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L’actrice, dont c’est le tout premier film, éblouit dans le troisième de film de Davy Chou. L’histoire d’une jeune femme adoptée en France, dérivant dans son pays natal, en Corée. Rencontre.
Sur l’affiche de Retour à Séoul, Park Ji-Min, rouge à lèvres écarlate et blouson carapace, regarde derrière son épaule alors qu’elle avance tout droit dans la nuit. Une silhouette qu’on a envie de suivre autant qu’elle impressionne, à l’image de son personnage, Freddie : jeune femme adoptée bébé par une famille française, elle se retrouve, par un hasard qui ressemble fort à un acte manqué, dans son pays natal, la Corée du Sud. En cherchant ses parents biologiques, Freddie se cherche aussi elle-même, entre rencontres orageuses, soirées d’ivresse et d’abandon, choc des cultures, de la langue, et des émotions.
Avant d’incarner Freddie, Park Ji-Min, artiste plasticienne, n’avait jamais été actrice. C’est le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou (auteur du très beau Sommeil d’or, documentaire sur le cinéma perdu du Cambodge, en 2011, puis de Diamond Island en 2016) qui l’a convaincue. Et c’est ensemble qu’ils ont travaillé sur ce personnage tumultueux, fier et touchant, dont on suit le parcours sur huit ans.
Madame Figaro.– Quelles ont été vos premières impressions, quand vous avez rencontré Freddie?
Park Ji-Min .-Je me suis dit qu’il y avait pas mal de points communs entre nous. Je ne suis pas adoptée mais je suis d’origine coréenne, je suis issue de l’immigration (Park Ji-Min est arrivée avec sa famille en France à l’âge de huit ans, NDLR). Il y avait des ressemblances dans notre manière d’être, d’interagir avec les autres. Mais je n’ai jamais eu le désir d’être actrice. Il m’a fallu du temps pour vraiment accepter le rôle et de me faire à l’idée que j’allais participer à ce projet.
Pourquoi était-ce difficile ?
Le cinéma, c’est un medium qui m’intéresse beaucoup. Je regarde de nombreux films, presque un par jour, et même visuellement, cela m’inspire énormément. Mais actrice, je n’en ai jamais eu l’idée. Je me disais que cela devait être difficile de se sentir dépossédé de soi, de son corps, de sa voix, de son visage et de son regard. D’être au service d’un personnage et d’une histoire. D’autant que j’ai l’habitude, lorsque je fais quelque chose, de me donner à 300%, parfois jusqu’à l’épuisement. Enfin, le film était, au départ, l’histoire d’une femme vue à travers le regard d’un homme. Pour moi, c’était aussi une grande problématique.
Comment avez-vous résolu cette question?
J’ai dit à Davy qu’il fallait qu’on retravaille justement le scénario sur ce questionnement, sur l’interaction de ce personnage avec le monde, face aux hommes et aussi aux femmes. Il n’a pas réussi à accepter tout ce que je lui disais, au début, et c’est normal : moi-même, je suis une créatrice, je sais au combien il est difficile de lâcher prise. Mais il fallait vraiment faire un travail de déconstruction. Davy a compris qu’il ne s’agissait pas de moi, mais de comprendre toute la violence qu’une femme peut ressentir dans notre société actuelle. Que s’il ne me laissait pas la place pour l’exprimer, je ne pourrais pas faire le film. Et il a accepté. Ce n’était pas de la manipulation, il n’a pas accepté par peur que je ne fasse pas le film. Il a compris que c’était bénéfique pour ce dernier.
Pour moi, Freddie est comme de l’eau : si elle stagne, elle pourrit.
Sur ces questions de regard masculin et féminin, pouvez-vous donner un exemple d’une scène qui a changé après que vous êtes intervenue ?
Il y en a eu plusieurs. Cela peut avoir l’air de détails, mais en fait, pour moi, ça change tout. Dans une scène, Freddie se retrouve avec son petit ami français, Maxime, dans une voiture à Séoul, et s’apprête à aller à la rencontre de son père et de sa tante biologiques. Dans le scénario de base, elle lui disait que ce lieu était toxique pour elle, qu’il allait falloir la protéger. Et Maxime répondait, sur le ton de la blague – qui était déjà une très mauvaise blague – qu’il serait son chevalier servant. J’ai dit à Davy que c’était impossible, qu’elle ne pouvait pas dire cela au vu de sa trajectoire. Qu’on la réduisait à la vulnérabilité d’une femme vue par un homme, qui devait être protégée. Et le dialogue a changé. Il y a eu aussi un travail essentiel sur son look. Dans la seconde partie du film, Freddie était décrite d’une façon ultrasexualisée : encore une fois, ce n’est pas un problème, je n’ai rien du tout contre les femmes qui sont «ultra sexy». Mais là encore, elle était vue à travers un regard masculin, via des images un peu cliché. Alors qu’un rouge à lèvres sombre suffisait.
L’allure de Freddie change drastiquement au fil du film. On la voit millenial androgyne, femme fatale, femme d’affaires, backpackeuse… En quoi ces métamorphoses accompagnent-t-elles son cheminement intime?
Ces transformations physiques marquent le fait qu’il s’agit d’un personnage qui change de peau, et cela lui permet d’avancer. Pour moi, Freddie est comme de l’eau : si elle stagne, elle pourrit. On est en droit de s’enraciner mais elle, elle avance tout le temps. Ce n’est pas une fuite en avant, c’est une manière de survivre.
Et de s’adapter pour survivre ?
C’est ça. Malheureusement, l’adaptation pour la survie, c’est souvent quelque chose d’extrêmement violent. Je peux le dire, je suis immigrée, la France n’est pas mon pays natal, et je sais combien c’est difficile à vivre, cette pression, devoir s’adapter. Je pense que ces changements de peau brutaux, cette nécessité vitale d’avancer sans se retourner viennent de là.
En quoi, selon vous, l’histoire de cette jeune femme, «déracinée» à tous égards, nous touche-t-elle de manière aussi universelle?
En tant qu’humains, nous sommes complexes, bourrés de paradoxes et de contradictions. Je pense que les gens qui se disent «OK, j’ai une identité, elle est fixe», ce n’est pas possible. Freddie est un personnage qui, justement, n’a pas peur de dire : «D’accord, c’est le chaos mais au moins, je n’ai pas peur d’explorer». Je ne crois même pas qu’elle trouve des réponses exactes mais ce n’est pas grave, elle essaie. Pour moi, c’est presque une âme perdue, mais ce n’est pas négatif. C’est vraiment une âme qui navigue, qui tente de multiples expériences et qui essaie de vivre. Et je pense que tout le monde peut s’y reconnaître.
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Park Ji-Min, premier rôle magnétique et révélation de Retour à Séoul
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