Une heure avant le but du service au restaurant La Belette et l’Orme, Erika la sous-cheffe prépare la soirée tout en essayant de former le Nouveau. Fred, le chef, a un comportement étrange. Et personne ne sait où se trouve Marco, le serveur. C’est alors que Claire, la sommelière, arrive et que tout s’explique…
Ou plutôt, que tout s’effondre. Car Marco a agressé sexuellement Claire. Et que la dénonciation a échappé à Claire, qui se retrouve prise entre Fred, son ex-conjoint qui a préféré prendre les choses en main sans même finir d’entendre Claire, et Marco, qui semble ne se souvenir de rien. Ce soir-là, ce n’est pas juste une vie qui est bouleversée; c’est celle de toutes les personnes qui gravitent dans le restaurant. Tout ce qui a la décence de s’effriter va le faire et c’est tant mieux.
Le sujet est sensible, et Lauréanne Dumoulin réussit à amener un ton très juste, qui ne cède pas à la facilité des clichés, pour traiter des agressions sexuelles. Si le texte peut être par moment très cru et graphique, l’auteure parvient à dresser des portraits tout en nuance et met habilement en lumière toutes les fractures subies par les personnages. Les dialogues, et les niveaux de registres de langue, sont ciselés, contemporains, et portent de manière juste le propos de la pièce.
Le choix même d’avoir situé l’action en cuisine est tout à fait approprié. Pour l’auteure, “La cuisine est un terrain fertile d’histoires abracadabrantes, riches en situations dramaturgiques. La consommation d’alcool, de drogues et les intoxications sont fréquentes dans les cuisines. Ajoutons à ce beau cocktail, le stress du service et de tous les autres imprévus qui peuvent survenir dans un quart de travail et nous voilà avec une belle boîte de Pandore, pleine des maux d’un cas particulier de la société”.
En particulier, Pas d’chou kale réussit à traiter de l’agentivité de la victime, de son autonomie, en particulier de la façon dont on lui aura volé la confrontation avec son agresseur et la précipitation de la révélation qui ne lui aura pas laissé le temps de choisir ses mots, de reprendre contrôle sur le narratif, sur la violence de ce qu’elle a subie.
Les deux vous m’avez volée. Lui mon corps, toi mon moment, mon droit de parole.
Si la pièce aborde un sujet difficile et chargé d’émotion, l’auteure réussit le pari d’introduire des éléments d’humour qui allègent parfaitement la pièce. Le personnage du Nouveau est tout à fait approprié et bienvenu, jusqu’à la toute fin. Ajoutons que Nathalie Séguin, Ines Sirine Azaiez, David Biron, Eliot Laprise et Antoine Paré-Poirier , les cinq acteurs qui composent la distribution solide et homogène, sont tous d’une justesse étonnante, et transmettent au public la tension, la colère et l’émotion nécessaire.
Nonobstant son drôle de titre, Pas d’chou kale pour les cassés est une réussite, et mérite qu’on se précipite pour aller la voir au Premier Acte.
Informations complémentaires
Le vendredi 4 novembre, le théâtre vous invite à rester après la représentation pour une discussion avec les artistes et une invitée pour l’occasion, Calypso Lemoine, intervenante à la YWCA Québec.
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