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Goethe, Luther et l’occupation de la Ruhr de 1923 en sont l’explication.
Évoquer aujourd’hui les craintes d’inflation en Europe peut sembler aussi farfelu que d’imaginer la sécheresse sous les chutes du Niagara. Et pourtant les réticences vis-à-vis d’un nouvel et spectaculaire assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne demeurent bel et bien outre-Rhin. Car on ne saurait sous-estimer l’enracinement dans l’imaginaire collectif allemand de la phobie de l’inflation, liée à la création débridée de monnaie.
Son omniprésence est absolue dans les mentalités. Cela obéit tout d’abord à des considérations historiques, l’hyperinflation des années 1920. Mieux, Johann Wolfgang von Goethe lui-même, ce qui nous renvoie au tout début du XIXe siècle, a mis en garde ses compatriotes contre la planche à billets que Mario Draghi, le patron de la BCE, s’apprête à utiliser à plein régime. Et plus fondamental encore, Martin Luther, le père de la Réforme religieuse (1526) et de l’allemand moderne, entre en ligne de compte: le mot Schuld signifie à la fois «faute» et «dette».
Les Français connaissent tous la tragédie de l’hyperinflation dont l’Allemagne a fait la cruelle expérience dans l’entre-deux-guerres. Il fallait alors des brouettes pour faire ses courses et transporter les billets de banques nécessaires quand 2500 milliards de marks valaient à peine un dollar (le billet vert américain s’échangeait à 4,2 marks en 1914). On en conclut souvent un peu vite que ce traumatisme est à l’origine du national-socialisme.
C’est oublier que Hitler était totalement inconnu au printemps 1923, au plus haut de l’hyperinflation. Cette dernière, notons-le, a coïncidé avec l’occupation de la Ruhr par l’armée française d’un Raymond Poincaré soucieux d’obtenir les réparations financières promises par le traité de Versailles de 1919. Il en est résulté alors une «grève de la production» des Allemands, dans un pays déjà affaibli par les turbulences politiques et économiques de la République de Weimar.
«Ce n’est pas l’hyperinflation de Weimar, qui s’est achevée en 1923, c’est le terrible chômage généré par la grande récession de 1929-1932 qui a réellement mis Hitler au pouvoir, alors que le chômage avait bondi de 8 % à 30 %. En 1928, les nazis avaient seulement remporté 3 % des voix au Reichstag», rappelle George Soros dans son dernier livre (La Tragédie de l’Union européenne). L’hyperinflation des années 1920 avait seulement préparé le terrain en ruinant la classe moyenne intellectuelle, avocats, médecins, cadres d’entreprise, tous réduits à l’état de lumpenprolétariat. Ces catégories, autrefois prestigieuses, ont fait le lit de l’hitlérisme, montre l’historien Frederick Taylor dans un ouvrage récent, The Downfall of Money.
Comme tous les peuples, les Allemands ont une mémoire sélective: ils mettent toujours en avant l’hyperinflation de 1922-1923 et occultent la déflation de la décennie suivante. La responsabilité en revient-elle à Goethe, l’écrivain national, qui a parfaitement théorisé les méfaits de la création monétaire dans la seconde partie de son Faust, publié (à titre posthume) en 1832? Quiconque n’aurait jamais rien compris à ce qu’est la monnaie fiduciaire devrait lire la pièce de théâtre de Goethe, qui expose mieux que n’importe quel manuel d’économie les méandres monétaires.
Voici l’épisode de Faust tel qu’aime à le raconter Jens Weidmann, l’actuel président de la Bundesbank: «Méphistophélès, déguisé en bouffon, s’adresse en ces termes à l’Empereur, qui se débat dans des problèmes financiers aigus: “Où la pénurie ne règne-t-elle dans ce monde? Celui-ci reçoit cela, ce dernier reçoit ceci. Mais c’est l’argent qui nous fait défaut.” L’Empereur répond finalement aux tentatives habiles de Méphisto visant à le convaincre. “Nous manquons d’argent, soit, qu’attends-tu donc pour nous le procurer?”» Méphisto, c’est-à-dire le diable, propose alors à l’Empereur d’imprimer des billets où sera écrit «ce papier vaut mille couronnes». L’histoire se termine très mal, car cette richesse ne repose sur rien.
Un Allemand de 2015 a tout lieu de remplacer, dans la pièce qui se joue en zone euro, Méphistophélès par Mario Draghi, le président de la BCE. Cet ancien élève des jésuites de Rome n’invente rien de nouveau avec son quantitative easing, version moderne de la planche à billets pour racheter la dette des États. De quoi choquer un connaisseur de Goethe, mais également un lecteur des «95 thèses contre les indulgences du pape» de Luther, et notamment la 7e: «Dieu ne remet la faute à personne sans l’humilier.» Diantre! Et si on applique la thèse à la sphère économique, la dette étant une faute (Schuld), elle ne saurait s’effacer par un coup de crayon, par la création de monnaie, qui est un simple jeu d’écritures.
Voilà pourquoi les «indulgences» du pape Draghi, venu de Rome pour régner à la BCE de Francfort, sont si mal perçues. Mais l’indulgence suprême est sans doute l’instauration de «taux d’intérêt négatifs» que la BCE a cru bon de mettre en place à partir de juin 2014 sur les dépôts que lui confient les banques. Lesquelles tentent aujourd’huide faire de même vis-à-vis de leurs clients! Et là, l’épargnant allemand, qui est très investi en «produits de taux» comme disent les banquiers, peut y voir une invention du diable. Soit dit en passant, la Fed américaine n’a jamais eu recours à des taux d’intérêt négatifs aux États-Unis…
Ironie de l’Histoire, pour la seconde fois en un siècle, les Allemands risquent donc d’être victimes non pas de l’inflation, leur peur obsessionnelle, mais de la déflation qui menace aujourd’hui les Européens, tout comme elle avait sévi dans les années 1930.
nonalareligionouialhomme
le
BONJOUR
quand je vois vos commentaires, je me dis qu il n y a pas d economiste que des petites epargnants a 2 balles, une questions : tous les pays du monde se servent de la planche a billets pour relancer leur economie, exemple l angleterre les americains les chinois…. pourquoi pas nous!!!! de toute maniere la dette nous la rembourserons jamais… c est facile pour l allemagne d etre dans cette etat, n oubliez pas qu elle a acheté l allemagne de l est un pays en ruine et un peuple payer au lance pierre elle en a fait des travailleurs a 1 euros de l heure. des travailleurs pauvre, une autre question : pensez vous que ce son des allemands anciennement de l ouest qui travaillent a 1 euros de l heure
une autre question : dans l histoire de l europe est il arrive de voir l allemagne et la france forte……. non jamais quand un etait fort l autre etait faible…….
Taipan
le
Article passionnant.
L’Allemagne n’est pas vraiment en déflation, contrairement à la France. Leur balance de paiements très favorable “pompe” la masse monétaire à leur profit.
Jean Batiste Emmanuel Zörg
le
Leur industrie est gagnante sur toute la ligne !!
Leurs couts sont réduits et leurs exportations tous clignotants au vert, comment pourraient ils ne pas aimer? -faudrait être fou.
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Pourquoi les Allemands ont-ils la phobie de l’inflation et pas de la déflation ?
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