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Le collectif hexagonal a plongé le public du festival Eurosonic dans sa transe organique. Rencontre à Groningue avec ce quintet hors du temps qui propulse la tradition dans le futur.
Ennio, Julia, Marvin, Robin, et Tsi Min ne voient plus le temps passer. Les cinq jeunes artistes qui composent le collectif QuinzeQuinze ont achevé l’année passée sur la plus grande scène des Trans Musicales de Rennes avant de se réunir ce mois-ci pour un concert au Stadsschouwburg de Groningue, le théâtre municipal de cette petite ville du nord des Pays-Bas. Parmi la poignée de groupes français invités cette année dans la cité batave par le festival Eurosonic, QuinzeQuinze dénote toujours autant par son approche surréaliste et le mystère polynésien qui se dégage de ses créations expérimentales.
QuinzeQuinze fête ses dix ans cette année mais a beaucoup évolué avant de devenir un groupe à part entière. Comment la musique est-elle devenue le cœur de votre projet artistique ?
On n’a pas du tout l’impression que dix ans ont déjà passé. On va d’ailleurs sûrement essayer d’honorer cet anniversaire avec la sortie d’une compilation ou d’une petite cassette. Ces dix ans correspondent au moment où on a commencé à faire de la musique pour la plupart d’entre nous, donc on a vraiment grandi ensemble durant tout ce temps-là. Le medium musical est vraiment hyper plaisant, davantage que de faire une installation interactive comme on le faisait avant. Les contextes jouent également beaucoup, on peut s’approcher de catégories sociales assez différentes avec la musique ce qui n’était pas forcément le cas avec l’art numérique où on rencontrait un certain sociotype de personnes uniquement. La musique est un milieu où on peut faire plein de rencontres, et ça c’est vraiment important pour nous.
Vous avez théorisé le concept de « musique climatique », comment cette notion évolue-t-elle dans votre composition au fil du temps ?
Notre idée principale est que le climat change à l’image de nos humeurs, nos morceaux peuvent donc prendre des directions différentes en fonction de l’humeur de celui qui va la composer. On est quand même cinq compositeurs, producteurs et chanteurs en même temps, donc l’écriture est vraiment collective et chacun va pouvoir apporter sa part à l’édifice. Le thème et le sujet retenus vont dicter le style musical de chaque morceau. La bascule s’est faite avec le titre NevaNeva, qui a été en quelque sorte notre EP « zéro », la genèse d’un moment où on a vraiment voulu raconter des histoires qui ont du sens les unes par rapport aux autres. On essaie aujourd’hui de construire une discographie qui a du sens, de créer des rappels, des échos et des spin-off à nos premières compositions.
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Un des éléments fédérateurs du groupe, c’est aussi le fait de raconter des histoires. On se retrouve pas mal, surtout les chanteurs, sur le fait de dresser des tableaux, de créer une sorte d’arborescence qu’on a construite de façon empirique. On raconte quelque chose qu’on est encore en train de définir.
Au-delà de l’aspect musical, c’est d’ailleurs sur cet aspect que votre influence tahitienne semble se manifester le plus…
Oui, car la culture polynésienne est chargée d’oralité, de légendes et de mythes. Notre manière d’interpréter les chansons est très imagée. Les anciens polynésiens faisaient beaucoup référence à la nature, à ce qui les entourait. Il y avait des interprétations sur les étoiles, les météores, les nuages ou les arcs en ciel. On s’en sert donc aussi beaucoup dans notre champ lexical mais aussi musical pour essayer d’interpréter ce type d’événement. Varua, le titre de notre second EP signifie « esprit » mais fait aussi référence à ces météores qui étaient considérés par tels par les anciens.
Tsi Min : Sur les cinq membres de Quinzequinze, deux seulement sont polynésiens. Mais les autres vont aussi puiser dans cette culture qui a quelque chose de fascinant parce qu’elle permet de regarder dans le passé. Pour nous, c’est aussi un retour aux sources aussi créé par la distance car plus tu es loin de chez toi, plus tu penses à chez toi. On a par exemple un instrument sur scène qui s’appelle le to’ere (NdA : une sorte de tambour en forme de tronc creusé). Au début, je voulais absolument en jouer à la verticale car c’est ainsi que le veut la tradition. Mais en le plaçant à l’horizontale, ce qui permet d’en jouer plus facilement, ça a acté aussi pour moi une forme de métissage et d’ouverture envers tout le monde. On ne reste pas accrochés à la tradition, on découvre et on mélange tout ça ensemble.
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Vous présentez aussi parfois l’envers du décor polynésien, loin alors de la carte postale. L’un de vos clips montre ainsi les conséquences des essais radioactifs sur ce territoire…
L’idée sur le clip de Le Jeune était de présenter les origines polynésiennes du groupe en jouant aussi bien sur les codes et les idées reçues qui existent sur ce territoire qu’en apportant du contraste. On aime bien jouer sur la dichotomie des choses, des thèmes réalistes qui sont soudainement au bord du surnaturel par exemple. On n’avait pas l’intention d’en faire un clip politique, mais bien de montrer les choses telles qu’elles existent avant de nous le réapproprier, de tirer du magnifique de ce thème funeste. C’est quelque chose qu’on aime bien faire, ces cauchemars merveilleux où les extrêmes se rencontrent. On prépare pas mal de choses dans cet esprit là dans nos prochaines productions.
Votre dernier titre Reuts est un instrumental plus club que les précédents, quelle est l’histoire de ce morceau ?
C’est un titre un peu schizophrène, avec un côté club au début avant de devenir plus intime sur la seconde partie. On l’a présenté en indiquant que les mots travestissent la pensée, car c’est compliqué parfois avec des mots de traduire les émotions. On a donc essayé d’utiliser la musique pour exprimer cela, le fait de devoir parfois se déguiser pour être soi-même. Faire de la musique, c’est s’autoriser à ne pas penser avec des mots. Reuts est un diminutif du mot Rae Rae qui désigne les travestis en Polynésie. Ce morceau est aussi un clin d’œil à cette catégorie de personnes à Tahiti qui sont aussi chers à mes yeux, et qui ont aussi du mal à s’affirmer dans notre société actuelle. Dans la culture polynésienne traditionnelle, les Rae Rae étaient pourtant bien davantage intégrés.
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Vous avez joué sur la plus grande scène des Trans Musicales le mois dernier, quel souvenir gardez-vous de cette expérience live ?
On est encore assez jeunes sur ce type de scène et ça a été une bonne façon de se rendre compte de ce que ça donne. Pour la suite, ça nous donne vraiment envie car il y a d’autres possibilités qui s’ouvrent dans ce cadre. C’était une des premières fois par exemple qu’on a pu travailler autant avec la lumière, et c’était presque comme donner vie à un nouveau personnage. Un nouvel outil, un nouvel instrument pour étendre et amplifier nos intentions sur une énergie. Notre musique est hybride, elle évolue et possède ses propres dynamiques, passant de trucs très pleins à parfois des trucs très épurés. Mais c’est important qu’à un moment donné, on puisse mettre un point de focus sur quelque chose. Grâce à la lumière sur scène, on peut isoler un élément ou décider que l’intention est justement au contraire de créer une cohésion de groupe et montrer un ensemble. On peut déséquilibrer l’attention, sur la scène, comme on le fait déjà avec notre musique.
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Références
https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions