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Prononcé le 12 octobre 2022 – elisabeth borne 12102022 risque de penurie et prix de l energie | vie-publique.fr – Vie publique.fr

Intervenant(s) :
Circonstance : Déclaration suivie d'un débat sur la politique énergétique de la France
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Prononcé le
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France.
La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’énergie est au cœur de notre quotidien. Chaque transition énergétique a apporté des changements majeurs dans nos sociétés. Nous sommes en train de vivre une de ces transitions, et nous devons la mener avec détermination et rapidité.
Nous devons aussi la mener avec justice et de manière à en faire une opportunité, pour nos vies, pour notre économie, pour notre planète.
Cette transition est impérative. Dès 2018, le Président de la République a chargé RTE (Réseau de transport d’électricité) d’étudier les différents scénarios devant nous. En février dernier, à Belfort, il a présenté une stratégie énergétique pour notre pays.
M. Jean-François Husson. Et depuis, plus rien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Quelques jours plus tard, le 24 février dernier, la Russie a envahi l’Ukraine. Par cette décision, Vladimir Poutine a violé les règles internationales, agressé un État souverain et déclaré la guerre à nos valeurs. Depuis, le Kremlin a montré qu’il était prêt à tout pour gagner cette guerre : toutes les exactions, toutes les menaces, tous les chantages. Et parmi ces derniers se trouvent les exportations de gaz.
L’arrêt quasi total des livraisons de gaz russe à l’Europe augmente les risques de pénurie et provoque une explosion des prix de l’énergie. À cette situation s’ajoutent d’autres tensions.
Je pense à celles sur le pétrole, conséquences de la guerre en Ukraine et du refus des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) d’augmenter leur production.
Je pense également aux tensions sur notre production d’électricité, avec l’arrêt pour maintenance d’une part de notre parc nucléaire. J’y reviendrai. Bien sûr, ce sont des effets conjoncturels, mais d’autres s’installent dans la durée. La sécheresse, effet du dérèglement climatique, par exemple, vient limiter notre production d’hydroélectricité.
Ce contexte nous impose d’aller plus vite et plus loin. Nous devons accélérer notre transition énergétique. Nous devons sortir des énergies fossiles, conquérir notre indépendance énergétique et décarboner nos modes de vie et notre économie.
Nous devons tous nous mobiliser. C’est notre responsabilité collective.
Mesdames, messieurs les sénateurs, face à cette situation critique, notre premier devoir est de répondre à l’urgence et de protéger les Français, en faisant tout d’abord en sorte que nous puissions traverser l’hiver sans difficulté.
Dès cet été, nous avons pris des mesures pour sécuriser nos approvisionnements : nous avons ainsi décidé de porter nos stocks de gaz à 100 %. Cet objectif est aujourd’hui atteint. Nous avons diversifié nos approvisionnements, en nous tournant notamment vers la Norvège, l’Algérie et les États-Unis. Nous avons augmenté les capacités de nos terminaux méthaniers et, avec le Parlement, nous avons levé les verrous pour installer rapidement un nouveau terminal méthanier au Havre. Les travaux sont en cours.
Ces mesures ont porté leurs fruits et nous sommes aujourd’hui l’une des principales portes d’entrée du gaz en Europe. Cela donne corps à la solidarité européenne : nous allons être en mesure d’exporter du gaz, notamment vers l’Allemagne, tout au long de l’hiver. Et nos voisins nous livreront en retour l’électricité dont nous aurons besoin.
M. Cédric Perrin. Une électricité carbonée !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Dans le même temps, notre parc nucléaire est dans une situation d’indisponibilité exceptionnelle, mais conjoncturelle.
M. François Bonhomme. Quelle surprise !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elle s’explique, d’une part, par le rattrapage d’une partie des maintenances qui auraient dû se dérouler pendant l’épidémie de covid-19, et, d’autre part, par un problème dit de « corrosion sous contrainte », détecté en octobre 2021, et qui a entraîné l’arrêt de douze réacteurs pour contrôle et réparation. Le calendrier prévoit un redémarrage de ces réacteurs entre aujourd’hui et février prochain. Je sais les équipes d’EDF extrêmement mobilisées et je leur fais confiance pour respecter ce calendrier.
Grâce à notre action, grâce à la solidarité européenne et grâce à la sobriété – j’y reviendrai –, nous pourrons éviter les pénuries.
Dans le même temps, nous devons répondre à une autre urgence et protéger les Français face à l’explosion des factures d’énergie.
En Allemagne, en Italie, en Belgique, au Royaume-Uni, les montants payés par les consommateurs ont explosé et les prix ont parfois été multipliés par plus de deux. De notre côté, très tôt, nous avons agi en mettant en place le bouclier tarifaire, qui a bloqué les prix du gaz et limité la hausse des prix de l’électricité.
Ce bouclier, nous avons décidé de le prolonger. Grâce à lui, la hausse des factures des ménages sera limitée à 15 %. Il en est de même pour les factures d’électricité des très petites entreprises et des plus petites communes. Sans bouclier, les prix auraient doublé. Pour nos compatriotes qui se chauffent au fioul ou au bois, des soutiens spécifiques ont été décidés.
Ces mesures sont les plus protectrices d’Europe, et nous les avons complétées d’un chèque énergie exceptionnel pour les 40 % de Français les plus modestes, qui sont les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie.
Mais protéger, cela ne se limite pas seulement aux ménages. Je connais la préoccupation particulière du Sénat pour les collectivités.
M. Jean-François Husson. Pas seulement !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je sais aussi votre attachement à notre vitalité économique et votre inquiétude pour les factures d’énergie des entreprises.
Ces préoccupations, ce sont aussi les miennes et celles de mon gouvernement. Ces derniers jours, nous avons pris plusieurs mesures, en demandant l’engagement et la transparence des fournisseurs d’énergie.
Nous voulons d’abord garantir qu’il n’y ait plus d’entreprises ou de collectivités sans fournisseur.
Nous souhaitons ensuite faire en sorte que chacun puisse vérifier qu’on ne lui propose pas d’offres abusives, grâce à des indicateurs de prix qui seront publiés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Pour les entreprises, nous travaillons avec nos partenaires européens et la Commission à améliorer les aides mises en place après l’agression russe à destination des entreprises les plus consommatrices.
Quant aux collectivités qui connaissent les difficultés les plus fortes, un filet de sécurité a été adopté par le Parlement pour 2022. Sa mise en place sera rapide et des acomptes seront versés d’ici à la fin de l’année. Comme je l’ai dit devant vous la semaine dernière, je souhaite que ce filet de sécurité soit prolongé en 2023 et qu’il puisse bénéficier à toutes les collectivités. Nous travaillons actuellement à ses contours précis et nous pourrons vous les présenter rapidement.
J’ajoute que, face à cette situation difficile, j’ai pris, avec le ministre chargé de la cohésion des territoires, la décision de porter l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 320 millions d’euros, au lieu des 210 millions prévus initialement. (M. Pascal Savoldelli s’exclame.) Cette hausse, la première en treize ans, permettra à 95 % des communes de voir leur DGF se maintenir ou augmenter.
Je le dis clairement : aucune collectivité, aucune entreprise, ne sera laissée dans l’impasse.
Au-delà de ces mesures, nous sommes au front pour faire baisser les prix de l’énergie. Soyons lucides, les prix du gaz et de l’électricité ne reviendront pas aux niveaux bas de la période covid, mais leurs niveaux actuels ne sont pas raisonnables. Ils sont très excessifs par rapport aux coûts de production et sont tirés vers le haut par des craintes exagérées de pénurie et par la spéculation. Nous voulons ramener les prix à la raison.
Nous y travaillons d’abord en Européens. L’Europe a déjà agi : une obligation de remplissage des stocks de gaz à 80 % a été approuvée, et nous en sommes déjà à 90 % au niveau européen. Ensuite, des règles de solidarité entre États membres ont été décidées en cas de pénurie de gaz.
Par ailleurs, le Conseil des ministres de l’énergie a adopté un règlement qui autorise chaque État membre à mettre en place une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises du secteur fossile et une taxation des bénéfices exceptionnels des producteurs d’électricité.
Tout cela va dans le bon sens mais ne suffit pas, car il faut aussi agir directement sur les prix.
Le Président de la République est pleinement mobilisé sur le sujet. Il s’est entretenu avec la présidente de la Commission européenne, avec le chancelier allemand, et a participé vendredi dernier à un Conseil européen à Prague qui a été largement consacré à la question de l’énergie. La Commission doit faire des propositions pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux, lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre prochain.
Nous avançons dans plusieurs directions.
Tout d’abord, nous allons mener un dialogue renforcé avec les partenaires qui nous fournissent du gaz. Nous devons faire bloc, alors que la Russie tente de déstabiliser notre modèle démocratique. Nous sommes d’accord pour mettre en place des achats groupés afin d’éviter la concurrence entre États membres et compagnies gazières. La Commission va présenter des règles qui permettront aux États et aux entreprises d’agir de concert dans le dialogue avec nos fournisseurs. Enfin, nous avançons vers l’idée d’un plafonnement temporaire des prix du gaz.
M. Michel Savin. Enfin !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Deux dispositifs sont à l’étude.
Le premier est un prix plafond pour tout le gaz consommé. Le second est un élargissement à toute l’Europe du dispositif qui a conduit à diviser par trois le prix de l’électricité en Espagne. Ce « dispositif ibérique » permet de plafonner le prix du gaz servant à produire de l’électricité. Il pourrait utilement servir de base à une mesure européenne.
En France, nous travaillons en parallèle à d’autres mécanismes pour ramener les prix à des niveaux raisonnables.
Plus largement, enfin, cette crise nous invite à réformer rapidement et en profondeur le marché européen de l’électricité. Nous devons trouver des solutions durables pour offrir aux Européens des prix raisonnables et proches des coûts de production, mais ne soyons pas naïfs : les années à venir seront difficiles, notamment en matière d’approvisionnement en gaz.
Toutes ces mesures sont donc essentielles pour que notre pays et l’Europe affrontent dans la durée la situation sur le front de l’énergie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous répondons avec force à l’urgence, nous devons aussi, dès maintenant, préparer notre avenir.
Nous le savons, les énergies fossiles provoquent des ravages sur la planète. Elles nous exposent à des fluctuations de prix majeures et sont une source de fragilité dans notre quête de souveraineté nationale et européenne. Cependant, comme nous en sommes dépendants dans notre quotidien, nous continuons à les consommer. Nous devons en sortir !
Nous voulons être la première grande nation industrielle à s’émanciper des énergies fossiles. C’est le cap fixé par le Président de la République, au début du mois de février dernier, à Belfort, avant même le commencement de la guerre.
C’est une question de souveraineté, car nous serons moins dépendants de l’approvisionnement d’autres pays et davantage maîtres des prix.
C’est un impératif climatique. Sortir des énergies fossiles, c’est le levier majeur pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
C’est une protection pour les ménages, les collectivités et les entreprises, à qui nous pourrons offrir des énergies propres et compétitives.
Pour atteindre cet objectif, il faut un plan, des moyens et des points de rendez-vous. Il faut la mobilisation de tous, car c’est de la responsabilité collective que vient le succès. Tel est le sens de la planification écologique dont j’ai la charge. Et c’est ainsi que nous construirons notre transition énergétique.
Pour réussir, notre stratégie repose sur trois piliers : la sobriété énergétique, d’abord ; une production d’électricité décarbonée, ensuite, autour du nucléaire et du renouvelable ; et enfin, le développement de nouveaux vecteurs énergétiques, comme l’hydrogène décarboné.
Le premier axe de notre stratégie, c’est la sobriété énergétique.
Avec les crises que nous traversons et l’appel du Président de la République en juillet dernier, la sobriété a fait son apparition dans le débat public.
La sobriété n’est pas le choix de la décroissance. C’est baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles. Ce sont aussi des actions structurelles, comme la décarbonation de notre industrie, la rénovation énergétique massive de nos bâtiments ou encore le renouvellement de notre éclairage public.
Je pourrais égrener longuement les exemples, mais je me contenterai de répéter que la sobriété est efficace et source d’économie pour tous. État, collectivités, entreprises, particuliers, chacun doit prendre sa part et agir à la hauteur de ses moyens.
Sous l’égide de la ministre de la transition énergétique, des travaux ont été menés, secteur par secteur, pour identifier les économies d’énergie possibles sans impacter l’économie. Grâce à ce travail et à la mobilisation de tous, nous avons été en mesure de présenter, la semaine dernière, un plan de sobriété complet et ambitieux, qui permettra de réduire notre consommation énergétique de 10 % d’ici à deux ans.
J’entends certains se plaindre de l’absence de mesures coercitives. Ce plan est la preuve que la responsabilité collective marche. C’est notre meilleur chemin pour réussir. J’y crois pour notre transition énergétique et notre transition écologique. C’est ainsi que chacun pourra identifier les actions les plus efficaces et que nos décisions pourront emporter l’adhésion.
Je le répète, la sobriété ne s’arrêtera pas à la fin de l’hiver. Nous visons une baisse de notre consommation d’énergie de 40 % d’ici à 2050. La sobriété est une manière de penser et d’agir qui doit s’inscrire dans la durée. Ce plan est le point de départ d’un long chemin.
Le deuxième axe de notre stratégie, c’est le développement du nucléaire et du renouvelable.
Le rapport demandé par le Président de la République à RTE, et remis l’année dernière, nous a éclairés sur les différents scénarios possibles. Pour remplacer les énergies fossiles, même si nous consommerons moins d’énergie globalement, nous devrons produire plus d’électricité pour satisfaire nos nouveaux usages, notamment la mobilité électrique ou les chauffages plus performants. Concrètement, nous devrons être en mesure, en 2050, de produire jusqu’à 60 % d’électricité de plus qu’aujourd’hui.
Face à ce défi, beaucoup préconisent des solutions toutes faites. Certains ne jurent que par le nucléaire. D’autres, au contraire, voudraient fermer nos centrales et ne s’appuyer que sur les énergies renouvelables. Ce sont, au demeurant, parfois les mêmes qui s’opposent à la réalisation concrète des projets.
Nous, nous choisissons de suivre les experts, pas les idéologues. Nous cherchons ce qui est efficace pour notre production d’énergie, bon pour notre économie et protecteur pour la planète. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Vous êtes dans le brouillard !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La crise actuelle nous montre l’urgence de la diversification. Elle prouve que nous ne devons pas être dépendants d’une seule ressource. Elle révèle que, dans les moments de tension, même les apports énergétiques que l’on peut juger faibles sont parfois décisifs.
Un mix diversifié est une chance, une protection. C’est pour cela que nous devons avancer sur deux jambes, renouvelable et nucléaire. Alors oui, nous allons développer massivement les énergies renouvelables. C’est un choix pragmatique, la seule manière de répondre à nos besoins immédiats, quand il faut quinze ans pour construire un réacteur nucléaire.
M. François Bonhomme. Une révélation !
M. Jean-François Husson. Vous avez perdu beaucoup de temps !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est un choix écologique, car décarboné.
C’est un choix économiquement rationnel, car la production d’électricité renouvelable permet désormais de dégager des recettes pour l’État. Alors que les moyens de production renouvelable coûtaient 6 milliards d’euros de subventions en 2021, ils rapporteront 10 milliards d’euros en 2022, qui seront intégralement redistribués aux consommateurs d’électricité.
C’est un choix de souveraineté, aussi, parce que nous allons continuer à investir dans les filières industrielles. Nos parcs éoliens en mer, comme celui de Saint-Nazaire, ont permis de construire en France une véritable filière.
M. François Bonhomme. Merci qui ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Il en est de même pour le solaire. Je souhaite que nous puissions réinvestir pour installer en France et en Europe la production et l’assemblage des panneaux et développer une nouvelle génération de panneaux solaires.
Nous nous sommes donc fixé un objectif : doubler les capacités de production d’électricité renouvelable d’ici à 2030.
M. Franck Menonville. C’est impossible !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous avons donc décidé d’augmenter le rythme. D’ici à la fin du mois, vous examinerez un projet de loi qui permet d’accélérer le développement de ces énergies renouvelables. Notre objectif est de lever les obstacles administratifs et d’aller deux fois plus vite qu’aujourd’hui. Notre démarche devra naturellement s’inscrire dans le respect des riverains et de l’environnement. Nous miserons principalement sur le photovoltaïque et l’éolien en mer, mais, pour réussir, nous aurons aussi besoin de l’éolien terrestre.
Je connais votre attention à ce sujet, mais je connais aussi votre sens des responsabilités. Et je le dis devant vous, nous devons améliorer l’intégration dans les paysages et mieux planifier les installations pour rééquilibrer le développement de l’éolien sur le territoire et éviter l’implantation anarchique des parcs.
Enfin, nous allons aussi promouvoir l’hydroélectricité. Nous vous proposerons un nouveau cadre législatif qui permettra de relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une remise en concurrence. (M. Olivier Cigolotti exprime son scepticisme d’un mouvement de tête.)
En parallèle, nous allons moderniser notre parc nucléaire. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Notre premier défi, c’est le devenir des réacteurs existants. Nous prolongerons tous les réacteurs qui répondent à nos standards de sûreté.
M. Jean-François Husson. Fessenheim !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. C’est pourquoi EDF conduit actuellement les études nécessaires avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour identifier les réacteurs qui ne pourraient être prolongés au-delà de cinquante ans.
C’est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons lancé un ambitieux programme de nouveaux réacteurs nucléaires.
Le premier volet de ce programme, c’est la construction de six réacteurs EPR 2 (European Pressurized Reactor), dont le premier doit être mis en service à l’horizon 2035.
Nous devons faciliter et accélérer le développement de ces projets, notamment en allégeant certaines procédures administratives. C’est le sens du projet de loi sur le nucléaire, qui sera présenté en conseil des ministres au début du mois de novembre prochain. Je connais la qualité et l’implication des salariés de la filière nucléaire. Je sais pouvoir compter sur eux. C’est de l’engagement et de la responsabilité de chacun que viendra notre réussite.
La deuxième étape de notre programme nucléaire consiste à étudier la construction de huit réacteurs supplémentaires. Nous devons notamment donner de la visibilité au secteur pour embaucher et former nos chercheurs, ingénieurs et techniciens de demain.
Enfin, le troisième volet de notre programme nucléaire, c’est l’innovation pour bâtir des réacteurs de nouvelle génération.
M. François Bonhomme. Le projet Astrid par exemple !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La France a pris des engagements forts. Ainsi, avec France 2030, nous avons décidé d’investir 1 milliard d’euros dans le nucléaire du futur, notamment pour la construction d’un prototype de SMR (Small Modular Reactor) en moins de dix ans.
Le développement du nucléaire doit s’appuyer sur un pilotage rigoureux et un suivi précis.
C’est pourquoi nous avons choisi de reprendre le contrôle à 100 % d’EDF.
C’est pourquoi nous allons installer une délégation interministérielle pour le programme de « nouveau nucléaire ». Cette délégation sera conduite par l’ancien délégué général pour l’armement, Joël Barre. Son expertise en matière de direction de grands programmes sera précieuse pour garantir notre performance industrielle et le respect des délais.
C’est pourquoi, enfin, nous travaillons à nous doter d’une filière nucléaire plus intégrée et nous soutenons l’acquisition par EDF des activités nucléaires de General Electric. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième axe de notre stratégie, c’est l’investissement dans les vecteurs énergétiques d’avenir, notamment l’hydrogène, au service de la décarbonation de l’industrie, des transports et du bâtiment.
L’hydrogène allie transition énergétique et industrielle. Il permettra une décarbonation massive et efficace de notre économie, même dans les secteurs les plus consommateurs, comme la sidérurgie et les mobilités lourdes. Il fera émerger une nouvelle filière, avec 100 000 à 150 000 emplois durables à la clé. Il sera enfin un atout précieux pour notre souveraineté énergétique.
Nous voulons faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné et nous nous en donnons les moyens. Via France Relance et France 2030, nous allons investir 9 milliards d’euros dans les prochaines années. Nous construirons une filière hydrogène complète sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il y a quinze jours, dans l’Oise, j’ai annoncé un investissement de 2,1 milliards d’euros qui permettront de bâtir les dix premières gigafactories françaises.
J’insiste sur l’hydrogène, mais elle n’est pas la seule filière sur laquelle nous travaillons. La décarbonation de notre industrie, de nos services et de nos usages passera également par la biomasse, la géothermie, le biogaz et les biocarburants.
Nous le savons, certaines industries ne pourront pas tout électrifier et devront continuer à utiliser du gaz. Pour elles, le biogaz sera un levier précieux pour décarboner, mais celui-ci bénéficiera à notre économie et à nos territoires bien au-delà de l’industrie. C’est une chance pour nos agriculteurs, qui pourront y trouver une source de revenus complémentaires, tout en valorisant leurs déchets et en produisant des engrais naturels. C’est enfin une opportunité pour le développement économique de nos territoires ruraux, puisque cela créera des emplois locaux et non délocalisables.
Aussi, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour la méthanisation. Nous les soutiendrons par des mesures législatives et réglementaires, afin d’en faciliter et d’en accélérer le déploiement.
Enfin, je voudrais dire un mot de l’agrivoltaïsme, qui – je le sais – suscite un grand intérêt, ici, au Sénat.
Il n’existe pas aujourd’hui de véritable cadre au développement du photovoltaïsme sur le foncier agricole et forestier, ce qui est un problème, car cela crée parfois une concurrence entre agriculture et production d’énergie. On relève aussi des abus qui nuisent à l’ensemble des filières. Cela suscite de l’inquiétude dans les territoires. Pour autant, il peut être une source de revenus supplémentaires et un moyen de faire baisser les dépenses des agriculteurs.
Je sais qu’une proposition de loi sur l’agrivoltaïsme est en cours de discussion dans cette chambre. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble pour converger vers une définition commune. Notre objectif est d’établir un cadre adapté pour le développement de la filière sur le foncier agricole et forestier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être réussie, notre transition énergétique doit être pensée et construite en Européens.
Nos économies sont interdépendantes et nos réseaux sont connectés les uns aux autres. Les nations européennes sont nos alliées, et nous partageons avec elles des défis et des valeurs. Notre souveraineté énergétique doit donc être européenne.
À Versailles, lors de la présidence française du Conseil européen, nous avons franchi un grand pas dans cette direction. Les Vingt-Sept se sont mis d’accord pour sortir au plus vite de notre dépendance aux hydrocarbures russes et pour accélérer notre sortie des énergies fossiles. Il s’agit d’une étape historique.
La sortie du charbon et du gaz se fera avec l’Europe. C’est ainsi que nous ferons baisser massivement notre empreinte carbone et que nous pourrons donner plus de moyens aux énergies décarbonées de demain. Ainsi, nous pourrons mieux résister aux chocs énergétiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je viens de vous présenter les grands traits de notre stratégie énergétique : le cap qu’a fixé le Président de la République depuis son discours de Belfort et que nous devons suivre pour aller vers la neutralité carbone et la souveraineté. De ce cap, qui suppose la mobilisation et la responsabilité de tous, nous allons débattre dans quelques instants.
Ce débat sera suivi d’action et d’effets, avec, au cours des prochaines semaines, l’examen de deux projets de loi, portant l’un sur le renouvelable et l’autre sur le nucléaire. En outre, après les concertations qui s’engagent sous l’égide de la Commission nationale du débat public, nous vous présenterons le projet de loi de programmation énergie-climat, cadre de notre programmation pluriannuelle de l’énergie.
Pour atteindre nos objectifs, nous devrons avancer avec méthode, en planifiant nos actions, en les inscrivant au plus près des territoires et en les concevant en Européens.
Enfin, je tiens à le souligner, cette transition énergétique sera radicale et rapide. Elle impose des changements dans nos manières de penser, de consommer et de produire.
Je veux conclure en partageant deux convictions avec vous.
Tout d’abord, la transition énergétique sera synonyme d’un meilleur niveau de vie. La sobriété et l’électrification changeront nos usages et notre quotidien, c’est vrai, mais ce sera pour le mieux, car elles nous protégeront des chocs énergétiques et des crises à venir et elles permettront de diminuer nos factures. En consommant moins, nous dépenserons moins, et je veillerai à ce que la transition énergétique soit une transition juste.
Ensuite, la transition énergétique sera source de croissance et créatrice d’emplois. Elle constituera un levier pour réorienter nos formations et nos compétences vers des secteurs d’avenir. La décarbonation et les rénovations créeront des emplois durables dans de nombreux secteurs, et la transition énergétique sera un soutien de notre réindustrialisation, avec de nouvelles filières françaises et européennes, par exemple pour le stockage d’énergie.
La transition énergétique est une nécessité et une chance. Nous devons pleinement la saisir et pleinement la mener. Nous y sommes résolus, en Français et en Européens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – MM. Pierre Louault et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat, qui, dans l’ensemble, a traité de l’essentiel, à savoir l’avenir de nos filières industrielles, de notre production énergétique, de la souveraineté française, mais aussi, n’en déplaise à M. Ravier, de la souveraineté européenne.
J’ai tout de même entendu ici ou là quelques critiques…
M. Fabien Gay. Légitimes !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … sur le bilan de la politique nucléaire de la France, y compris sur celui du gouvernement précédent et du Président de la République.
M. Max Brisson. Ce n’est pas interdit !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je souhaite donc, puisque nous dressons ensemble le bilan du nucléaire, prendre un peu de recul et revenir à la réalité de l’état des centrales nucléaires en France et de leur histoire.
La réalité – cela a été dit à plusieurs reprises, toutes travées confondues –, c’est que pour faire durer les centrales nucléaires il faut les entretenir. La réalité, c’est aussi que le désinvestissement massif, qui explique sans doute une grande partie de la situation actuelle des centrales nucléaires françaises, a été engagé au début des années 2000.
M. Stéphane Piednoir. En 1997 !
M. Roland Lescure, ministre délégué. On n’a jamais autant désinvesti dans les centrales nucléaires françaises que sous les quinquennats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce n’est pas moi qui le dis : c’est la Cour des comptes, dans un rapport de 2012. Vous le savez probablement, pour avoir lu, comme moi, ce document, le taux de disponibilité des centrales s’est effondré entre 2005 et 2009. (Mme Patricia Schillinger et M. Michel Dagbert applaudissent.)
Dans la foulée, vous le savez aussi, survint le choc que fut l’accident de Fukushima, en 2011, conduisant l’ensemble des États à revoir leur politique nucléaire : le Japon, bien sûr,…
M. Max Brisson. C’est toujours la faute des autres, et même des Japonais !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … la Belgique, qui revient aujourd’hui sur sa politique de l’époque, l’Allemagne, qui n’en est pas revenue et qui a fermé la plupart de ses centrales – il n’en reste que 3 sur les 35 que comptait le pays.
Même la France, alors, s’est interrogée : le président Nicolas Sarkozy décide, en 2011, d’abandonner le projet d’EPR de Penly,…
M. Cédric Perrin. Attention, il va se fâcher avec Macron !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … et je le comprends, à la suite de l’accident de Fukushima.
M. Bruno Retailleau. Ne dites pas de mal de Nicolas Sarkozy, c’est votre meilleur allié ! (Sourires.)
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’avais compris que certains voulaient tuer le père… Pour ma part, je me contente de faire le bilan de la politique énergétique de la France, monsieur le sénateur.
Plus sérieusement, la France avait 58 réacteurs ; onze ans après l’accident de Fukushima, elle en compte 56. Oui, nous en avons fermé deux. Mais à l’heure actuelle la France est l’un des seuls grands pays industrialisés qui a gardé le cap sur le nucléaire. Cette constance, nous la devons peut-être à l’ensemble des gouvernements successifs (M. Cédric Perrin et Mme Sophie Primas s’exclament.), qui ont tenu le choc malgré des sous-investissements et malgré un accident historique.
Mme Sophie Primas. Et les fermetures ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Ainsi pouvons-nous aujourd’hui compter sur cette base, qui nous permet d’investir encore davantage.
M. Cédric Perrin. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est encore que c’est Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, qui a sauvé Framatome.
M. Max Brisson. Oh non !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Et c’est lui qui a sauvé Areva !
M. Max Brisson. C’est grotesque !
Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Cédric Perrin. Il a sauvé General Electric !
M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est que c’est Emmanuel Macron, ministre de l’économie, qui a recapitalisé EDF, qui avait été trop longtemps sous-capitalisée.
La réalité, c’est que le Président de la République, dès qu’il est entré en fonctions, a revu l’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 pour le repousser de dix ans, à l’horizon 2035.
Lorsque nous avons protégé les Français en instaurant le bouclier énergétique, nous avons aussi – c’est toujours la réalité – protégé EDF, en assumant sur les deniers publics le poids de cette protection.
M. Stéphane Ravier. Et en limogeant son président !
M. Fabien Gay. Vous avez surtout pris 8 milliards d’euros à EDF !
M. Roland Lescure, ministre délégué. La réalité, c’est que le Président de la République, à Belfort, en janvier de cette année, a annoncé la construction de 6 EPR…
M. Max Brisson. Ça suffit ! C’est lamentable.
M. Roland Lescure, ministre délégué. … et la mise à l’étude, monsieur Gremillet, de 8 EPR supplémentaires. On nous a reproché de ne pas en construire 14 ; mais 6 plus 8, si je ne m’abuse, cela fait 14 !
M. Max Brisson. Grotesque !
M. Cédric Perrin. C’est de l’autopersuasion !
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’en viens à notre projet pour EDF, car nous pouvons maintenant nous projeter vers l’avenir, le bilan étant – je l’espère – en partie soldé. La reprise d’EDF, sa renationalisation, qui a été annoncée, sera mise en œuvre d’ici à la fin de l’année.
La réalité, c’est qu’il ne s’agit en aucun cas d’un démantèlement d’EDF.
M. Fabien Gay. Nous voudrions bien en débattre !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Jamais nous n’avons évoqué cette possibilité. La réalité, c’est qu’il s’agit d’une reprise en main industrielle de notre opérateur national. Mme Primas s’en souvient sans doute : nous avons visité ensemble, en juin 2018, l’EPR de Flamanville. Hervé Maurey était présent, Barbara Pompili également, aux côtés du ministre Sébastien Lecornu. On nous a expliqué alors que l’EPR de Flamanville produirait ses premiers électrons en janvier 2019.
La réalité, c’est que, oui, l’EPR de Flamanville est une énorme déception. Le projet en a été lancé en 2000. Les gouvernements successifs l’ont confirmé, certains du bout des lèvres, d’autres avec davantage d’ambition, mais l’on n’a pas réussi, je le regrette, à livrer la marchandise…
La réalité, c’est qu’une reprise en main des activités industrielles de notre grand opérateur national est nécessaire, via une direction opérationnelle, afin que, ensemble, nous puissions de nouveau en être fiers.
Nous nationalisons EDF pour lever un financement à bas coût, au bénéfice des projets de nouveaux réacteurs nucléaires notamment, et pour mettre en place une quasi-régie qui permettra à l’État de conserver les barrages – je sais que vous y êtes sensibles – et de réinvestir dans ces derniers. Nous voulons qu’EDF continue d’investir durablement et plus massivement dans les EnR.
La réalité, c’est que nous souhaitons développer EDF de manière ambitieuse, en sorte de garantir la souveraineté économique et électrique de la France.
Au-delà du cas d’EDF, j’ai entendu beaucoup de questions et quelques critiques, autour du thème suivant : nous mettrions la charrue avant les bœufs en évoquant Saint-Avold et les terminaux méthaniers au lieu de parler de la PPE. Que ne nous aurait-on dit si nous avions passé l’été, ici et à l’Assemblée nationale, à discuter de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028 quand l’inquiétude que nous partagions tous était de savoir s’il y aurait du gaz à l’hiver ?
La réalité, c’est que, du fait de l’invasion par la Russie d’un pays souverain, nous nous retrouvons avec une crise énergétique à gérer.
M. Stéphane Ravier. Avec l’Azerbaïdjan ? Bravo, c’est réussi !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour répondre à cette crise énergétique, il fallait commencer par s’assurer que nous avions suffisamment de gaz et d’énergie en Europe pour parer au risque de rationnement, dont personne ici ne souhaite qu’il se concrétise.
M. Stéphane Ravier. Merci l’Azerbaïdjan !
M. Roland Lescure, ministre délégué. La PPE viendra en son heure ; elle est prévue. Elle sera fondée sur une ambition qui est, vous le savez, de développer à la fois le nucléaire et le renouvelable. Car n’en déplaise à M. le sénateur Salmon, il faut des deux, sauf à retenir un scénario un peu extrême parmi ceux qu’a exposés RTE.
Nous préférons les scénarios centraux, c’est-à-dire les mix de production reposant à la fois, de manière ambitieuse et équilibrée, sur le nucléaire – exploitation du parc existant et développement du nucléaire de demain – et sur les énergies renouvelables, l’hydraulique – Mme la Première ministre en a fait mention dans son intervention liminaire –, l’agrivoltaïsme – vous avez évoqué aussi ce sujet, madame la Première ministre, en cohérence avec les vœux du Sénat –, et, pourquoi pas, la géothermie.
En bref, nous sommes à l’offensive, le sénateur Rambaud l’a dit, pour engager une politique énergétique ambitieuse, qui permettra à la France de développer son industrie de manière durable – j’y reviendrai en conclusion.
Je termine en abordant deux points.
Tout d’abord, je réponds aux questions qui ont été posées sur le soutien apporté aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales en réponse à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique qui en découle. Certains d’entre vous ont demandé la suppression de l’Arenh.
M. Fabien Gay. Oui !
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’espère que vous plaisantez ! Le ministre de l’industrie que je suis vous le dit, monsieur le sénateur Gay : supprimer l’Arenh reviendrait à mettre toute l’industrie française à genoux.
M. Fabien Gay. C’est faux !
M. Philippe Mouiller. Elle est déjà à genoux !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous êtes nombreux à avoir demandé que nous sortions du marché européen. La réalité, c’est que, grâce à l’Arenh, nous en sommes déjà partiellement sortis. Et les ménages français payent actuellement l’électricité à un prix inférieur au tarif européen de marché – il ne faut peut-être pas le dire trop fort. Si les industriels français ne sont pas tous à l’arrêt, c’est qu’une partie de l’énergie qu’ils consomment est payée, oui, à un tarif préférentiel,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils sont tous clients d’EDF !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … qui reflète l’avantage concurrentiel d’EDF – soyons-en tous fiers !
Réfléchissons plutôt ensemble à inventer le dispositif qui, au-delà de l’Arenh, puisque la fin du dispositif est prévue pour 2025, permettra à l’industrie française de continuer à profiter d’une énergie compétitive, décarbonée et produite par notre opérateur national.
Merci à l’Arenh, vraiment ! Continuons l’Arenh, s’il vous plaît !
M. Fabien Gay. Vous êtes bien le dernier en France à dire cela !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mais non !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Demandez à tous les industriels, monsieur le sénateur Gay ! Tous les industriels…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils sont tous chez EDF !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … me le disent : heureusement que nous avons l’Arenh, sinon nous serions morts !
Il va falloir modifier la tarification, vous avez raison, monsieur le sénateur Retailleau. Il va falloir mettre en place un découplage du gaz et de l’électricité et appliquer un scénario à l’espagnole.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes d’accord !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Si nous l’avions fait au moment où vous le souhaitiez, monsieur Retailleau, vous savez bien que nous aurions subventionné toute l’électricité allemande. La seule manière de faire de la solidarité nationale, Mme la sénatrice Saint-Pé nous l’a dit, c’est de le faire en Européens,…
M. Julien Bargeton. Absolument !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … n’en déplaise à M. le sénateur Ravier, et de le faire à l’européenne !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On peut toujours attendre…
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous gagnerons cette lutte en Européens…
M. Stéphane Ravier. Avec l’Azerbaïdjan ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. … ou nous la perdrons.
En ce qui concerne le soutien aux collectivités locales, monsieur le sénateur Gay, vous avez raison de nous alerter. Mme la Première ministre a déjà évoqué ce point. Nous travaillons à des solutions, dont certaines ont déjà été annoncées : une hausse de la dotation globale de fonctionnement de 110 millions d’euros supplémentaires pour 2023, un filet de sécurité qui permettra d’aider les collectivités locales qui sont le plus en difficulté.
Mme Céline Brulin. Elles sont toutes en difficulté face au coût de l’énergie !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Mais non, madame la sénatrice, elles ne sont pas toutes en difficulté ! Pour les industries comme pour les collectivités territoriales, nous devons faire du ciblage.
Je dirai quelques mots des filières industrielles.
M. Fabien Gay. Combien y en a-t-il au chômage partiel ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous devons produire en France une énergie souveraine et développer des filières, certains d’entre vous l’ont dit, dans le photovoltaïque,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Photowatt !
M. Roland Lescure, ministre délégué. … le nucléaire et l’éolien. À cette fin, vous le savez, nous investissons. France 2030, qui fête aujourd’hui, madame la Première ministre, son premier anniversaire, c’est exactement cela : investir dans l’innovation afin de développer des filières françaises de décarbonation de l’industrie et d’industrie décarbonée.
Grâce à cette mission, à laquelle je suis extrêmement fier de participer, nous nous donnons les moyens notamment – il en a été question ce soir – de produire de petits réacteurs modulaires, mais aussi, monsieur Menonville, de fermer le cycle du combustible nucléaire de manière un peu moins dispendieuse que ne permettait de l’envisager le prototype Astrid, qui s’annonçait mal et risquait de devenir un nouveau gouffre financier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, travaillons ensemble à l’avenir de la politique énergétique française. Je suis sûr que nous pouvons y arriver. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion de ce débat, je veux commencer par saluer chacun des orateurs qui se sont succédé à la tribune ce soir. Les interventions que nous avons entendues ont été fortes en idées plutôt qu’en polémiques, et chaque groupe a pu exprimer sa vision des défis qui sont devant nous.
Depuis le choc pétrolier, dans les années 1970, à intervalles réguliers les énergies fossiles reviennent sur le devant du débat public. Elles sont systématiquement synonymes de crise, de montée des prix, de menaces de pénurie et de dégâts climatiques majeurs. Ce constat, nous le partageons, et depuis des années nous avançons pour trouver les moyens de sortir de notre dépendance à ces énergies.
Voilà quelques mois, la guerre en Ukraine a marqué une nouvelle étape. Nous devons accélérer : tel est le consensus qui se dégage du débat de ce soir. Ce consensus, je l’avais déjà observé lors des échanges que j’avais eus avec chacun des présidents de groupe de votre assemblée.
Là n’est pas la seule convergence qui s’est manifestée ce soir : nous sommes tous convaincus que la transition énergétique devra préserver le pouvoir d’achat des Français et conforter la compétitivité de notre économie.
Je puis vous l’assurer, monsieur le sénateur Gay, nous sommes déterminés à lutter contre la précarité énergétique. C’est notamment le sens du chèque énergie exceptionnel, dont le montant peut aller jusqu’à 200 euros, destiné aux 40 % des Français les plus modestes, en complément du bouclier tarifaire.
C’est aussi le sens, monsieur le sénateur Corbisez, de l’augmentation du budget de MaPrimeRénov’ et du maintien d’une prime à la conversion permettant aux Français, notamment les plus modestes, de passer à un véhicule moins énergivore, mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2023.
Nous nous sommes accordés aussi sur la nécessité de conquérir notre souveraineté énergétique. Nous ne pouvons plus être dépendants d’autres pays, particulièrement de ceux qui rejettent notre modèle démocratique. Nous devons avoir la maîtrise de notre production, ce qui est aussi la meilleure façon de contrôler le niveau des prix.
Je vous confirme, monsieur Retailleau, que nous maintiendrons le bouclier tarifaire sur le gaz au-delà du 1er janvier 2023, le tarif de référence étant prolongé pour les années suivantes.
Je vous confirme également que nous travaillons depuis des semaines à la mise en œuvre de ce modèle ibérique à l’échelle européenne, car, contrairement à l’Espagne, nous ne sommes pas une péninsule. Nous sommes fortement interconnectés avec les autres États membres de l’Union. C’est donc à cette échelle qu’il est nécessaire d’avancer.
Par ailleurs, monsieur le sénateur Gay, je vous confirme que nous voulons une réforme durable du marché de l’électricité et un découplage des prix du gaz et de l’électricité.
M. Fabien Gay. Allons-y, alors !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je reste convaincue que notre souveraineté passe et par la France et par l’Europe.
J’ai aussi entendu, ce soir, quelques caricatures ou procès d’intention. Il n’est pas forcément utile de s’y étendre ni de polémiquer : nous savons que ce n’est pas sur une année ni même sur quelques années que se jouent les transformations de la filière nucléaire, mais sur des dizaines d’années.
Ceux qui, bien avant nous, ont lancé le programme nucléaire français le savaient parfaitement. Personne ne l’ignore ici, il y a eu, au cours des vingt-cinq dernières années, une alternance politique tous les cinq ans, ou presque. Si, au fil de ce chemin, des erreurs ont été commises, mon sentiment est que, à tout le moins, elles sont partagées.
Si nous voulons être lucides, il nous faut l’être jusqu’au bout. La France a fait le choix de préserver son parc nucléaire et d’y investir. Certains de nos grands voisins n’ont pas fait ce choix. Et nous pouvons être fiers de la confiance que nous avons toujours placée dans notre filière nucléaire, ainsi que dans notre grande entreprise nationale, EDF, qu’il ne saurait être question de démanteler.
Au cours de nos débats, c’est sur la question de notre mix énergétique que j’ai entendu s’exprimer la plus forte différence d’approche. Je l’ai dit en ouvrant ce débat et je le répète : ma conviction est qu’un mix diversifié nous protège et garantit notre souveraineté, car il n’existe pas d’énergie sans défaut.
Je le disais, nous croyons fermement au nucléaire. Nous sommes convaincus qu’il s’agit de la voie de l’efficacité, de la souveraineté et de la neutralité carbone. Mais nous ne pouvons pas non plus faire croire qu’il s’agit d’une énergie tout à fait banale – le chantage russe autour de la centrale de Zaporijia nous le rappelle durement. Nous ne pouvons pas nous permettre non plus de tout miser sur une seule source d’énergie : en cas d’avarie, de problème technique ou de défaut, nous serions exposés et démunis.
Nous voulons donc sans hésitation développer aussi les énergies renouvelables. Elles sont décarbonées et bénéfiques pour notre économie. Elles permettent l’émergence de nouvelles filières industrielles. Enfin, leurs apports énergétiques sont déterminants, particulièrement dans les moments de tension.
Nous n’oublions pas néanmoins qu’elles sont intermittentes et posent des questions d’acceptabilité. À cet égard, elles ne sauraient être l’alpha et l’oméga de notre action énergétique, quoiqu’elles puissent aussi constituer, comme l’a souligné Mme la sénatrice Denise Saint-Pé, un complément de revenu pour nos agriculteurs, qu’il s’agisse d’agrivoltaïsme ou de méthanisation. Je crois donc à l’équilibre et à la diversification, qu’avec mon gouvernement nous continuerons à défendre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les échanges de ce soir ouvrent une séquence. Nous posons tout d’abord les termes du débat. Nous aurons ensuite, dans les prochaines semaines, à discuter de deux projets de loi d’urgence visant à accélérer le développement de nos énergies renouvelables et de nos projets nucléaires. Enfin, une fois menés les débats organisés sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui commencent actuellement, nous pourrons débattre, en 2023, d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Je souhaite que l’esprit de responsabilité et la volonté d’agir dont nous avons fait preuve ce soir nous guident collectivement dans les échanges à venir. Vous pouvez compter sur moi et sur mon gouvernement pour écouter chacun et rechercher des compromis.
Sur l’énergie, en particulier, je suis convaincue que de tels compromis sont à notre portée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France.

source http://www.senat.fr, le 19 octobre 2022 
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