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Salman Rushdie : plus de trente ans d’une menace jamais éteinte – La Croix

Plusieurs jours après l’agression perpétrée le 12 août contre l’écrivain, l’Iran a démenti « catégoriquement » tout lien avec l’assaillant. Depuis 1989, l’auteur des Versets sataniques ne s’est pourtant jamais libéré de la fatwa prononcée en 1989 par l’ayatollah Khomeyni, guide suprême de la Révolution islamique.
Lecture en 4 min.
Salman Rushdie : plus de trente ans d’une menace jamais éteinte
Manifestation de femmes iraniennes, en février 1989, pour la mort de Salman Rushdie.
NORBERT SCHILLER/AFP
En septembre 1988, Salman Rushdie, 31 ans, publie son quatrième ouvrage. Très vite, une portion – infime – de son roman Les Versets sataniques provoque l’ire d’une partie des musulmans, à travers le monde entier : la référence, au fil des rêves et dialogues des deux personnes principaux, à la sourate 53 du Coran évoquant des compromissions du prophète de l’islam Mohammed avec les cultes polythéistes. Une conduite dictée par Satan, selon la lecture entérinée du texte sacré.
Le même mois, l’écrivain indien Khushwant Singh, de religion sikh, libéral et pourtant défenseur de la laïcité, propose dans une recension la censure du livre, qu’il juge susceptible de provoquer la minorité musulmane. Le roman sera interdit en Inde, pays d’origine de l’auteur, comme au Pakistan et en Afrique du Sud, puis en Arabie saoudite, en Égypte, au Bangladesh, au Soudan, en Indonésie, en Malaisie et au Qatar. Au Royaume-Uni, où Salman Rushdie résidait depuis l’âge de 13 ans, des associations financées par les pays du Golfe montent au créneau à l’automne, à coups d’autodafés publics et de premières menaces de mort.
Le 12 février 1989, six personnes trouvent la mort, et 100 autres sont blessées, en marge de l’attaque par des manifestants du centre culturel américain d’Islamabad, capitale du Pakistan. Le surlendemain, après des nouvelles émeutes au Cachemire indien, l’ayatollah Khomeyni prononce sa fatwa. « J’informe le fier peuple musulman du monde entier que l’auteur du livre, qui est contraire à l’Islam, au Prophète et au Coran, ainsi que tous ceux impliqués dans sa publication (…) sont condamnés à mort », prononce le dirigeant iranien sur Radio Téhéran. Le guide de la Révolution islamique promet une récompense de plus de 2 millions de dollars (environ 1,9 million d’euros) pour l’exécution de l’écrivain. L’ayatollah confirmera sa sentence malgré les « profonds regrets » exprimés par l’auteur.
Dès le lendemain de la fatwa, Salman Rushdie plonge dans la clandestinité. La Grande-Bretagne rompt ses relations diplomatiques avec l’Iran en mars et la plupart des pays européens rappellent leurs ambassadeurs à Téhéran.
À la fin du même mois, le recteur de la mosquée de Bruxelles, Abdullah Ahdel, et le bibliothécaire du centre culturel islamique de cette ville, Saleh El Behir, un Tunisien, sont assassinés. Dans un entretien, le premier avait jugé Les Versets sataniques certes « blasphématoires » et « diffamatoires », mais considérait que les menaces de morts n’étaient pas pour autant « la bonne façon de traiter l’affaire ».
À Paris, à la fin de février, deux jours après une manifestation dont les participants crient « À mort le Satan ! », le maire de la capitale, Jacques Chirac, explique n’avoir « aucune estime pour Monsieur Rushdie : “J’ai lu ce qui a été publié dans la presse. C’est misérable. Et en règle générale, je n’ai aucune estime pour ceux qui utilisent le blasphème pour faire de l’argent.” »
Au début des années 1990, plusieurs traducteurs et éditeurs des Versets sataniques seront agressés. En juillet 1991, Hitoshi Igarashi, professeur d’université et traducteur japonais, est assassiné de six coups de couteau à Tokyo. Le même mois, son homologue italien, Ettore Capriolo, est poignardé à son domicile milanais.
En juillet 1993, le romancier turc Aziz Nesin, coupable d’avoir publié un extrait du livre dans un journal local, échappe de peu à l’incendie qui le visait, dans un hôtel de l’est de la Turquie où il séjournait ; 37 autres personnes périront dans l’attaque. Trois mois plus tard, l’éditeur norvégien des Versets, Willian Nyggard, sera blessé dans un attentat perpétré à Oslo.
Tout au long des années 1990, les initiatives politiques et culturelles du monde entier se multiplieront pour lever la fatwa de 1989. « J’ai décidé de faire beaucoup de bruit parce que le bruit est mon seul espoir », appelle Salman Rushdie, en 1992. Il sera reçu l’année suivante par Bill Clinton, qui l’assure de son soutien. L’Union européenne demande en 1995 aux autorités iraniennes de lever officiellement la menace. En vain, Téhéran maintient la fatwa : personne n’ose remettre en cause la décision de l’ayatollah Khomeyni, décédé dès le 3 juin 1989.
La récompense promise à son exécutant monte même à 2,5 millions de dollars, avec la prime ajoutée en 1997 par la fondation para-étatique « 15 Khordad ». D’autres revalorisations seront consenties en 2012 (par la même organisation) et en 2016 (par une association d’organes de presse contrôlés par l’État).
En 1998, pourtant, après des négociations avec la Grande-Bretagne, le ministre des affaires étrangères iranien, Kamal Kharazi, avait annoncé que son gouvernement « se dissociait de toutes les primes qui ont été offertes », et qu’il « n’encouragerait ou n’inciterait personne à le faire ». Une déclaration qui « signifie la liberté », célébrait dans la foulée Salman Rushdie.
Résident depuis vingt ans aux États-Unis, Salman Rushdie semblait y trouver une vie plus sereine, moins clandestine, libéré même de sa protection policière. « Depuis que je vis aux États-Unis, je n’ai plus de problème (…) Ma vie est de nouveau normale », assurait l’auteur quelques jours avant son attaque dans un entretien à paraître au magazine allemand Stern. Il s’y disait alors « optimiste » malgré « les menaces de mort quotidiennes ».
Le septuagénaire, naturalisé américain en 2016, était convaincu de ne plus être la priorité de l’Iran. « Chaque année, à Téhéran, le 14 février, quelques dizaines de manifestants viennent se rappeler à mon souvenir. Pendant un jour ou deux, la presse redevient hystérique. “Comment ? Ce suppôt de Satan vit encore ?” Et puis, c’est fini », racontait-il au Monde en 2004.
Une espérance teintée d’illusion ? Ali Khamenei, actuel guide suprême iranien, a indiqué à plusieurs reprises que la fatwa était toujours en vigueur, la dernière fois en 2019.
Autre menace : au printemps 2013, le visage de Salman Rushdie compte parmi les onze personnes à abattre, accusées de « crime contre l’Islam », dans une liste publiée dans Inspire, la revue officielle d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (Agpa). L’écrivain y côtoie Charb, directeur de Charlie Hebdo, assassiné lors de l’attaque de l’hebdomadaire le 7 janvier 2015.
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