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Publié le : 11/11/2022 – 14:48
À l’heure où le prolongement de l’accord sur les exportations de céréales et d’engrais ukrainiens et russes est en négociation, Mikola Solskyi répond aux questions de RFI sur l’état du secteur et son avenir.
C’est un ministre de l’Agriculture dans un pays en guerre. Nommé en mars 2022, Mikola Solskyi, ministre ukrainien de la Politique agraire et de l’alimentation, tente de maintenir à flots un secteur stratégique, chamboulé par le conflit, et en même temps essentiel à l’équilibre des prix mondiaux des céréales. Entretien.
Les regards sont tournés vers la mer Noire. La prolongation de l’accord signé en juillet est toujours en négociation. Quel premier bilan en tirez-vous sur les volumes exportés ? Êtes-vous confiant quant à sa reconduction ?
Mikola Solskyi : Nous ne sommes pas certains qu’il sera prolongé, mais nous travaillons dur pour ça. Nous espérons que les Nations unies et la Turquie, ainsi que nos autres partenaires, feront tout en ce sens. Les négociations sont en cours et vont se poursuivre. Le point positif, c’est que les opérations ont repris la semaine dernière. On espère que cela va continuer, au moins une année. Il faut aussi que les procédures pour faire transiter et examiner les navires soient facilitées.
Durant les mois de septembre et octobre, nous avons fait transiter par le corridor respectivement 3,8 millions et 3,9 millions de tonnes de céréales. Avant la guerre, c’était 5 à 6 millions de tonnes par mois. Mais, d’une part, à l’époque, nous étions en paix, tout était plus clair et plus simple. Et d’autre part, le port maritime de Mykolaïv était fonctionnel. Aujourd’hui, on dépend essentiellement du port d’Odessa. Et les quelques ports fonctionnels ne le sont pas à leur pleines capacités; parce que les navires transitant par le détroit du Bosphore sont en nombre limité. Enfin, il faut prendre en compte les attaques régulières visant nos infrastructures. Elles ont un impact direct sur nos opérations portuaires. Nous faisons tout aujourd’hui pour que cet accord soit prolongé.
Le corridor est au centre d’une bataille de propagande aussi. Votre pays accuse la Russie de le bloquer, et Moscou répond que Kiev ne fournit pas assez de garanties de sécurité. Que répondez-vous à cela ?
Nous remplissons complètement et parfaitement les conditions de l’accord sur le corridor des céréales. Toutes les accusations sur une prétendue utilisation militaire du corridor de notre part sont sans fondement. Et nos partenaires étrangers le confirment, de même que les organisations internationales. L’Ukraine n’a aucun intérêt à cela. Elle a tout intérêt au bon fonctionnement du corridor. Il en va autrement de la Russie. On peut se poser des questions sur la vision qu’elle en a.
Pour autant, dire que le blocage du corridor risque d’entraîner la famine en Afrique n’est-il pas exagéré ?
Non, je ne pense que ce soit exagéré. Parce qu’on ne parle pas seulement de ce que l’Ukraine a la capacité d’exporter là, tout de suite. Il faut aussi penser à l’année prochaine, et l’année suivante. On projette déjà des ventes moins importantes pour l’an prochain. Si nos agriculteurs ont moins de capacité à vendre leurs récoltes, ou si les prix sont trop bas, cela réduira leurs chances de planter pour l’année suivante. Et ça, tous les pays du monde pourront le sentir. Parce que ça veut dire que les prix seront très hauts durant les prochaines années. Et les pays africains ne pourront pas le supporter longtemps. Imaginez donc les effets de prix hauts, pas seulement pendant deux trois mois, mais pendant deux ou trois années !
Justement, comment les agriculteurs ukrainiens préparent-ils la prochaine saison ?
Nous sommes en pleine période des semis, les semis d’hiver. Nous savons que les surfaces ensemencées seront 25 à 30% inférieures à l’an dernier. Ce n’est pas bon. Et il est impossible de savoir quelles conditions météo nous aurons l’an prochain. Nous aurons peut-être une mauvaise météo qui diminuera encore les récoltes. En plus, les fermiers ne nous disent pas quelle quantité de maïs ils comptent planter. Tout simplement parce qu’ils ne savent pas quels seront leurs revenus cette année. Ils ne savent pas ce qu’ils vont faire.
Que peut faire le gouvernement pour leur venir en aide ?
Le gouvernement offre autant que possible des crédits à taux préférentiels. Il y a aussi l’aide internationale pour stocker les céréales. Mais encore une fois, le plus important, c’est la possibilité d’exporter. Les céréales ne manquent pas, mais il faut que les agriculteurs puissent les vendre à bon prix.
Quelle est la situation dans la région agricole de Kherson, notamment des infrastructures ?
Kherson est une région très importante pour nous. Nous y comptons près de 500 000 hectares de terres irriguées. Aujourd’hui, une grande partie est sous occupation russe. Nous essayons chaque jour de changer cela. Pour toute la région de Kherson, on estime qu’environ 20% des terres arables sont sous occupation.
Qu’en est-il du développement des routes alternatives pour acheminer les céréales hors d’Ukraine, notamment via la Roumanie et la Pologne ?
Nous sommes toujours en négociations avec l’Union européenne afin de faire financer la construction de ces infrastructures. Des entreprises privées essaient également d’investir dans ces projets dans la mesure du possible, vues les circonstances. À notre frontière occidentale, nous exportons désormais plusieurs millions de tonnes.
Vous avez vous-même longtemps travaillé dans le secteur agricole. Comment la guerre va-t-elle redessiner le secteur ?
Les conséquences sur le long terme seront négatives. Beaucoup de fermes ont été détruites, bombardées. Il y a aussi la chute du nombre de travailleurs dans le secteur. Beaucoup sont partis. Et les agriculteurs ont perdu beaucoup d’argent, car ils sont contraints de céder leur production à bas prix. Il nous faudra des années pour revenir à la situation qui était la nôtre avant cette guerre.
► À lire aussi : Retrait russe de l’accord sur les céréales : la diplomatie turque à l’épreuve
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