Édition du 22 janvier 2023
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Au moment de trancher sur leur orientation scolaire, de plus en plus d’élèves, accompagnés de leurs parents, ont recours à des conseillers d’orientation privés, aussi appelés coachs en orientation scolaire. Cet engouement pointe les insuffisances du système public, qui peine à satisfaire les jeunes. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre d’une coach rennaise et d’une famille accompagnée.
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Derrière son bureau en bois, Séverine Diard, coach en orientation scolaire aux grands yeux bleus et au large sourire, écoute attentivement. En face, installée dans sa chaise, les jambes croisées, Laura, 15 ans, lycéenne rennaise, explique timidement qu’elle « est un peu perdue. » À côté d’elle, sa mère, Cathy, opine de la tête.
Quelles spécialités choisir au lycée ? Vers quelle filière se diriger ? Pour faire quel métier ? Selon une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire, deux tiers des jeunes de 18 à 25 ans se déclarent stressés quant à leur orientation scolaire. Un sentiment partagé par Laura, pourtant en classe de seconde : « En fin d’année, je dois choisir mes enseignements de spécialité pour la première. Ça définit un peu notre avenir, on a peur de se tromper, c’est angoissant. J’aimerais savoir quel métier je veux faire. »
Et une étape cristallise toutes ces craintes : Parcoursup. Ouverte depuis mercredi, la plateforme créée en 2018 permet aux élèves de terminale de faire jusqu’à dix vœux d’études supérieures, parmi plus de 20 000 formations. Malgré des améliorations, la plateforme reste synonyme de casse-tête pour beaucoup de famille. « On demande très tôt aux élèves de faire des choix, ils ne sont pas encore complètement matures, constate Cathy. Et moi, je ne saurais pas orienter ma fille car les matières me semblent complexes, je ne connais pas les débouchés… »
Laura a pourtant vu une psychologue de l’Éducation nationale, en charge de l’orientation des élèves. Mais dans son cas, « ça n’a servi à rien, explique la jeune fille. Elle ne pouvait m’aider qu’en fonction de mes notes ou du métier que je veux faire, mais moi je ne sais pas encore. »
Alors de plus en plus de familles se tournent vers des coachs privés, comme Séverine Diard, 36 ans. Installée depuis 2021 à Rennes, elle s’est reconvertie après dix ans dans le marketing agroalimentaire. Elle a déjà accompagné une centaine de jeunes dans leur projet d’orientation, majoritairement des lycéens, de tous les niveaux scolaires. « Je propose surtout des bilans d’orientation personnalisés, qui se découpent en trois séances de travail et une séance de bilan », explique-t-elle.
Un service entre cours particuliers et techniques de développement personnel, moyennant quelques centaines d’euros. « On travaille beaucoup sur le jeune, ses valeurs, ses centres d’intérêt… » La coach utilise des exercices : elle fait passer un test d’intérêts professionnels conçu par des psychologues, utilise du photolangage, fait remplir une planche de personnalité… « C’est un moyen de les aider à s’exprimer. Ça me permet de cerner leur personnalité, pour ensuite proposer des pistes de métier adaptées. » Un service sur mesure qui fait mouche pour Cathy : « J’ai eu recours à la coach pour ma première fille et j’ai vu un réel avant-après, ça a été un soulagement qu’elle trouve sa voie. »
Entre 2015 et 2020, le chiffre d’affaires du secteur aurait augmenté de 63 % selon la sociologue Anne Claudine Ollier, autrice de Coaching scolaire, un marché de la réalisation de soi (Ed. Puf). Le privé gagne du terrain sur le public. Et pour cause, le nombre de psychologues de l’Éducation nationale est en baisse : 1 pour 1 300 élèves en 2002 contre 1 pour 1 500 aujourd’hui selon la Cour des comptes. Toujours bien en dessous de la moyenne européenne d’1 pour 800.
Mais attention aux sirènes du privé. Car au pays des coachs, profession non réglementée, c’est un peu le far west. Certains sont formés, comme Séverine, autoentrepreneuse, qui dispose de deux diplômes reconnus. Mais les méthodes et compétences varient considérablement, comme les prix, pouvant aller jusqu’à 1 000 €. Sur le marché, on retrouve des indépendants, principalement issus du domaine RH ou marketing, mais aussi de grosses sociétés organisées, qui s’appuient sur des réseaux de franchisés.
L’essor du coaching scolaire pointe surtout les insuffisances du système public. Payant, ce nouveau service pose la question de l’égalité des chances prônée par l’école de la République. Interrogée sur cette orientation à deux vitesses, l’Éducation nationale n’a pas souhaité réagir « à un sujet qui concerne le privé », expliquant « que le choix des familles leur est propre. »
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