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Ce n’est plus à prouver ; la qualité de l’écriture des Français est en baisse, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, les concernés sont bien loin d’y être indifférents.
Temps de lecture : 4 min
Les lacunes en français sont pour beaucoup un complexe et un frein majeurs. L’impression que “c’est trop tard” et le fait de ne pas savoir par où commencer sont autant de blocages à la progression. Comment en est-on arrivé à complexer sur notre maîtrise de la langue française ?
L’orthographe, et la maîtrise de la langue en général, ont toujours été des marqueurs sociaux. Au Moyen-âge, bien que la langue ne soit pas aussi uniformisée qu’aujourd’hui, les gens étaient jugés sur leur capacité à lire et à écrire d’abord, puis sur la manière dont ils écrivaient. Dès la première étape, un tri était effectué entre les classes sociales élevées et les classes inférieures, pour qui le temps était réservé au travail. Mais même parmi les personnes lettrées, toutes n’étaient pas sur un pied d’égalité ; l’écriture de la cour et l’écriture de la campagne ne portaient pas le même prestige.
Avec le temps, la maîtrise de la langue française et l’orthographe se sont diffusées. La démocratisation de l’école, qui deviendra obligatoire, permet à chacun d’être initié à l’orthographe, la grammaire et la conjugaison. Puisque l’accès à la connaissance était rendu possible à tous, il n’y avait plus d’excuses. Un élève mauvais en orthographe était un cancre, ou un idiot ; de quoi avoir honte.
Jusqu’à aujourd’hui, et malgré nos connaissances sur les rejets, les inégalités, la dyslexie et la dyspraxie, l’orthographe a conservé un impact sur l’image qu’ont les autres de nous, et que l’on a de soi. À tort, l’orthographe est toujours considérée comme un indicateur de l’intelligence. Une faute d’inattention est à l’origine d’un sentiment de honte pour plus de 80 % des Français, inquiets d’être jugés. Sentiment décuplé dans le contexte professionnel.
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Bien que nous n’ayons jamais autant écrit, les fautes d’orthographe se font de plus en plus présentes dans les dictées, rédactions, SMS, posts, email, etc. Pourquoi ?
D’abord, la baisse du niveau d’orthographe ne date pas d’hier. Cette dégradation est constatée depuis la fin du XXe siècle, et elle avait déjà été prédite par certains linguistes à la fin du XIXe. La première raison de cette baisse est que l’orthographe a très peu été réformée ; elle est donc restée similaire entre l’époque où elle était une pratique “d’élites” et celle ou elle a été enseignée à tous. Mais comment expliquer alors que les élèves d’avant soient tout de même meilleurs ?
La réponse est relativement simple ; auparavant, l’apprentissage se concentrait presque exclusivement sur le calcul et l’orthographe, alors que celui d’aujourd’hui est beaucoup plus varié. Pour amplifier ce phénomène, le temps scolaire a nettement été réduit entre le début du XXe siècle et nos jours.
S’ensuit la révolution de l’écriture par Internet, le langage texto d’abord, puis les correcteurs orthographiques, le besoin de rapidité, l’importance du fond plus que de la forme, etc. Le nombre de personnes lettrées a explosé, mais la qualité de l’écriture souffre. On ne prête plus autant attention, on s’habitue à nos fautes et on se repose sur nos outils de correction pour compenser.
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Le langage est très discriminant. Il suffit de moins d’une dizaine de mots pour que les gens se fassent une idée de qui vous êtes, votre niveau d’étude, votre origine sociale et votre bagage de connaissances. Par conséquent, une mauvaise orthographe peut rapidement représenter un blocage dans les relations, quelle que soit leur nature. Pour beaucoup, les fautes sont un tue l’amour, et dans le cas des relations amicales, certains préfèrent même limiter les échanges écrits plutôt que de développer une moins bonne estime à l’égard de leur ami à l’orthographe gênante.
Avec l’avènement des réseaux sociaux et des sites de rencontres, notamment pendant les récentes périodes de confinement, la qualité de l’écriture à repris en importance. De nombreuses relations à distance ont vu le jour, sur fond d’échanges écrits, et autant de candidats se sont retrouvés mis de côté pour leur mauvaise orthographe. En effet, même si le niveau en orthographe des Français est moins bon, nous sommes toujours très sensibles aux fautes des autres.
Enfin, les recruteurs aussi sont très exigeants quant à la bonne maîtrise de l’orthographe et de la langue française. Pour plus de 80 % d’entre eux, les fautes d’orthographe sont rédhibitoires, d’autant plus sur un CV ou une lettre de motivation qui sont censés être irréprochables. Certaines études montrent qu’une bonne orthographe est souvent plus importante pour les recruteurs que l’expérience professionnelle et la formation. Ces derniers auraient également tendance à employer plus facilement une personne qui ne parle pas anglais qu’une personne avec une mauvaise orthographe. C’est même la raison la plus fréquente pour un rejet de CV.
Pourtant, comme pour toutes les compétences, une mauvaise orthographe n’est pas une fin en soi, elle se travaille à tous les âges et à tous les niveaux, car les subtilités ne manquent pas. Pas de quoi complexer donc, car il n’est jamais trop tard pour s’entraîner et s’améliorer.
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