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Candidate au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Andrée-Ann Labranche a reçu des financements de CRSH et FRQSC.
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Il est pratiquement impossible d’aller sur Facebook ou Instagram sans tomber sur une citation ou un commentaire teintés de paroles motivantes comme « il suffit de voir le bon côté des choses », « Il suffit de regarder la vie du bon côté », « Sois positif »…
Le phénomène est d’ailleurs amplifié, en ce temps de pandémie. Le fameux, « ça va bien aller » en est nul doute l’exemple le plus connu.
Ces phrases se veulent pleines de bonnes intentions. Mais elles peuvent aussi créer plus de détresse qu’autre chose. Pourquoi ? Parce qu’elles sont de l’ordre de la « positivité toxique », soit ce principe selon lequel même en présence de difficultés, on devrait toujours garder une attitude positive.
Étudiante au doctorat en psychologie, profil scientifique-professionnel, je m’intéresse, dans le cadre de ma thèse, aux symptômes intériorisés (symptômes dépressifs et anxieux, retrait social) et extériorisés (comportements délinquants, violents, d’opposition/défense, perturbateurs et impulsifs). J’estime qu’il est important de s’attarder aux conséquences néfastes de « l’invalidation émotionnelle » et de comprendre pourquoi il faut vivre ses émotions négatives.
Quand une personne parle de ce qu’elle ressent, le plus souvent, c’est pour valider ses émotions, c’est-à-dire comprendre et accepter l’expérience émotionnelle. Au contraire, l’invalidation émotionnelle consiste à ignorer, nier, critiquer ou rejeter les sentiments d’une autre personne.
Plusieurs études se sont intéressées aux effets que peut avoir l’invalidation. Les conclusions sont claires : elle est très nocive pour la santé mentale. Les personnes qui vivent de l’invalidation émotionnelle ont plus de chances d’avoir des symptômes dépressifs.
Les effets négatifs de l’invalidation émotionnelle sont nombreux. Une personne qui se fait régulièrement invalider peut avoir de la difficulté à accepter, contrôler et comprendre ses émotions.
De plus, les personnes qui s’attendent à ce que leurs émotions soient invalidées ont moins tendance à avoir de la flexibilité psychologique. Cet état consiste à avoir la capacité à tolérer ses pensées et ses émotions difficiles sans se défendre inutilement.
Plus une personne a de la flexibilité psychologique, plus elle a la capacité de vivre ses émotions et est capable de passer à travers des difficultés. Par exemple, au lendemain d’une rupture, un jeune homme ressent de la colère, de la tristesse et de la confusion. Son ami l’écoute et le valide. Il normalise ses sentiments contradictoires et sait qu’ils ne dureront pas indéfiniment.
En revanche, un autre garçon vivant le même type de rupture ne comprend pas ses sentiments, a honte et craint de perdre le contrôle de ses émotions. Son ami l’invalide et l’écoute peu ; il tente de supprimer ses émotions et s’enfonce dans un état d’anxiété qui peut même conduire à la dépression.
Ces deux exemples tirés de l’étude « Processes underlying depression : Risk aversion, emotional schemas, and psychological flexibility », des psychologues et chercheurs américains Robert L. Leahy, Dennis Tirch et Poonam S. Melwani, ne sont ni rares ni anodins. La réaction d’évitement, qui est de tout faire pour ne pas vivre ses émotions négatives, est souvent amplifiée par les gens qui nous entourent.
Certaines personnes prennent tellement à cœur notre malheur que de nous voir triste les rend à leur tour malheureux. C’est pourquoi ils émettent des commentaires « positifs ». Or, vivre ses émotions est essentiel. Les supprimer ou les éviter n’est pas la bonne solution. En fait, tenter de les éviter à tout prix n’aura pas l’effet escompté. Au contraire, elles auront tendance à revenir plus souvent et de manière plus intense.
Hélas, l’humain n’est pas fait pour être toujours positif. Au contraire, il a plutôt tendance à se rappeler de mauvais souvenirs. Ceci remonte probablement à bien loin, à une époque où la survie dépendant de notre réflexe à prévenir les dangers. Une personne qui ignorait les effets du danger, ne seraient-ce qu’une seule fois, pouvait se retrouver dans une situation catastrophique, voire mortelle.
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Dans cet article, « Bad is stronger than good », les auteurs, des psychologues, expliquent comment dans l’histoire de l’évolution, les organismes mieux adaptés aux dangers ont eu plus de chances de survivre aux menaces. Par conséquent, ce sont les humains les plus alertes qui auraient eu une probabilité plus grande de transmettre leurs gènes. C’est pourquoi nous sommes en quelque sorte programmés à porter attention aux dangers potentiels.
Ce phénomène s’explique sous le nom de biais de négativité. Certaines recherches ont réussi à identifier quatre manifestations de ce biais qui permettent de mieux le comprendre. L’une de ces manifestations serait liée au vocabulaire que nous utilisons pour décrire des évènements négatifs.
Ainsi, les mots utilisés et choisis seraient beaucoup plus riches et plus variés que ceux choisis pour décrire des évènements positifs, un phénomène que l’on appelle la différenciation négative. De plus, les stimulations négatives sont généralement interprétées comme plus élaborées et différenciées que celles positives.
Le vocabulaire employé pour décrire la douleur physique est beaucoup plus complexe que celui employé pour décrire le plaisir physique. Autre exemple : les parents jugeraient les émotions négatives de leurs bébés plus facilement que leurs émotions positives.
Les émotions négatives font ainsi partie de la complexité humaine et sont aussi importantes que les positives.
La prochaine fois que quelqu’un se confiera sur ses émotions, si vous ne savez pas quoi dire, préférez l’écoute et la validation émotionnelle comme « On dirait que tu as eu une dure journée » ou « C’était difficile, hein ? »
Attention : être positif n’est pas toujours synonyme de positivité toxique. Celle-ci vise à rejeter et éviter tout ce qui est négatif et ne voir que le côté positif. Voici un exemple positif et validant : « il est normal de se sentir comme tu te sens après un évènement aussi grave, essayons de donner un sens à tout ça ». Alors que la positivité toxique serait plutôt : « arrête de voir le côté négatif, pense aux choses positives à la place ».
Enfin, si vous n’arrivez pas à valider et écouter, recommandez la personne à un professionnel de la santé mentale, il saura comment l’aider.
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