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Risques en finance : une histoire de casino ? – The Conversation France

Professeur de Finance et Doctorant, Grenoble École de Management (GEM)
Professur de finances, Grenoble École de Management (GEM)
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Les marchés financiers sont souvent comparés à des casinos. Ce parallèle a été fait pour la première fois par John Maynard Keynes et est encore aujourd’hui repris dans les médias. C’est à notre sens d’un point de vue historique que la comparaison tient avec la gestion des risques financiers – du moins jusqu’en 1952. Gestion des risques financiers et jeux de hasard sont jusque-là liés par une histoire commune.
La notion de risque quantifiable, maintenant au cœur de la finance, date du milieu du XXe siècle – bien après donc que les marchés financiers aient pris leur essor. Elle se base sur les concepts de probabilités, qui n’ont curieusement pas émergé avant le XVIe siècle, grâce à l’étude des jeux de hasard.
Les jeux de hasard existaient cependant bien avant notre ère. Les osselets, précurseurs des dés, sont dépeints sur des vases grecs et sur les murs de tombes égyptiennes datant de 3 500 ans av. J.-C.. Les osselets n’ayant pas des faces de même taille, il aurait été difficile de calculer des probabilités à partir de cet instrument.
Les Grecs auraient cependant utilisé des dés, aussi bien pour la divination que dans un but ludique. Malgré leurs connaissances mathématiques avancées, ils ne se sont jamais intéressés aux probabilités, qui forment aujourd’hui la base de la gestion des risques. Bernstein attribue cela au fait que l’avenir était à l’époque le domaine réservé des dieux. Pour le connaître, on allait voir un oracle et non pas un philosophe ou un mathématicien (souvent la même personne).
De même, les Grecs entretenaient un amour pour la pureté et la démonstration mathématiques. Les probabilités ne répondent guère à cette caractérisation. Les mathématiciens actuels ont d’ailleurs toujours tendance considérer les probabilités comme un domaine d’étude peu noble.
Il faudra donc attendre le XVIe siècle pour que cette branche des mathématiques apparaisse, et les recherches du médecin Milanais Girolamo Cardano. C’est dans le cadre de son addiction au jeu qu’il développe une analyse faisant appel aux probabilités. Il est d’ailleurs amusant de voir qu’il précise dans son livre « si les dés ne sont pas pipés ».
Par la suite, les recherches sur les probabilités sont souvent effectuées comme un « à côté » plus ou moins ludique par des scientifiques de l’époque en réponse à des demandes de joueurs invétérés. Galilée travaillera ainsi sur le sujet des probabilités à la demande de son employeur le Grand-Duc de Toscane, Cosimo II – d’après certains historiens sans grand plaisir. En France, le Chevalier de Méré entrera en contact avec les célèbres Blaise Pascal et Pierre de Fermat afin de savoir comment diviser les gains lorsqu’un jeu de hasard est arrêté en cours de partie.
C’est à partir de Daniel Bernoulli que la notion de risque apparaît. Là encore, on la doit à un jeu de hasard hypothétique, appelé le Paradoxe de Saint-Pétersbourg. Imaginons le jeu de pile ou face suivant. Vous pariez une mise initiale, que nous encaissons. On lance une pièce de monnaie. Si face apparaît, nous vous payons 1€, et on arrête le jeu. Sinon, on relance la pièce. Si face apparaît, nous payons 2€, et on arrête le jeu. Sinon, on relance la pièce. Si face apparaît, nous vous payons 4€, et ainsi de suite.
Votre espérance de gain est donc infinie. Combien seriez-vous prêt à payer pour jouer à ce jeu ?
Daniel Bernoulli postulait qu’un homme raisonnable ne serait pas prêt à mettre plus de 20€ dans ce jeu (dans le paradoxe initial, les montants étaient en ducats). Son idée est la suivante : entre recevoir 1€ ou 2€, il y a une grande différence – bien plus grande qu’entre 1 000 et 1 001€. Suivant le même raisonnement, la plupart des gens préfèreront donc conserver leurs 20€ que de les jouer à pile ou face pour un gain potentiellement infini.
En quelque sorte, « mieux vaut un tien que deux tu l’auras ». L’idée de risque quantifiable est née – les humains n’aiment pas la variabilité.
De manière amusante, ces recherches datant du siècle des lumières sur les probabilités et utilisant les jeux de hasard ont laissé leur marque aujourd’hui. Les probabilités sont toujours enseignées sous forme de jeux de hasard.
Plus intéressant encore, des « jeux de hasard » sont toujours utilisés aujourd’hui en recherche, afin de comprendre l’attitude des individus face aux risques. Ils représentent toujours une méthode privilégiée afin d’étudier le risque.
L’histoire de la gestion des risques en finance et des jeux de hasard se sépare dans la pratique très clairement dans la deuxième moitié du XXe siècle – après la mort de Keynes en 1946. On peut donc se demander ce que penserait Keynes aujourd’hui de la mathématisation profonde qui a révolutionné la finance après sa mort.
Avant la deuxième moitié du XXe siècle, les décisions en finance de marché sont prises sans que des modèles mathématiques généralement acceptés soient utilisés. C’est donc globalement l’intuition, « les tripes », ou des heuristiques de choix plus ou moins arbitraires qui prévalent.
Une première tentative de mathématisation est effectuée par le Français Louis Bachelier en 1900. Sa thèse reçoit un accueil très mitigé par le célèbre Poincaré. C’est le fait que ce jeune mathématicien s’attaque à un domaine éloigné des mathématiques traditionnelles qui le condamne à une faible reconnaissance. Paul Samuelson reprendra cette ligne de recherche dans les années 1960 et montre que les prix des actions suivent une marche aléatoire, impliquant que la distribution des rendements est (quasi) normale. La reconnaissance de Louis Bachelier – mort en 1946 également– sera donc posthume.
Mais c’est en 1952 qu’intervient en réalité une véritable révolution en gestion des risques financiers. Se basant sur l’idée que la variabilité est une chose à éviter et l’espérance de gain une chose à maximiser, Harry Markowitz définit dans sa thèse le problème de la gestion comme un simple problème d’optimisation. La finance moderne est née. De manière amusante, Milton Friedman, qui était dans le Jury de Harry Markowitz et qui obtiendra le prix Nobel d’économie par la suite lui déclara lors de sa soutenance :
« Harry, ceci n’est pas une thèse d’économie, et nous ne pouvons vous donner un doctorat d’économie pour quelque chose qui n’est pas de l’économie. Ce n’est pas des maths, ce n’est pas de l’économie, ce n’est même pas de la gestion ».
« Harry » obtint tout de même son doctorat… Ainsi que le prix Nobel d’Économie pour ces travaux. Ceux-ci font maintenant partie des bases en économie et finance.
Les décennies suivantes ont vu la montée en puissance des modèles mathématiques en gestion des risques, conjointement au développement de l’informatique. La perception, la mesure et la gestion du risque sont des domaines extrêmement dynamiques de nos jours en recherche. Les recherches de plus en plus pluridisciplinaires – regroupant parfois des mathématiciens, des gestionnaires, des psychologues et des spécialistes des neurosciences – pourraient déboucher sur de nouveaux bonds en avant dans la compréhension du risque tant pour ce qu’il est que pour ce qu’il représente pour les investisseurs.
Un dernier mot est peut-être nécessaire sur la différence entre finance de marché et casino. Premièrement, il y a un intérêt économique à investir – cet argent est utile à l’économie, ce qui n’est pas le cas d’un pari au casino. En effet, il ne faut pas oublier que l’émission de titres par les entreprises, états et autres agents financiers leur permet de se financer. Le gain sur cet investissement est lié à la bonne prédiction de l’état de l’économie en général et d’une ou plusieurs entreprises en particulier à l’avenir, et donc récompense une génération d’informations utiles à la société. Enfin, statistiquement, un portefeuille diversifié de plusieurs titres aura une espérance de gains positifs sur le long terme. Un casino qui proposerait les mêmes services ferait faillite…
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