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Jusqu’au début de l’intervention russe en Ukraine, l’exécutif français avait un mot d’ordre et un seul concernant la conduite de l’effort de défense : Toute la Loi de Programmation militaire 2019-2025, mais que la LPM 2019-2025. Conçue sur les bases de la Revue Stratégique 2017, elle-même fortement contrainte par le Livre Blanc de 2013, la LPM 2019-2025 visait à réparer les importants dégâts consécutifs à deux décennies de sous-investissements dans les armées françaises, alors même que la pression opérationnelle demeurait très élevée. Force est de constater qu’en 5 ans, la situation des armées s’est grandement améliorée, avec un budget annuel augmenté de 8,5 Md€ soit plus de 25%, plusieurs programmes critiques respectés comme SCORPION pour l’Armée de terre, le renouvellement des frégates et sous-marins de la Marine Nationale, ou encore l’arrivée des avions ravitailleurs A330M Phoenix et des avions de transport A400M pour l’Armée de l’Air et de l’Espace. Toutefois, cette LPM restait inspirée par une doctrine basée sur l’association d’une dissuasion à deux composantes, d’un corps expéditionnaire projetable rapidement pour les Operations Extérieures, et d’une puissance conventionnelle réduite uniquement capable d’intervenir en coalition. La guerre en Ukraine, mais également les tensions croissantes dans le Pacifique, en Afrique et au Moyen-Orient, ont désormais rendu cette approche défensive, si pas obsolète, tout au moins inadaptée aux enjeux auxquels les armées françaises devront répondre dans les mois et années à venir.
Si les questions de défense furent totalement ignorées du débat public pendant les campagnes présidentielles et législatives, l’actualité internationale, et la pression relative posée par l’ensemble des voisins européens de la France qui, tous, ont annoncé un important effort pour accroitre les investissements de défense, amenèrent le président Macron nouvellement réélu à passer d’une ambition de révision de la LPM en cours, à l’annonce d’une nouvelle LPM qui pourrait être lancée avant la fin de celle en cours, c’est à dire dès 2023. Mais quelles seront les priorités de cette nouvelle Loi de Programmation Militaire, qui va s’inscrire dans un contexte géopolitique international et européen particulièrement tendu, avec l’augmentation sensible des risques de conflits y compris sur le sol national, qu’il soit métropolitain ou outre-mer, le retour de la menace nucléaire à grande échelle, et des programmes en coopération européenne moribonds pour ne pas dire très menacés ? Dans cet article, nous étudierons les principaux programmes qui pourraient représenter le fer de lance de cette nouvelle LPM, selon deux hypothèses, l’une conservatrice et probable, l’autre optimisée pour l’efficacité des armées, la compétitivité à l’exportation de l’industrie de défense et donc la soutenabilité budgétaire à moyen et long terme.
Des 3 armées française, l’Armée de Terre fut celle qui paya le plus lourd tribu à la professionnalisation des forces, voyant son format opérationnel divisé par presque 3 en 30 ans, et perdant, pour l’occasion, l’essentiel de ses capacités dédiées à la haute intensité. La nouvelle LPM portera donc sans le moindre doute sur une reconstruction rapide de ces capacités, et vers une augmentation des effectifs et des équipements en dotation.
Hypothèse probable
Si le programme SCORPION, avec les véhicules blindés VBMR Griffon et Serval, les véhicules de reconnaissance EBRC Jaguar, et la modernisation de 200 chars Leclerc permet à l’Armée de Terre de sensiblement renforcer ses capacités de manoeuvre, y compris dans une contexte de haute intensité, celle-ci souffre d’un manque flagrant de puissance de feu, en particulier dans le domaine de l’artillerie lourde, ainsi que de capacités d’auto-protection contre la menace aérienne et drone. En outre, les Leclerc, même modernisés, ainsi que les véhicules de combat d’infanterie VBCI, manquent de capacités défensives pour un tel engagement. Enfin, il apparait indispensable d’augmenter les effectifs opérationnels dont dispose l’Armée de Terre, afin d’être en mesure d’augmenter les forces projetables dans le cadre de l’OTAN.
De fait, il est très probable que la nouvelle LPM s’attaquera à ces aspects, tout en préservant la poursuite de SCORPION. On peut donc s’attendre à une augmentation sensible de la dotation de l’Armée de terre en système CAESAR, probablement 60 à 80 pièces de sorte à disposer de 2 à 3 régiments d’artillerie supplémentaires, ainsi que l’acquisition, sur étagère ou en conception rapide, de capacités d’artillerie à très longue portée, ce d’autant que le programme CIFS franco-allemand semble désormais, si pas abandonné, en tout cas reporté à des dates incompatibles avec la pression opérationnelle immédiate. Il est également très probable qu’un programme visant à doter les unités terrestres de capacités de défense anti-aérienne, anti-drone et anti-missile de croisière à courte portée, soit lancé à court terme. Pour faire face à la réalité de la menace antichar lors des engagements de haute intensité, on peut s’attendre à ce que le programme de modernisation des chars Leclerc déjà en cours, mais également celui à venir concernant la modernisation des VBCI, intègre des capacités d’auto-protection de type Hard-Kill. Enfin, si le format des forces professionnelles sera sans le moindre doute augmenté, avec une Force Opérationnelle Terrestre amenée à 85.000 ou 90.000 hommes, il est surtout probable qu’un important effort sera réalisé vis-à-vis de la Reserve Opérationnelle, avec l’objectif de constituer davantage d’unités de reserve autonomes à l’image de 24ème régiment d’infanterie.
Hypothèse alternative
Reste que même en s’appuyant sur l’ensemble de ces programmes, qui fourniraient incontestablement des plus-value opérationnelles sensibles à l’Armée de Terre, il apparait que l’essentiel des forces mécanisées françaises emploieraient des véhicules blindés relativement légers sur roues, qui offrent de fait un faible potentiel d’évolution sans venir menacer leur mobilité au delà de 24 tonnes pour les véhicules 6×6 comme le Griffon, le CAESAR le Jaguar, ou de 32 tonnes pour les blindés 8×8 pour le VBCI. Dans les faits, les régiments français ne disposeront dans un avenir proche que de 200 blindés chenillés, les chars Leclerc. Dans le même temps, il semble très improbable que le programme MGCS de char lourd franco-allemand puisse être accéléré, si tant est qu’il parvienne à surmonter les obstacles qui s’accumulent dans la coopération industrielle franco-allemande. Il serait donc pertinent pour l’Armée de Terre de developper une nouvelle famille de blindés chenillés destinée à s’insérer entre les véhicules blindés legers et moyens du programme SCOPRION, et les blindés lourds du programme MGCS, tout en renforçant la puissance de feu et l’efficacité des Leclerc en sous-nombre.
Un tel programme, qui viserait donc à developper une plate-forme blindée chenillée de nouvelle génération de la gamme 40-50 tonnes, permettrait notamment de developper un char moyen chasseur de char pouvant être équipé du nouveau canon ASCALON développé par Nexter et du missile antichar Akeron, ainsi qu’un véhicule de combat d’infanterie plus lourd, mieux protégé et mieux armé que le VBCI. Le blindé pourrait également représenter une plate-forme parfaitement adaptée pour developper un système d’artillerie automoteur sous blindage, ainsi qu’un système de protection anti-aérienne à courte portée. Le programme permettrait en outre de réduire les risques autour du programme MGCS, avec une dépendance moindre à son calendrier ainsi qu’aux arbitrages industriels pour la pérennité des savoir faire de la base industrielle défense et de sa chaine de sous-traitance, tout en augmentant sensiblement les opportunités d’exportation et de coopération autour de ce sujet. Plusieurs pays, en effet, seraient sans le moindre doute prêts à monter à bord d’une telle initiative française, sur Europe comme la Grèce, mais également au Moyen-Orient, comme les Emirats Arabes Unis.
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