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Imaginait-il que les faits lui donneraient raison si vite ? Il y a moins de deux mois, Rishi Sunak alertait sur le programme économique de Liz Truss digne d’un « conte de fée », coupable selon lui d’aggraver l’inflation et d’augmenter la charge de la dette. A l’opposé, l’ancien ministre du Trésor donnait – et donne toujours – la priorité au sérieux budgétaire et à la lutte contre l’inflation. Comme prédit, Liz Truss a bien été emportée par son amateurisme économique.
Auréolé de sa crédibilité économique, Rishi Sunak fait son grand retour pour reprendre le parti conservateur et le gouvernement après une première tentative infructueuse cet été face à Liz Truss. Essorés par les crises sans fin auxquelles les extravagances de Boris Johnson et les errements de Liz Truss ne sont pas étrangers, les Britanniques attendent un Premier ministre sobre et fiable. Les marchés financiers aussi.
Le parcours de Rishi Sunak semble en faire l’homme qui saura murmurer à l’oreille des investisseurs. Son entrée à Downing Street marque l’ultime étape sur l’itinéraire doré de ce financier de haut vol. L’histoire de Rishi Sunak a des allures de « rêve britannique », une formule signée The Economist, toutefois à relativiser car les origines sociales de Sunak n’ont rien de modeste.
C’est à Southampton, ville portuaire du Sud de l’Angleterre, que grandit cet aîné d’une fratrie de trois enfants, élevé au sein d’une famille de médecins d’origine indienne arrivés en Grande-Bretagne dans les années 1960. Quand il n’étudie pas au so british internat de Winchester College, établissement où sont passés nombre de politiciens britanniques, le jeune homme travaille dans l’officine de sa mère pharmacienne. Il y tient les comptes.
Son aisance avec les chiffres et les affaires s’affirme à Oxford. Puis dans la banque américaine Goldman Sachs où il officie comme analyste pendant trois ans avant de s’envoler pour l’université Stanford aux Etats-Unis. Sur les bancs de la meilleure faculté californienne, le Britannique suit un MBA (Master in Business Administration), diplôme idéal pour s’ouvrir les portes de l’élite économique mondialisée, étoffer son réseau professionnel… et personnel. A San Francisco, Sunak noue une idylle avec sa future épouse Akshata Murty, héritière d’une grande fortune indienne. Son père est le fondateur du géant informatique Infosys dont elle possède des parts évaluées à 430 millions de livres.
A son retour sur les bords de la Tamise, un fonds spéculatif l’embauche, il s’y forme et monte son propre hedge fund. Richissime par sa réussite (et son mariage) à 35 ans, le golden boy éprouve peut-être le sentiment d’avoir fait le tour de la City. Vient l’heure de s’intéresser à la vie de la cité.
En politique, son premier fait d’armes ne tarde pas. Parachuté dans le Yorkshire en 2015, il y est élu député d’une circonscription désindustrialisée du Nord. Il devient l’un des plus jeunes, et le plus riche, membre de la Chambre des communes.
A l’image du Parlement, le Royaume-Uni se déchire à ce moment précis autour du référendum de 2016 sur la sortie de l’Union européenne. Le « maharaja du Yorkshire », titre mi-pompeux mi-ironique que lui donne la presse britannique, prend alors fait et cause pour le Brexit. Un positionnement clair, validé par le référendum victorieux des Brexiters, qui fait encore sa popularité aujourd’hui.
Réélu en 2017, son envol politique se poursuit de cabinet en sous-secrétariat sous Theresa May. Jusqu’à être nommé ministre des Finances après le triomphe de Boris Johnson aux élections législatives de 2019 (qu’il lâchera en juillet 2022 en démissionnant de son poste ce qui précipitera la chute du gouvernement de Boris Johnson). Loin de lui être reprochée, comme cela arrive encore à Emmanuel Macron en France, l’expérience de Rishi Sunak à la City sert sa crédibilité en politique.
« Le parcours professionnel de Sunak lui donne une grande légitimité dans la gestion des dossiers économiques. Avoir été banquier d’affaires est perçu comme un atout en Grande-Bretagne. On le qualifie d’ “homme de Davos”. Dans la bouche des Britanniques, cela sonne comme un compliment. En tant que financier, il a l’image d’un homme pragmatique, sérieux et cohérent. Cette image est renforcée par son bilan de ministre des Finances jugé positif lors de la pandémie où il a mis en place les dispositifs d’indemnisation des salariés et des entreprises », rapportait cet été à La Tribune Sophie Loussouarn, professeure de civilisation britannique à l’université Jules Verne d’Amiens.
Pendant la pandémie, Sunak s’illustre comme un partisan des restrictions les plus légères possibles, soucieux de ne pas briser la croissance. Si sa compétence économique est avérée, sera-t-elle suffisante pour gouverner un pays à la dérive ? La colère populaire est tenace contre son parti. « Aujourd’hui le déficit public et la dette publique ont augmenté. Le gouvernement conservateur est tenu responsable de cette situation », expliquait vendredi à La Tribune Sophie Loussouarn.
L’heure n’est plus au « thatchérisme de bon sens » que revendiquait Sunak cet été, mais au pragmatisme. « Le prochain Premier ministre devra surtout ne pas cliver. Dans l’idéal, il faudrait un gouvernement de coalition comme en période de guerre mais les travaillistes ne verront aucune raison de rentrer au gouvernement. Ils veulent laisser les conservateurs boire le calice jusqu’à la lie en attendant les élections générales », observe le président de l’Observatoire du Brexit Aurélien Antoine. « Quoi qu’il arrive, le futur Premier ministre aura des marges de manœuvres très restreintes. Il ne pourra pas faire grand chose à part rassurer les marchés », anticipe-t-il.
Face à l’envolée du coût de la vie, l’Etat semble ne plus pouvoir grand chose. Le « mini budget » de Liz Truss a plombé l’enveloppe prévue pour aider les ménages à régler leur facture. Le plafonnement des prix de l’énergie, initialement prévu pour deux ans, est réduit à seulement six mois. Le prochain ministre des Finances – le quatrième en quatre mois – s’attachera d’abord à faire preuve de prudence et de rigueur.
Objectif prioritaire du gouvernement : corriger l’impression d’amateurisme budgétaire laissée par Liz Truss que les marchés n’ont pas pardonnée. Les niveaux abyssaux atteints par la livre lestent encore le coût des importations de pétrole et de gaz quand l’envolée de taux sur la dette pèsent sur les crédits des ménages. Dans son message de candidature à Downing Street, Rishi Sunak s’est vanté d’avoir « un plan clair pour résoudre nos problèmes ». Il n’a plus de temps à perdre.
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