Emmanuel Macron a salué l'universalisme de la révolte des femmes en Iran contre l'obligation du voile dans un interview diffusé lundi. Le chef de l'Etat s'est déclaré favorable à de nouvelles sanctions ciblées contre des responsables de la répression, qui ont été décidées ce lundi par l'Union européenne. A Paris, lundi, l'envoyé spécial du président Joe Biden pour l'Iran, a admis qu'il n'y avait plus de négociation active sur le nucléaire iranien.
Par Yves Bourdillon, Virginie Robert
Emmanuel Macron s'est déclaré, dans un entretien diffusé lundi sur France Inter, favorable à « une riposte diplomatique forte » et à de nouvelles sanctions européennes ciblées sur les personnalités du régime iranien ayant une responsabilité dans la répression de la « véritable révolution » qui en cours dans le pays selon lui.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont d'ailleurs ajouté, lundi après-midi, vingt -neuf individus, dont le ministre iranien de l'intérieur, Ahmad Vahidi, et trois institutions, dont une chaine de télévision publique, aux personnes ou entités déjà ciblées par les Vingt-sept. L'Union a déjà imposé des sanctions (gels d'avoirs et interdiction de visas) mi-octobre contre la police des moeurs iranienne et onze hauts fonctionnaires.
Via sa rencontre, vendredi, avec quatre militantes iraniennes, le président français a voulu adresser un message « d'admiration, de respect et de soutien » aux femmes iraniennes dont « le combat courageux, soutenu aussi par de nombreux hommes, correspond aux valeurs inscrites dans notre devise ». Un combat qui tord le cou aux « idées toutes faites selon lesquelles certaines valeurs » conviendraient seulement aux Occidentaux « alors qu'elles sont universelles ».
Le régime ne parvient pas à intimider les contestataires
« Quelque chose se passe d'inédit », a ajouté le chef de l'Etat, « les petits enfants de la révolution islamique » de 1979, dont certains n'étaient pas nés à l'époque, « sont en train de la dévorer en faisant leur propre révolution », en disant « stop à l'obligation du voile et à la soumission ». Pressé de préciser si le port du voile était fondamentalement une oppression, le président français a souligné que, à l'inverse, en France le voile « est un choix », même si aussi parfois le fruit des pressions de la famille et des proches. Ce contre quoi il conviendrait de lutter par l'éducation, ainsi que la laïcité dans les lieux d'enseignement ou de services publics.
Emmanuel Macron a accusé le régime iranien de mener une « répression inédite » depuis le début de la révolte, il y a deux mois, contre l'obligation du port du voile qui s'est étendue ensuite à une volonté de renverser le régime des mollahs. Le régime a arrêté environ 15.000 manifestants et en a tué plus de 300, de source indépendante. Emmanuel Macron entend toutefois parler « dans les semaines à venir » avec le président Ebrahim Raïssi, après une première rencontre fin septembre en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, qui avait été critiquée par des opposants iraniens. « La diplomatie, c'est de parler avec des gens avec lesquels on n'est pas d'accord », s'est-il justifié.
En ce qui concerne les négociations, au point mort depuis le début de l'année, en vue du rétablissement de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien dont l'administration Trump s'est retiré en 2018, le président français a admis que les événements en cours en Iran « changeaient beaucoup de choses » , sans toutefois se résoudre à admettre que cet accord serait mort. « Il nous faut construire un nouveau cadre», selon lui, qui englobe le dossier des missiles balistiques et des ingérences régionales de Téhéran.
De passage à Paris lundi, Robert Malley, l'envoyé spécial du président Joe Biden pour l'Iran, a reconnu «qu'il n'y a pas de négociations en cours sur le nucléaire. Notre focus est désormais sur ce qu'il se passe là-bas, c'est à dire une répression brutale, les ventes de drones à la Russie , et la question des otages».
L'administration Biden veut que l'Iran cesse d'alimenter la Russie en drones pour attaquer l'Ukraine. Une autre priorité d'Antony Blinken, le Secrétaire d'Etat, est de développer avec des pays alliés une «politique commune de réaction face aux pays qui utilisent les otages comme monnaie d'échange».
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Le diplomate américain a condamné l'attaque des Iraniens, lundi, dans le Kurdistan irakien, soulignant combien le pays «exporte l'instabilité dans la région». Il explique l'arrêt des négociations sur le nucléaire, fin août, «alors qu'on était très proche d'un accord , par des demandes iraniennes injustifiables et inacceptables», qui traduisent, selon lui les divisions au sein même du régime iranien.
«Le bilan du régime est qu'il est aujourd'hui séparé d'une partie de sa population, et d'une partie de la communauté internationale», constate Robert Malley.
Emmanuel Macron a dit espérer réussir à tenir, en fin d'année, une conférence sur le modèle de celle de Bagdad «avec tous les pays voisins et une représentation de l'Iran », après la première rencontre qui s'était tenue en Irak en août 2021. Téhéran a dénoncé ce projet de réunion.
Par ailleurs, à l'initiative de l'Allemagne et l'Islande, le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a annoncé lundi qu'il tiendrait une session d'urgence le 24 novembre sur la situation en Iran, lors de laquelle sera proposée l'ouverture d'une enquête internationale sur la répression sanglante des manifestations.
Yves Bourdillon et Virginie Robert
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