La VAE (validation des acquis de l’expérience) a permis en 2022 à plus de 30.000 personnes expérimentées de valider totalement ou partiellement un diplôme, un titre professionnel ou d’accéder à des formations supérieures.
Alors que ce dispositif, mis en place à l’université en 2002, vient juste de fêter ses 20 ans, la loi “Marché du travail” du 21 décembre 2022 simplifie et modernise la VAE pour la rendre plus attractive. Elle instaure ainsi un accès universel à la VAE jusque-là réservée aux seules personnes engagées dans la vie active.
L’objectif du gouvernement à travers cette réforme est de “massifier” la VAE pour passer de 30.000 parcours annuels à 100.000 d’ici la fin du quinquennat. Une vraie opportunité de développement pour les services de formation continue de l’enseignement supérieur. Mais dans l’attente des futurs décrets d’application, plusieurs questions restent en suspens.
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La loi “Marché travail” prévoit aussi la création d’un service public de la VAE. Il aura la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) et d’une plateforme dont la mission sera d’accompagner et d’orienter les personnes demandant une validation des acquis de leur expérience.
La future plateforme où les candidats pourront effectuer leur demande de VAE est très attendue par les responsables des services de formation continue de l’enseignement supérieur. “Elle va permettre à partir d’une expérience professionnelle d’identifier à la fois le diplôme qu’on peut imaginer obtenir en VAE puis de faire valider son éligibilité à la VAE, explique Yannick Vigignol, responsable du service Formation continue et professionnalisation de l’université Clermont-Auvergne. Cette phase est souvent longue et complexe compte tenu du nombre élevé de diplômes en France. C’est aussi compliqué pour les candidats de trouver le diplôme qui correspond à son expérience”.
Mais quand cette plateforme sera-t-elle opérationnelle ? “Avant un an cela me paraît difficile”, estime Yannick Vigignol. Les futurs décrets d’application doivent aussi préciser comment va s’organiser le groupement d’intérêt public.
L’Etat, les régions, Pôle emploi, les opérateurs de compétences (OPCO), les associations Transition pro qui financent la VAE seront présents de droit. Mais les universités souhaitent aussi être partie prenantes. “Nous demandons à pouvoir faire partie des autres personnes morales publiques qui pourront adhérer à ce service public de la VAE”, plaide Audrey Sauvêtre, administratrice du réseau Formation continue à l’université (FCU) en charge des questions de VAE.
“Le gouvernement doit définir rapidement les missions des architectes de parcours, demande aussi Audrey Sauvêtre, pour la FCU. Nos ingénieurs d’études et nos conseillers VAE s’inquiètent pour leurs futures missions et leur avenir”.
Car la VAE nouvelle formule instaure en effet un nouveau type d’acteurs. Les architectes de parcours seront chargés d’étudier les besoins des candidats et de leur proposer des parcours mêlant validation des acquis de l’expérience et actions de formation continue.
“Sur le principe c’est intéressant, estime Yannick Vigignol. La mise en place des architectes de parcours va simplifier les démarches des candidats. Et puis comme opérateur de VAE, nous pourrons récupérer des candidats ayant identifié le diplôme qu’ils peuvent faire valider. Mais qui pourra être architecte de parcours et comment travaillera ce dernier ? Le gouvernement ne l’a pas encore précisé”.
Actuellement, les conseillers en évolution professionnelle qui bénéficient d’un agrément national et régional ont vocation à conseiller demandeurs d’emplois ou actifs salariés. Mais les opérateurs de formation ou de VAE font parfois, eux aussi, du conseil en évolution professionnelle. “Beaucoup de collègues universitaires souhaitent devenir architectes de parcours. Les universités ont déjà en leur sein cette expertise via les services d’orientation”, estime Yannick Vigignol.
Cependant, il se dit aussi “réservé à titre personnel” : “le principe de neutralité nécessaire à l’orientation n’est pas forcément respecté quand c’est l’opérateur de formation qui conseille. Si quelqu’un vient nous voir à l’université pour obtenir un master en marketing digital par exemple, nous allons d’abord lui ‘vendre’ le master de l’IAE et nous ne lui signalerons pas nécessairement le master de l’école de commerce toute proche !”
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Face à l’objectif du gouvernement de tripler le nombre de personnes en VAE d’ici 2027, les universités pourront-elles maintenir leur part de marché ? Yannick Vigignol, en doute : “les universités représentent 10 à 12% des VAE. Il semble difficile de conserver cette part de marché avec une assiette trois fois plus importante.”
Il s’interroge aussi sur le profil des personnes qui se tourneront vers la VAE : “les universités auront-elles trois fois plus de public ? Est-ce que la croissance de la VAE se fera d’abord sur les publics infra bac dans les métiers du soin, de la propreté par exemple ?”
Sachant que, pour ces métiers en tension, l’automatisation de la VAE sera plus simple à mener puisque les diplômes sont déjà écrits en blocs de compétences, en particulier les titres du ministère du Travail. A l’inverse, pour l’université, la question des moyens à dégager pour accompagner trois fois plus de personnes se pose déjà. “Cela aura des effets organisationnels importants. Il nous faudra trouver le temps d’accompagner les personnes et de mobiliser nos enseignants”, pointe ainsi le responsable de la formation continue de l’Université Clermont-Auvergne.
Malgré tout, les responsables de la formation continue dans le supérieur se disent prêts à relever le défi posé par le gouvernement. “Nous souhaitons accompagner plus d’individus dans leur reconversion professionnelle, c’est notre ADN et notre mission. Nous sommes favorables à la massification du nombre de VAE”, assure ainsi Audrey Sauvêtre, pour la FCU.
“Avec la logique des blocs de compétences, nous aurons de plus en plus d’hybridation des parcours à l’université”, prévoit Yannick Vigignol. “Aujourd’hui, quand un candidat vient pour valider ses compétences, nous lui proposons soit une VAE soit une formation continue complète. Or, un diplôme universitaire demande du temps, ce qui n’est pas toujours compatible avec une vie active, une vie de famille”, explique-t-il.
“Demain avec un dispositif de VAE axé sur des blocs de compétences et la déclinaison des diplômes nationaux universitaires avec le même système, nous pourrons proposer des parcours hybrides de manière beaucoup plus massive“, considère-t-il.
Ainsi pour un candidat qui souhaite obtenir une licence ou un master, il sera possible de faire reconnaître un bloc de compétences par la validation de son expérience. Et pour les blocs de compétences qui lui manquent, l’université pourra proposer un programme de formation individualisé. Avec plus de souplesse sur les modalités : un cursus à suivre en ligne ou en présentiel, sur une durée d’un an ou davantage en fonction du candidat.
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