Les images ont fait le tour du monde. Le 1er décembre dernier, en marge de l’acte 3 des gilets jaunes, l’Arc de triomphe était saccagé. Piliers recouverts d’innombrables tags (avec essentiellement des insultes visant Emmanuel Macron), boutique complètement détruite et pillée, œuvres d’art endommagées… la liste des destructions est longue. Et le chiffrage des réparations à l’avenant. Lors d’une conférence de presse, le procureur de la République de Paris Rémy Heitz avait même employé le terme « d’exactions ».
A ce stade, 14 personnes ont été mises en examen dans le cadre de l’information judiciaire ouverte dans la foulée pour identifier les auteurs de ces actes, dont deux placés en détention provisoire. Or, selon les informations auxquelles nous avons pu avoir accès, les mis en cause apparaissent, en l’état des investigations, plutôt comme des seconds couteaux. Ainsi, seuls trois de ces quatorze suspects ont été formellement mis en cause pour les dégradations : deux lycéens et un militant d’ultra-droite. Les autres sont essentiellement poursuivis pour être rentrés dans ce monument classé et, pour certains, pour avoir dérobé des objets s’y trouvant. En clair, les véritables casseurs courent toujours.
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Les investigations s’annoncent longues et complexes. « Il y a un gros travail d’exploitation des vidéos », confie une source judiciaire. A ce souci près que l’intérieur de l’Arc de triomphe n’est pas équipé de caméras. Les enquêteurs vont également analyser les très nombreux scellés recueillis : plusieurs mégots, des bombes de peinture, des canettes, des équipements de protection, des vêtements…
Qui sont les 14 personnes mises en examen ? Révélations sur ce qu’il s’est passé en ce 1er décembre 2018.
Ils sont livreur, étudiant ou en recherche d’emploi et gagnent entre 900 et 1 500 euros par mois. Ils viennent de région parisienne, de Gironde, du Var ou de l’Hérault, sont âgés de 21 à 45 ans et, pour la plupart, inconnus des services de police ou alors pour des faits mineurs. Le 1er décembre, ils ont enfilé leurs Gilets jaunes et sont venus à Paris manifester pour « la hausse du pouvoir d’achat et la hausse des salaires » (Michaël) ou contre « les taxes qui augmentent » (Mehdi).
Ces neuf-là, dont une femme, racontent la même chose : en fin d’après-midi, pris dans un mouvement de foule et dans un nuage de gaz lacrymogène, ils se sont réfugiés dans l’Arc de Triomphe. Où ils ont été cueillis les mains dans les poches (sauf Ludivine avec une petite réplique de tour Eiffel et Valentin avec quatre cartes postales) à 19 heures, lorsque la police est intervenue.
Certains ont profité de leur présence dans le monument pour faire des photos depuis le toit, d’autres ont stagné dans les escaliers. Mais tous l’assurent : quand ils sont rentrés, le mal était déjà fait. « On est arrivé au 1er étage, il y a une sorte de musée, tout est déjà cassé […] les vitres sont explosées », explique Thomas. « C’était déjà un désastre quand j’y suis arrivé », abonde Yvann.
Uniquement mis en cause pour « participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou de dégradations » et pour avoir « pénétré dans un immeuble classé », ils condamnent unanimement les détériorations pour lesquelles ils ne sont pas mis en examen. « Je trouve cela inadmissible, car c’est notre patrimoine », insiste Thomas, un chômeur de 32 ans. « Je suis contre ce vandalisme gratuit qui décrédibilise notre parole et notre action », relate Benjamin, un plombier qui vit dans le Val-de-Marne.
Placés sous contrôle judiciaire, même s’ils regrettent d’avoir pénétré dans l’Arc de Triomphe – Ludivine avoue son « manque de discernement » –, ces neuf-là ont le sentiment d’avoir été affublés d’un costume trop grand pour eux. « C’est pas facile de prendre pour des personnes qui l’ont fait vraiment », se désole Yvann devant la juge d’instruction. Écœuré, Thomas assure à la juge qu’il ne manifestera plus : « Je pense que j’ai donné de ma personne pour ce mouvement pour l’instant. »
Melvyn, 18 ans, et son camarade Karim*, 17 ans, se sont rejoints à Paris, le 1er décembre. Les deux lycéens de région parisienne, le premier en bac pro vente et le second en terminale ES, voulaient « voir comment c’était la manifestation ». A 20 heures, ils se font interpeller par la BAC en possession de deux bouteilles d’alcool, subtilisées un peu plus tôt dans un Monoprix pillé du VIIIe arrondissement. Mais au cours de leur garde à vue, les policiers les identifient sur une vidéo diffusée sur BFMTV sur laquelle on les aperçoit attaquer une porte de l’Arc de Triomphe.
Transférés dans les locaux du 1er district de police judiciaire, les deux adolescents finissent par admettre leur participation au saccage du monument. Ils avouent avoir donné des coups de pied et d’extincteur dans une porte avec un troisième comparse qu’ils ne connaissaient pas. Après s’être introduit dans le bâtiment, Karim a dérobé plusieurs pièces commémoratives, un médaillon ainsi qu’un pistolet de collection.
Devant la juge d’instruction, les deux lycéens au casier vierge font preuve de contrition. « Je regrette affreusement […] En temps normal, je ne suis pas violent, je suis anodin, mais par l’effet de groupe j’ai commis des actes que je regrette profondément par la suite », promet Karim. « La personnalité de mon client ne correspond pas du tout à ce genre de faits, développe Me Jean-Christophe Tymoczko, son avocat. C’est typiquement un dossier où l’effet de groupe a joué à plein. » Une défense également développée par Melvyn. « Je regrette d’avoir fait ça, je ne m’en suis pas rendu compte. C’était vraiment dans l’euphorie, c’était dans le mouvement de groupe, explique-t-il lors de son interrogatoire. […] Je suis désolé, clairement. »
Placé en détention provisoire, Karim a vite été remis en liberté par la cour d’appel. Melvyn est, lui, toujours derrière les barreaux. « Son incarcération n’est absolument pas justifiée, martèle son avocate Me Noémie Saidi-Cottier. Il n’a jamais commis le moindre écart et possède toutes les garanties de représentation. »
*Le prénom du mineur a été modifié
Quelques jours après le saccage de l’Arc de Triomphe, les enquêteurs de la PJ reçoivent un renseignement anonyme : l’auteur d’un des tags qui ont recouvert le monument – « Augmenter le RSA » – serait un certain Sébastien F. L’homme se serait notamment trahi en signant le graffiti de son surnom : « Sanglier ». Âgé de 40 ans, ce chômeur est une figure de l’ultra-droite.
Lors de la perquisition effectuée dans la maison de ses parents dans le Doubs où il réside, les enquêteurs ont découvert toute la panoplie du nostalgique du IIIe Reich : un tableau et une photo d’Hitler, deux drapeaux nazis frappés de la croix gammée, une carte d’adhésion au groupuscule d’ultra-droite Troisième voie et des drapeaux du GUD (une organisation étudiante d’extrême droite). De nombreuses armes ont également été saisies.
En garde à vue, « Sanglier » reconnaît s’être rendu à Paris le 1er décembre, mais nie formellement être l’auteur de ce tag. « Je n’en ai jamais fait (NDLR : de tag) et ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer, au contraire je trouve ça dégueulasse. […] Je ne pense pas être le seul à être surnommé Sanglier dans ma région », jure-t-il.
Mais pour nombre de ses proches qui lui ont envoyé des messages privés en ce sens, Sébastien F. est bel et bien l’auteur de ce graffiti. C’est notamment la conviction de l’un d’entre eux, Serge Ayoub, la figure tutélaire de l’ultra-droite française. A chaque fois, « Sanglier » assure à ses interlocuteurs qu’il n’a pas souillé le monument. Devant les enquêteurs, Sébastien F. explique au contraire qu’en tant qu’ancien militaire, il a protégé la tombe du soldat inconnu. « Je ne suis vraiment pas venu dans un but de dégrader ou de me battre et ça n’a pas été le cas, a-t-il insisté auprès du juge d’instruction. Sur mon profil, je sais que je n’ai pas toujours été très recommandable […], mais rien de bien méchant et là, de me reprocher des faits comme ça, c’est inconcevable […] ».
Mis en examen pour ces dégradations présumées, Sébastien F. a été placé sous contrôle judiciaire. Mais, suite à l’appel du parquet qui avait requis son placement en détention provisoire, une audience se déroulera jeudi devant la cour d’appel.
1 028 500. C’est le coût en euros des dégâts calculé par le centre des monuments nationaux (CMN). Dans sa plainte, l’administrateur du site liste l’ensemble des dégradations. Le procès-verbal s’étale sur une page et demie. A cette somme, il convient d’ajouter les pertes d’exploitation subies du fait de la fermeture du monument pendant une semaine, soit 200 000 €. Le CMN entend se constituer partie civile.
L’événement ne semble en tout cas pas avoir écorné l’attrait du monument, fréquenté à plus de 70 % par des étrangers. « L’affluence est normale depuis la réouverture », indique Bruno Cordeau, l’administrateur de l’Arc. « Nous recevons de nombreux messages de soutien, ajoute le haut fonctionnaire. Peut-être qu’à la faveur de ce saccage des gens ont réalisé l’attachement qu’ils portaient à ce monument. » Les responsables du site espèrent que l’ensemble des travaux de réfection seront achevés au printemps.
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