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Les arts seront un outil de premier ordre pour aider à la reconstruction de notre santé mentale après la crise, affirme l’Organisation mondiale de la santé. Alors que la fermeture des lieux de culture s’éternise, les neuroscientifiques expliquent pourquoi l’art est indispensable à notre cerveau.
En novembre 2019 l’Organisation mondiale de la santé a publié un rapport qui affirmait pour la première fois l’impact bénéfique de l’art sur notre santé physique et mentale. Reposant sur 900 articles scientifiques, il stipulait que les activités artistiques étaient déterminantes pour notre épanouissement depuis notre conception à l’âge avancé, et devraient être généralisées au coté des protocoles thérapeutiques en milieu hospitalier, dans l’éducation mais aussi dans la vie de tous les jours pour améliorer notre bien-être.
A peine un an et demi plus tard, le monde entier a fait face à l’épidémie de la Covid-19. Une crise qui provoque des dégâts sanitaires, économiques et sociaux sans précédent et qui affecte durablement notre santé mentale et psychique. Les risques psycho-sociaux deviennent une urgence pour les spécialistes, notamment des populations jeunes. Face à cette réalité, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) consacre un programme de soutien aux arts, qui seront selon l’institution un outil privilégié pour permettre une meilleure reconstruction après la crise.
Pourtant, depuis un an, quasiment tous les lieux de culture sont à l’arrêt. Internet est devenu le principal vecteur des musées et des salles de cinéma et de concert, mais aussi de l’enseignement des disciplines artistiques. Une situation qui ne peut remplacer notre besoin profond d’accès direct à la beauté, alertent les neuroscientifiques. Le contact avec l’art, loin d’être une activité « non-essentielle », est au contraire indispensable pour notre bien-être, surtout en temps de crise.
« En limitant l’accès à l’art, on tue ce qui donne envie de vivre. Les autorités ont fait au mieux pour protéger notre santé, mais c’est dangereux parce que cela provoquera une vague de troubles psychiatriques une fois la crise sanitaire dépassée, » explique le neurologue Pierre Lemarquis, auteur de L’art qui guérit, paru en novembre dernier chez Hazan. En s’appuyant sur de nombreux exemples de l’histoire de l’art, de la philosophie et de la recherche médicale, l’auteur explique les étonnants pouvoirs de l’art sur notre bien-être, sur notre développement intellectuel et même sur certaines pathologies. Selon la formule consacrée, l’art ‘sculpte et caresse’ notre cerveau :
« Pour le dire simplement, nous avons deux cerveaux. Une partie qui capte les informations qui nous entourent, qui les compare à ce que l’on a en mémoire, et avec laquelle on décide d’agir sur le monde en fonction des informations qu’on vient de recevoir. On agit pour rester en vie, ce que pourrait aussi bien faire un ordinateur. Mais heureusement que dans notre cerveau nous avons une autre partie, archaïque, celle du plaisir et de la récompense, qui nous donne envie de vivre. L’art agit sur les deux : il sert à élargir notre état d’esprit, à nous apprendre de nouvelles choses, il agit sur la plasticité cérébrale et donc sculpte notre cerveau, mais aussi agit sur nos émotions, il caresse notre cerveau et stimule les hormones responsables du plaisir et de l’attachement : la dopamine, la sérotonine, l’ocytocine et la morphine endogène. C’est ce qui nous donne envie de vivre. C’est ce qui fait notre humanité, » résume le neurologue.
Les effets bénéfiques de l’art sont avérés depuis l’Antiquité, explique-t-il, citant Aristote et la libération des passions du spectateur grâce aux acteurs de théâtre, la catharsis. Aujourd’hui les neurosciences permettent d’expliquer les circuits neuronaux sollicités lorsque l’on se trouve face à une œuvre d’art :
« Au contact avec une œuvre d’art, nous rentrons en résonance avec l’artiste qui a travaillé sur l’œuvre. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’esprit : grâce à nos neurones-miroirs, notre cerveau essaye de deviner l’intention de l’artiste, on se met à sa place, même s’il est mort depuis des siècles. En regardant La Joconde, on devient Mona Lisa. L’œuvre d’art devient un être vivant avec laquelle vous interagissez et qui vous modifie, qui vous transforme. L’interaction y est essentielle. »
Une interaction impossible lorsque l’expérience artistique est virtuelle, explique Pierre Lemarquis, parce que toute la communication non-verbale est absente, ainsi que le sentiment de partager une expérience artistique en groupe. « Regarder un spectacle à l’écran ne stimule pas notre imagination et notre créativité, fondamentales pour nous donner le goût de vivre. »
Si l’œuvre plaît au spectateur/auditeur, son stress diminue, car sa production de cortisol, l’hormone dite du stress, ralentit. Le cœur bat moins vite, le corps se détend, et les émotions positives se répandent dans notre corps. Un cocktail biochimique qui restaure l’élan vital, explique le chercheur, composé de la dopamine (l’hormone de la joie de vivre), de l’endorphine, (qui procurent l’impression de bien-être) et de l’ocytocine (hormone de l’attachement et de l’amour).
Retrouver le goût de vivre, c’est ce qui fait des arts – et notamment de la musique – les activités parmi les plus plébiscitées au tout début de la crise sanitaire, et notamment pendant le premier confinement. On a même parlé de pandémie musicale, alors que se constituaient spontanément des formations musicales entre membres de familles confinées, voisins ou musiciens privés de scène par le biais du numérique. Plusieurs études ont démontré l’importance de la musique pour de nombreuses personnes pendant le premier confinement, notamment celle de l’Université McGill de Montréal, selon laquelle la musique est arrivée à la première place des activités pratiquées, avant la conversation avec des amis ou la cuisine :
« Non seulement la musique a été plus fréquemment citée comme activité refuge pour lutter contre le stress pendant le confinement, mais plus la pandémie avait un impact sur les gens, à cause de la perte d’un proche, des problèmes financiers, ou de l’isolement, plus ils se tournaient vers la musique, et moins ils étaient déprimés, » explique Emmanuel Bigand, neuropsychologue à l’Université de Bourgogne, qui publie un nouvel ouvrage intitulé La symphonie neuronale, écrit à quatre mains avec la neuropsychologue Barbara Tillman et paru chez HumenSciences en septembre dernier.
« La musique est un peau à peau sonore, c’est une caresse. Elle peut réguler notre humeur, modifier la biochimie de notre cerveau, et notamment réguler la sécrétion du cortisol, hormone de stress. On peut vraiment reprendre le courage et se sentir revitalisé. La musique est une super médecine non-invasive, » explique le spécialiste.
Mais si elle peut réguler notre humeur, la musique est beaucoup plus qu’un « cocktail de drogues récréatives », comme l’appelle le psychologue cognitiviste Steven Pinker cité dans l’ouvrage .
« La musique est une nécessité biologique pour l’humain car elle a contribué à transformer notre cerveau pour régler des problèmes adaptatifs décisifs pour la survie de notre espèce, écrit Emmanuel Bigand. La musique est, comme le langage, ce qui nous différencie des autres espèces, elle est le sceau de notre identité de l’être humain, » explique le chercheur. Pour appuyer l’hypothèse qui est à l’origine de l’ouvrage, le chercheur cite l’exemple des interventions des chanteuses lyriques auprès des grands prématurés au CHU de Dijon :
« On observe les modifications comportementales, parfois spectaculaires, sur le ralentissement du rythme cardiaque et respiratoire et sur le déclenchement du reflexe de succion qui sont essentiels pour la survie des grands prématurés. Il n’est pas question ici de loisir, ni d’art ni de culture : pourquoi ce chant susurré à de tels effets sur les grands prématurés ? Ce sont des marqueurs de communication qui affectent, selon nous, le nourrisson et modifient, de façon si avantageuse sur le plan médical, son état physiologique, » répond Emmanuel Bigand_._
Et si la musique a rencontré une telle adhésion pendant la crise de la Covid-19, c’est parce qu’elle répond à nos besoins fondamentaux de connexion avec les autres :
« Faire de la musique avec les autres permet à nos cerveaux de se synchroniser. Cette synchronisation change la relation sociale, l’empathie que l’on a avec l’autre, la personne nous parait beaucoup plus sympathique et on rentre dans une relation de collaboration. Cette relation d’attachement à l’autre est un besoin de tous les instants de la vie de l’être humain, mais s’accentue en période de crise. Le fait de se synchroniser avec les autres brise notre isolement et nous redonne confiance, » conclut le chercheur.
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Références
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