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Religieuses abusées en Afrique : « La relation asymétrique avec le prêtre maintient une forme de dépendance » – La Vie

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Sœur Mary Lembo, religieuse togolaise de la congrégation des sœurs de sainte Catherine d’Alexandrie, intervient comme psychothérapeute et formatrice dans les séminaires et maisons religieuses. • DROITS RÉSERVÉS
Membre de la congrégation des Sœurs de sainte Catherine d’Alexandrie, Mary Lembo a travaillé au centre de protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne de Rome. C’est dans cette même université, qu’elle a soutenu sa thèse en 2019 sur les religieuses abusées par des prêtres. Son travail, qui mettait le doigt sur une des plaies béantes de l’Église d’Afrique, vient d’être publié aux éditions Salvator : Religieuses abusées en Afrique, faire la vérité. Une étude inédite.

Pas vraiment. Plus qu’une revendication des concernées, ce travail est venu de la réalité que j’observe sur le terrain, en tant qu’enseignante et formatrice pour religieuses et séminaristes sur les questions de maturité affective et sexuelle, mais aussi psychothérapeute. C’est dans ce contexte de formation, d’écoute, que j’ai reçu des témoignages qui m’ont fait réaliser au fil du temps que quelque chose n’allait pas. Des religieuses me confiaient qu’elles vivaient une relation avec un homme, mais que ce n’est pas ce qu’elles avaient choisi, et qu’elles ne parvenaient pas à s’en sortir.
J’ai cherché à comprendre pourquoi. Je leur disais : « Si tu es religieuse, tu dis non ! Et s’il y a eu dérapage, tu y mets fin, tu te relèves et tu avances ! » Mais j’ai compris que leur mal venait de plus loin, qu’elles étaient victimes de prêtres qui les agressaient sexuellement, les violaient dans le cadre de la relation pastorale. C’était le point de départ de ma recherche.
Quand on m’a invitée à Rome pour travailler dans un centre de protection des mineurs pour l’Église, et qu’on m’a ensuite proposé une bourse pour approfondir mes recherches, j’ai décidé de m’investir sur cette question des femmes consacrées abusées par des prêtres. Cette question est bien différente et bien moins documentée que celle des abus sur mineurs. J’ai voulu étudier la question sous l’angle de la recherche qualitative, comprendre les dynamiques qui rendent ces abus possibles en vue d’aider dans la formation, d’accompagner les femmes consacrées, les aider à reconnaître les abus et ne pas se laisser emprisonner par ces relations d’emprise.
Car les abus sont en partie rendus possibles par l’ignorance, la naïveté des religieuses qui ne se doutent jamais qu’elles peuvent être sollicitées par un prêtre avec qui elles travaillent… et ne parviennent pas à dire « non ». C’est important de les former pour leur apprendre à donner un « non » ferme, leur donner les armes pour se défendre.
Le premier entretien que j’ai fait m’a empêché de dormir. Il s’agit d’une femme consacrée que j’ai appelée Becky. Elle a vécu des situations d’une horreur sans nom : violée plusieurs fois par un prêtre avec qui elle collaborait, celui-ci l’empêchait de recourir à la contraception et l’a obligée plusieurs fois à avorter. Elle a fini par quitter la vie religieuse. Quand j’ai reçu ce témoignage, j’étais au début de mes recherches et j’hésitais à les poursuivre : j’avais peur pour ma vie, pour ma communauté, je voulais adoucir mon propos. En entendant Becky, j’ai compris que je ne pouvais pas me taire. Je devais continuer.
Cela n’a pas été facile de réunir un échantillon de religieuses acceptant de parler. Certaines avaient peur des représailles, peur pour leur famille, pour elles-mêmes… Elles craignaient qu’on les accuse de trahison envers l’Église, d’avoir séduit les prêtres… Témoigner des agressions et viols qu’elles ont subis est extrêmement difficile, car la plupart du temps, elles ne sont pas crues.
C’est compliqué de m’exprimer en tant que chercheuse. il faudrait des recherches quantitatives sur des grands groupes, des statistiques… La seule recherche quantitative que j’aie pu trouver se situait aux États-Unis, en 1998. Je n’ai pas de chiffres globaux, aussi parce que ce n’était pas mon objectif : je voulais, à partir des témoignages, aller en profondeur, comprendre les mécanismes des abus, les situations dans lesquelles ces religieuses se trouvent et pourquoi il leur est difficile de s’en sortir, toujours dans le but d’améliorer la formation.
La plupart du temps, lorsqu’une jeune fille envisage de devenir religieuse, elle fait appel à un prêtre pour l’accompagner spirituellement. Elle s’ouvre à lui, lui confie ses peurs, ses hésitations, ses tentations et difficultés en tant que personne et en tant que femme. Elle se met à nu ! Sachant que les femmes consacrées entrent dans la vie religieuse très jeunes, parfois même avant 18 ans, alors que leur corps devient celui d’une femme.
Dans le cadre de cette relation pastorale, il peut alors y avoir transfert de la religieuse ou aspirante vers ce prêtre qu’elle admire, qui l’écoute, la soutient, la valorise dans les moments difficiles… Ce qui met la femme consacrée en situation de fragilité. Car si le prêtre lui fait des avances, il se peut que sa réponse soit confuse. C’est dans ces moments-là que, selon les témoignages que j’ai recueillis, le prêtre en profite. Dans cette relation asymétrique, qui contient une forme de dépendance (spirituelle, fraternelle, affective, mais même parfois financière, car il arrive aussi que le prêtre apporte une aide financière à certaines jeunes filles en formation), le consentement n’est pas valide.
Les abus peuvent aussi survenir dans le cadre de la collaboration pastorale, quand un prêtre et une religieuse travaillent ensemble à un projet, une aumônerie par exemple. Elle peut dépendre du prêtre pour l’aider, pour organiser une activité, pour voyager dans sa voiture dans certains milieux reculés… La femme consacrée se sent redevable envers lui.
J’ai le même sentiment… D’autant que plusieurs participantes ont témoigné du fait qu’elles n’étaient pas « la seule », que le prêtre qui abusait d’elles faisait de même avec plusieurs autres religieuses d’une même communauté. Certaines étaient ainsi inquiètes pour les jeunes que le prêtre formait, qu’il ne fasse la même chose avec elles… Mais, mon étude étant qualitative, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l’ampleur du phénomène des religieuses abusées en Afrique, sur son éventuel aspect systémique. Il faudrait faire d’autres recherches, quantifier, produire des statistiques.
En partie. Le peuple africain est très religieux. Le prêtre a une position sociale puissante. Il est apprécié, admiré, considéré comme infaillible, saint. Sa parole est la parole de Dieu, il ne se trompe jamais, il est le Christ sur Terre. Pour les fidèles, c’est difficile de voir la face sombre du prêtre. Dans toutes ces situations d’abus, une seule religieuse a été soutenue par sa communauté, or parmi les autres, chacune a été confrontée à des questions de l’entourage sur la nature de la relation : pourquoi est-elle si proche du prêtre ? Mais personne, personne n’a osé aller confronter leurs agresseurs.
Je penche clairement pour la deuxième option. Ceci dit, il est possible que la formation dans les séminaires soit trop théorique et pas assez explicite. La plupart du temps, les jeunes entrent au séminaire juste après le bac, à 17 ou 18 ans, soit en pleine période maturation sexuelle. On les enferme dans des séminaires neuf mois par an, on évite qu’ils soient en contact avec des femmes…
Et puis on les envoie ensuite en stage en paroisse où ils sont confrontés à des femmes tous les jours, tout en étant en position d’autorité, respectés, mis sur un piédestal par les fidèles ! Gérer tout cela ne me semble pas évident. C’est pour cela que je plaide pour une formation plus pratique, et des lignes de conduite plus saines pour la vie en paroisse. En Afrique, nous sommes très chaleureux, on s’appelle tous mon frère, ma soeur… J’appelle « papa » les hommes de l’âge de mon père. Mais cela peut créer une forme de confusion ! Le prêtre n’est ni ton frère, ni ton papa, c’est ton accompagnateur !
De l’autre côté, j’insiste sur la nécessité de la formation théologique des futures religieuses en Afrique. Les séminaristes étudient la théologie pendant huit ans, tandis que les religieuses apprennent les grandes lignes en termes de formation biblique et théologique. Mais cela peut parfois entretenir le cléricalisme chez les femmes consacrées, qui peuvent se tourner vers le prêtre qui, lui, a fait plus d’études… et que ce qu’il dit est par conséquent plus juste. Mais ce n’est pas vrai ! Il faut permettre aux religieuses de développer un esprit plus critique.
L’immaturité en général est un des facteurs profonds. Les agresseurs jouissent de cette autorité qu’ils ont en tant que prêtre au lieu d’en faire un service pour les autres. Cela est un marqueur d’immaturité. Souvent, les violences sexuelles par des clercs ne naissent pas directement d’un rapport conflictuel avec la sexualité, mais c’est une manière de dominer les autres, de se servir d’autrui pour satisfaire des besoins dont ils ne sont pas totalement conscients.
Je les ai lues. Mais il existe un fossé entre les recommandations, que nous aimerions appliquer, et la réalité du terrain africain. En Afrique, les séminaires sont nationaux, la plupart du temps. Pour un séminaire, comptez entre 100 et 300 élèves pour 4, 5 ou 6 professeurs. Comment voulez-vous accompagner chacun individuellement ? Des femmes, qu’elles soient laïques ou consacrées, se forment également et pourraient enseigner dans des séminaires. Mais elles sont souvent très peu nombreuses, et sont vite surchargées de demandes : un séminaire n’a pas les moyens de rémunérer ces professeurs.
Elle l’est, mais il est difficile de donner une réponse claire pour l’instant. Nous ne sommes qu’au début du chemin. Le fait d’en parler, de comprendre les dynamiques de fond, permet une prise de conscience de la hiérarchie, mais surtout des chrétiens en général. Nous sommes tous vulnérables, nous sommes tous touchés de près ou de loin par les abus.
C’est un combat et ça le reste. Le Seigneur nous appelle à donner notre vie pour les autres et au fur et à mesure de mon travail, j’ai compris que c’était mon appel, en tant que chercheuse, chrétienne et femme consacrée. Je crois à la collaboration entre hommes et femmes dans l’Église pour servir les autres. C’est pour cela que je souffre d’autant plus de voir ces valeurs ternies par un contre-témoignage. Enquêter sur les abus est une lutte, c’est difficile, mais faut-il pour autant que je me taise ? Il faut en parler pour nous convertir, changer, avancer. La vérité nous rendra libres.
À lire : Religieuses abusées en Afrique, faire la vérité. Une étude inédite, de Mary Lembo, Salvator, 24 €.


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