j'étais gosse j'ai vu ma mère faire ça et je me suis juré plus tard que je donnerai une bonne gifle à celui qui me parlerait du bon temps des lavoirs, qui de plus étaient le lieu de tous les commérages, même les plus abjects ! c'est la machine à laver qui a libéré la femme !

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