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Paris se maintient sur les marchés des changes et des dérivés de taux – Bloc-notes Eco

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Par Amélie Robinette
En 2022, la place financière de Paris conserve son rang sur les marchés des changes et des dérivés de taux de gré à gré dans le monde. Le volume d’activité y est en nette hausse depuis trois ans, tiré par une forte internationalisation et facilité par une numérisation croissante.
Note : Volume d’activité quotidien des principales places financières
(en mds USD, à taux de change courant), données brutes corrigées des doubles comptes domestiques
Les marchés des changes et de produits financiers dérivés se concentrent autour de quelques pôles financiers. L’enquête triennale, placée sous l’égide de la BRI et conduite par la Banque de France pour la France, permet, tous les trois ans, d’en faire un état des lieux mondial.
L’enquête mesure les volumes d’activité de gré à gré (Over The Counter, OTC), en montants notionnels, au cours du mois d’avril.
Les places de Londres et des États-Unis demeurent en tête du classement. Les volumes d’activité sur le marché des changes y sont 4 fois et 2 fois plus importants que celui de la place financière suivante (respectivement 8 fois et 5 fois sur le marché des dérivés de taux). Toutefois, l’activité sur le marché des changes à Londres se stabilise par rapport à 2019 et le volume d’activité sur le marché des dérivés de taux s’y inscrit en forte baisse, alors que les places européennes concurrentes, qui enregistrent des taux de croissance à deux chiffres, gagnent des parts sur ces marchés.
Alors que Singapour et Hong-Kong se disputaient la 3ème position en 2019 sur le marché des changes, Singapour se situe désormais nettement devant Hong-Kong. La part de marché du dollar singapourien a progressé, passant de 1,8 % à 2,4 % des volumes mondiaux quotidiens traités, au niveau du dollar hongkongais, lui-même en fort recul. Singapour reste toutefois derrière Hong-Kong sur le marché des dérivés de taux.
Dans le reste de l’Asie, le Japon demeure l’une des cinq plus grandes places pour les transactions de change mais affiche un léger recul sur le marché des dérivés de taux, perdant une place. La Chine, au 10ème rang sur le marché des changes, est stable par rapport à 2019. Ces pays ont pu souffrir du maintien prolongé des contraintes sanitaires pendant la pandémie.
Enfin quelques places financières affichant des évolutions favorables se démarquent : c’est le cas de l’Allemagne sur le marché des dérivés de taux et du Canada sur le marché des changes.
L’activité mondiale sur le marché des changes a progressé de 19 % en 3 ans (données brutes corrigées des doubles comptes domestiques). Ce dynamisme s’inscrit dans un contexte de montée des tensions internationales et d’appréciation du dollar depuis l’été 2021. Avec un volume de 214 milliards de dollars d’opérations quotidiennes contre 167 milliards en 2019, la place de Paris suit cette dynamique globale tout en se maintenant au 7ème rang mondial, devant l’Allemagne.
Les acteurs parisiens sont fortement concentrés : 4 entités représentent plus de 70 % de l’activité totale du marché. Ils sont très présents sur le compartiment des swaps de change, instrument privilégié pour leur gestion de trésorerie et de couverture contre le risque de change. À cet égard, la France se distingue du reste du monde : les swaps de change sont utilisés dans 71 % des opérations en France, contre 51 % en moyenne mondiale. 
En France et dans le monde, la maturité des transactions est de plus en plus courte : 80 % ont une maturité inférieure à 1 mois contre 77 % en 2019 (84 % en moyenne mondiale 2022). La multiplication des opérations à très court terme explique une partie du surcroît d’activité global, le renouvellement des contrats intervenant mécaniquement plus souvent.
Le Brexit, qui a conduit plusieurs établissements français et étrangers à relocaliser des activités de gestion de grands comptes depuis Londres, a également contribué à conforter l’activité de la place parisienne, en augmentant le nombre d’employés établis en France.
Le notionnel traité sur les dérivés de taux a baissé de 20 % au niveau mondial et de 28 % au Royaume Uni et aux États-Unis entre 2019 et 2022 (données brutes corrigées des doubles comptes domestiques). Au contraire, l’activité sur plusieurs grandes places européennes a fortement progressé : de 36 % aux Pays-Bas, de 70 % en France et de près de 400 % en Allemagne. Parmi les éléments pouvant expliquer ces évolutions divergentes entre les pays anglo-saxons et les grandes places l’Europe continentale figurent les réformes des indices de référence interbancaires, à des étapes et aux impacts différents.
–          La disparition programmée du LIBOR USD dans les nouveaux contrats et donc la diminution des transactions sur cet indice pourrait expliquer une partie de la baisse d’activité sur les marchés US et UK. Le passage du LIBOR aux taux sans risque overnight aurait notamment modifié les besoins de couverture de risque de taux. En zone euro, l’Euribor a été réformé mais a conservé ses caractéristiques et son fonctionnement actuels, avec un impact moindre sur l’activité. Sur le plan des devises, l’euro a progressé dans le total des opérations de taux en France (de 75 % à 82 %, graphique 1).
–          La réforme de l’EONIA, remplacé par l’ESTER en 2022, semble avoir provoqué des modifications de stratégie et de positionnement. Plusieurs établissements français déclarent concentrer désormais leur activité sur des instruments de taux à court terme et gèrent leurs opérations au plus vite, multipliant ainsi les volumes traités.
D’autres facteurs ont soutenu l’activité des entités françaises. D’une part la remontée forte et rapide des taux directeurs des banques centrales a généré un surcroit de demande de couverture à brève échéance, avec un fort impact sur les volumes des contrats de taux ; d’autre part, le volume élevé des compressions en avril 2022 est à l’origine de nouvelles transactions. Cette technique de marché consiste à identifier des positions dont les risques peuvent se compenser et à les remplacer par un nombre réduit de contrats tout en conservant la même exposition résiduelle. Les compressions ont représenté 23 % des opérations de taux en France, contre 4 % en Allemagne et 6 % au Royaume-Uni.
Sur le marché des changes comme sur celui des dérivés de taux, la hausse des transactions constatée en France a principalement porté sur des contreparties non résidentes. C’est le cas pour 80 % des opérations en 2022 contre 68 % en avril 2019. Ces chiffres illustrent l’internationalisation croissante de l’activité des banques françaises, plus importante que la moyenne mondiale des établissements (graphique 2).
En outre, les établissements français ont relativement plus traité avec des sociétés non financières et des investisseurs institutionnels dont la part a atteint 18 % en 2022, contre 11 % en 2019.
L’internationalisation de l’activité sur les marchés des changes est facilitée par l’essor des transactions numériques. Les plateformes électroniques permettent de suivre les prix de marché et les volumes proposés, et de passer des ordres, soit directement sur la plateforme d’un intermédiaire financier (‘électronique direct’) soit sur une plateforme commune à plusieurs banques (‘électronique indirect’). Elles offrent un accès élargi, plus immédiat et transparent aux acteurs de marché, une plus grande liquidité et des coûts de transaction moindres. En France, 51 % des opérations de change sont numériques contre 40 % en 2019. À l’inverse, les opérations exécutées à la voix (par téléphone auprès d’une banque ou via un broker) ont légèrement diminué par rapport à 2019 et sont désormais minoritaires (graphique 3).

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