Pièces complète 2 euro commémorative et accessoires protection pièces

Mort in utero : quand la naissance est un adieu – Cerveau et Psycho

S’abonner
Perdre un bébé in utero est un événement traumatique que les parents doivent souvent affronter seuls. Récemment, des moyens ont été mis en place pour les accompagner.

Tout se passait au mieux. Jusqu’à ce rendez-vous de contrôle où tout a basculé. C’est vrai, Ayla et Chris n’étaient pas préparés à être parents avant de recevoir les résultats du test de grossesse. Il n’empêche, leur joie a été grande d’apprendre qu’ils allaient avoir un enfant. Dans les semaines qui ont suivi, le couple s’est progressivement investi dans son futur rôle de parent, réorganisant sa vie, faisant des projets d’avenir à trois et se rendant à tous les examens préventifs nécessaires.
Et puis, ce fut la douche froide. Glaçante, saisissante. Un médecin a annoncé aux jeunes parents que leur enfant présentait plusieurs troubles graves du développement et qu’il ne naîtrait pas vivant. « La nouvelle m’a frappé comme un coup poing en plein visage », m’a raconté Chris quelques semaines plus tard lorsque j’ai fait la connaissance du couple dans une chambre de l’hôpital de la Charité à Berlin. Ayla et lui avaient suivi les recommandations du corps médical et venaient de mettre un terme à la grossesse. La veille du réveillon de Noël, à 20 semaines de gestation, leur fils Eduardo était ainsi mort-né.
Ce jour-là, j’étais venue en tant que photographe, une de mes activités en ce domaine consistant à photographier des enfants qui meurent à la naissance, ou peu avant, ou juste après et qui n’ont pas le temps de prendre leur place dans ce monde. On les appelle souvent « enfants stellaires »… Eduardo reposait alors sur la poitrine de sa maman. Il était là, blotti comme un petit oiseau blessé au creux des mains de son papa et emmailloté du châle bleu que ce dernier avait crocheté lui-même à partir d’un kit offert à l’hôpital par l’une des associations de soutien aux parents « orphelins » (ce terme indique ici la perte d’un enfant, et non d’un parent). J’étais là pour prendre des photos d’adieu du bébé. Des photos auxquelles ces nouveaux parents pourraient se raccrocher, qui les aideraient à faire leur deuil et grâce auxquelles ils pourraient présenter leur fils à leur famille, plus tard, lorsqu’ils seraient prêts.
Pourquoi en parler ? Les parents d’Eduardo sont malheureusement loin d’être un cas isolé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2020, 773 144 enfants sont nés vivants en Allemagne et 3 162 ont été enregistrés dans les statistiques officielles comme mort-nés. En France, on compte 748 000 naissances vivantes en 2019 pour 6 388 mort-nés. Ces derniers comprennent les fœtus qui meurent après la 22e semaine de grossesse ainsi que ceux qui pèsent déjà plus de 500 grammes.
Si le bébé naît sans vie avant ce délai, ou avec un poids inférieur, on parle alors de fausse couche. Ces dernières ne figurent pas dans les statistiques officielles de la population, mais il existe des chiffres pour elles aussi : environ une grossesse sur six se terminerait par une fausse couche. Ce qui représente 23 millions de cas par an dans le monde.
Pendant longtemps, les enfants mort-nés n’étaient pas présentés aux parents. Leur corps était simplement détruit.
Certes, en public, dans le cercle familial et amical, on aborde rarement le sujet des « mortinaissances » ou des fausses couches. Et si l’on pose la question à des parents plus âgés, il n’est pas rare d’apprendre qu’il existait des cousins, voire des frères et sœurs dont on n’avait jamais entendu parler : jusqu’à récemment, il était courant de passer ces faits sous silence. Comme on le ferait d’un non-événement. Sitôt l’accouchement, le petit corps de l’enfant était jeté au rebut, sans même être présenté aux parents. Et on considérait le problème réglé. Nous connaissons aujourd’hui le poids de cette épreuve pour la plupart des parents. J’ai rencontré des mères « orphelines » qui, cinquante ou soixante ans plus tard, n’arrivaient toujours pas à se remettre de n’avoir jamais vu leur enfant.
Fort heureusement, les choses ont changé. La parole s’est libérée et le monde médical prend progressivement conscience que les mortinaissances et les fausses couches ne se résument pas à de simples échecs de grossesse, mais bien à la perte d’un enfant. Aujourd’hui, les cliniques allemandes, par exemple, mettent à disposition des aumôniers et des psychologues qui accompagnent les parents avant et après la naissance. Des photographes d’enfants stellaires, comme moi, sont contactés pour prendre des photos souvenirs des petits. Pour l’occasion, les cliniques ont souvent à cœur de mettre à disposition des parents de jolis draps et des corbeilles. Et de nombreux hôpitaux disposent de salles de repos spéciales pour accueillir les parents qui souhaitent dire un dernier au revoir à leur enfant en toute tranquillité. Enfin, les cliniques collaborent aussi, pour la plupart, avec des associations ou des structures capables de relayer toute information utile sur les groupes d’entraide, les thérapies ou l’organisation des obsèques de l’enfant.
C’est bien, mais il faut aller plus loin. Le soutien ne doit pas s’arrêter à la porte de la maternité. Si beaucoup de choses se sont déjà améliorées, les ressources restent très limitées. La restriction de personnel ne permet pas à chacun de s’occuper de tous les cas avec l’attention qu’ils méritent. Et il est difficile de trouver des places en thérapie auprès de psychologues capables d’accompagner les parents dans leur travail de deuil. Il est donc d’autant plus important que les familles endeuillées bénéficient du soutien de leurs proches et de leur environnement professionnel.
Pas simple, c’est sûr. D’autant plus que le sujet reste tabou dans l’opinion publique et qu’il est encore souvent d’usage d’attendre au moins douze semaines avant d’annoncer une grossesse, c’est-à-dire une fois la période critique achevée. Critique, vraiment ? Les chiffres en disent long : chez les femmes enceintes de moins de 35 ans, le risque de fausse couche est contenu à 15 % pendant cette période. Mais pour les 35-39 ans, ce risque passe à près de 25 % pour atteindre 50 % dès l’âge de 40 ans. Si les futurs parents avaient, comme beaucoup, gardé le silence avant le drame, ils se retrouvent alors seuls à pleurer leur bébé, avec l’impression de devoir rapidement tirer un trait sur l’événement, ignorer leurs sentiments et se remettre en marche. Résultat : une pression psychologique s’ajoute à la tristesse, ce qui augmente le risque de développer un trouble psychique.
Le monde médical prend progressivement conscience que les naissances sans vie et les fausses couches ne se résument pas à de simples échecs de grossesse.
Ces risques sont réels. En 2021, une équipe de recherche dirigée par Cèline Lossius Westby, du Centre de psychologie de crise de l’université de Bergen, en Norvège, a étudié le lien entre les troubles psychiques et la perte d’un enfant in utero. Pour cela, les spécialistes norvégiens ont évalué 13 études menées entre 1995 et 2019. Selon les résultats, les parents développent davantage de troubles anxieux, de dépression ou de stress post-traumatique après une fausse couche ou un enfant mort-né. Ils ont montré aussi que ces troubles s’atténuaient en général avec le temps.
Mais pas toujours. Il existe des cas où les parents endeuillés souffrent malheureusement de troubles psychiques à long terme, avec des répercutions qui peuvent se faire sentir jusqu’à la grossesse suivante et même au-delà. C’est ce que prouve par exemple l’étude publiée en 2018 par un groupe de travail autour d’Ida Kathrine Gravensteen, de l’Institut de médecine clinique de l’université d’Oslo, toujours en Norvège, réalisée sur 174 femmes enceintes après un enfant mort-né et 362 après une première naissance heureuse (groupe contrôle). Au cours du dernier trimestre de cette grossesse, 22,5 % du premier groupe ont souffert d’un trouble anxieux et 19,7 % d’une dépression, contre respectivement 4,4 et 10,3 % dans le groupe de contrôle. Plus encore, près d’une femme préalablement endeuillée sur huit souffrait des deux troubles psychiques, contre une sur 28 dans le second groupe.

  • 1993 : Acte de naissance pour tout enfant né vivant dès 4,5 mois de grossesse.
  • 2001 : Acte d’« enfant né sans vie » pour tout enfant mort-né dès 4,5 mois de grossesse et prise en charge du corps de l’enfant.
  • 2008 : Certificat médical d’accouchement d’un « enfant né sans vie » (sur demande des parents).
  • 2009 : Enregistrement à l’état civil d’un « enfant né sans vie » (sur demande des parents).

Est-ce propre aux deuils « in utero » ? C’est bien possible. Alors que les familles qui perdent un enfant à cause de maladies, comme le cancer, sont souvent fortement soutenues par leur entourage, les parents dont le bébé est décédé avant la naissance sont souvent seuls face à la douleur. « Il leur est si difficile de surmonter la mort de leur enfant qu’ils ont souvent le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond chez eux », explique la psychothérapeute Anja Gutmann, spécialisée dans l’accompagnement des parents ayant vécu une fausse couche ou la perte d’un enfant mort-né. « Plus la perte survient tôt pendant la grossesse, moins ce besoin de deuil et de soutien est admis par la société. »
Pourtant, plusieurs études ont prouvé qu’une fausse couche ou un enfant mort-né risque d’avoir les mêmes effets psychologiques que la perte d’un enfant plus âgé. En 2012, l’équipe de Pernilla Avelinn, à l’institut Karolinska de Stockholm, en Suède, a mené une étude auprès de 55 parents – 33 femmes et 22 hommes – dont l’enfant était mort-né peu de temps avant. Les scientifiques les ont interrogés sur leur situation psychique, l’avancement du travail de deuil et la stabilité de la relation, puis ont organisé le suivi de ces volontaires sur plusieurs années. Les résultats ont montré que les parents sont étroitement liés à leur enfant dès les premiers stades de la grossesse et qu’ils sont fortement endeuillés après sa mort.
La semaine de grossesse ne constituait pas un indicateur valable pour estimer le sentiment de perte. La question était plutôt celle-ci : jusqu’à quel point la personne s’est-elle déjà identifiée en tant que parent ? Rien n’est figé. Cela peut se produire dès le premier mois de grossesse ou au septième. Pour Anja Gutmann, les couples qui essaient d’avoir un enfant depuis longtemps sont aussi ceux qui s’approprient rapidement le rôle de parent.
« À partir du moment où cette identification a eu lieu, l’événement qui se vit alors ne se résume plus à une grossesse manquée, mais bien à la perte d’un enfant. »
Au moment du diagnostic, Ayla et Chris n’avaient encore parlé à personne de la grossesse. Quand ils se sont rendus à l’hôpital pour l’accouchement, ils ont prétendu prendre deux semaines de vacances dans un lieu reculé où ils seraient difficilement joignables. L’idée d’annoncer à leur famille la mort d’un enfant dont ils ne connaissaient pas encore l’existence les dépassait. Et ils se sont posé une question à laquelle de nombreux parents concernés sont confrontés : comment faire le deuil d’un enfant que personne n’a connu ?
L’isolement des parents « orphelins » est renforcé par le fait que les amis et les connaissances ne savent généralement pas comment aborder les personnes en deuil. Par peur d’être maladroit ou d’aggraver la situation, beaucoup ont tendance à garder leurs distances et attendent que les parents endeuillés viennent vers eux, si besoin – ce qu’ils ne feront sans doute pas –, les laissant finalement seuls avec leur chagrin. Et c’est souvent l’omerta sur l’événement tragique qui fait souffrir ces parents. Ils ont généralement besoin de parler, même s’ils ne parviennent pas à exprimer leurs sentiments au début.
Comment faire pour les aider ? Il existe de nombreuses stratégies pour soutenir les personnes concernées et leurs proches. À commencer par la plus importante et sans doute la plus simple, à savoir : libérer la parole. Si vous avez dans votre cercle d’amis un couple qui a perdu un bébé, vous pouvez par exemple demander : « Voulez-vous parler de votre enfant ? Avez-vous des photos ? Vous voulez parler ou je vous laisse tranquille pour l’instant ? De quoi avez-vous besoin ? » Le seul fait que leur douleur soit vue et acceptée aide beaucoup ces parents. Avec bienveillance, sans vouloir précipiter les choses. Mais en leur accordant le temps de faire leur deuil.
Par ailleurs, les rituels, sans être nécessairement religieux ou spirituels, participent au processus d’acceptation conscient. Les parents peuvent par exemple peindre une caisse en bois faisant office de petit cercueil dans lequel l’enfant sera enterré. Pour la plupart des parents, la tombe de leur enfant stellaire est un lieu de deuil important, qu’il s’agisse d’une tombe individuelle ou d’une tombe commune. Certains aiment aussi aménager un petit coin du souvenir chez eux. Ils y placent par exemple des photographies, des fleurs et des petits souvenirs afin de garder la présence de l’enfant disparu dans le quotidien familial. Tandis que d’autres voudront réfléchir à un rituel d’adieu très personnel. Une fois, j’ai accompagné une famille qui avait organisé un événement particulier pour le jour programmé de la naissance. Les parents sont partis en randonnée avec leurs amis et leur famille et, arrivés au sommet, ils ont déposé des pierres et émis des vœux pour l’enfant décédé. D’autres familles encore plantent un arbre pour leur bébé, certaines créent un petit coffre au trésor avec des souvenirs, comme des échographies, ou se procurent un bijou qui leur rappelle leur enfant et qu’on peut toujours porter sur soi. Les choix de rituels utiles sont très personnels, mais ils ont tous une fonction : ne pas refouler le deuil, mais le laisser s’exprimer en toute conscience. C’est la seule façon de surmonter l’événement de manière saine et durable.
Enfin, dernier élément important : le deuil en couple. Il représente pour beaucoup un défi particulier, car les deux partenaires ont souvent des stratégies d’adaptation différentes. Les uns – souvent les hommes – pensent parfois qu’ils doivent être forts pour aider leur conjoint(e), ne pas exprimer leurs sentiments et se remettre debout immédiatement. Cette tendance à réprimer leurs propres émotions et leur tristesse peut les rendre malades ou entraîner des tensions dans la relation de couple. Il en résulte quelquefois des conflits, car la ou le partenaire croit lire dans ce comportement une insoutenable indifférence.
Sans compter que les parents n’avancent pas au même rythme sur le chemin du deuil. Ni n’entament le processus au même moment. Anja Gutmann raconte qu’après la naissance, les mères ont besoin de quelques jours pour se remettre de l’accouchement lui-même. Pas le partenaire, chez qui le travail de deuil proprement dit a déjà commencé. Il aura donc déjà avancé quand la mère commencera tout juste à faire son deuil – et cela peut poser des problèmes. « Lorsque le couple se trouve à des stades différents du processus d’assimilation, cela entraîne parfois des complications ou des malentendus dans la relation », explique la psychothérapeute.
Les stratégies pour faire face à ce qui a été vécu diffèrent également selon le sexe. Selon Anja Gutmann, les hommes surmonteraient plus facilement leur deuil. Leur stratégie ? Retrouver rapidement une vie amicale et se plonger dans le travail. Le quotidien leur confère ainsi la structure et le soutien dont ils ont besoin dans leur processus de deuil. Pour les femmes, ce serait différent. « Mes patientes recherchent plutôt le calme et l’intimité dans un premier temps. »
Ces différences se retrouvent également dans les études scientifiques sur le sujet. L’étude de Pernilla Avelin et ses collègues a, par exemple, révélé que les mères souhaitent parler activement de ce qui s’est passé et recherchent l’échange avec leur partenaire, tandis que les pères concernés ont tendance à assimiler ce qu’ils ont vécu en silence. La plupart des parents interrogés ont déclaré que l’expérience les avait soudés, même si les débuts avaient été difficiles. Dans la majorité des couples, les partenaires ont montré de la compréhension envers l’autre pour sa manière de faire son deuil, après en avoir parlé. Anja Gutmann donne également un pronostic favorable à presque tous les couples. Il est important de s’exprimer, rapporte-t-elle : « Les parents doivent se parler et expliquer leurs besoins propres. Du moment que le partenaire comprend, peu importe où l’on en est, chacun choisit la voie qui lui convient. »
Lorsque, quelques mois après la naissance d’Eduardo, j’ai rencontré ses parents dans un café berlinois pour leur remettre personnellement les photos de leur petit garçon, nous avons notamment parlé de ce qui s’était passé depuis. Ils m’ont raconté à quel point ils avaient été surpris que cet événement mette autant de pression sur leur relation. Pour Chris, il avait été important de se montrer fort pour Ayla et de ne pas laisser transparaître à quel point ce drame l’affectait. Il a essayé de se conformer au rôle classique du protecteur masculin et de prendre du recul sur lui-même et ses sentiments. Il pensait à sa partenaire qui avait dû mettre au monde son enfant mort-né et estimait qu’en tant que père, c’était son rôle de la protéger.
Ayla a pourtant d’abord lu son comportement comme une indifférence à la mort de leur enfant. Des conflits ont éclaté. Le fait que Chris recherche la proximité physique lui pesait, c’était à ce moment-là inconcevable pour elle. « Chez les femmes, il faut souvent plus de temps que chez les hommes pour qu’une activité sexuelle soit à nouveau possible et procure du plaisir, explique Anja Gutmann. Il est évident que cela peut créer des tensions. Les hommes sont demandeurs plus tôt – aussi pour rétablir une proximité émotionnelle », poursuit la thérapeute. Mais ce n’est pas quelque chose impossible à maîtriser. Il est donc important de parler honnêtement de ses sentiments et de faire preuve d’empathie envers son partenaire.
Pour renforcer la compréhension mutuelle, Anja Gutmann utilise au cabinet un exercice simple : un premier partenaire s’exprime. Le second doit alors reprendre ses propos mot pour mot et attendre la validation du premier – sous la forme, par exemple, d’un « oui, tu m’as compris » – avant de pouvoir répondre. « Cela permet de discuter de n’importe quel conflit », explique la thérapeute.
Ces aides sont souvent bénéfiques, voire salvatrices. Les parents d’Eduardo ont précisément fait appel à une aide professionnelle. Ils se sont adressés à des psychologues pour travailler ensemble sur le traumatisme et mieux comprendre le comportement de leur partenaire. Les entretiens menés par une thérapeute ont resserré leurs liens. Ils les ont même renoués. « Cela a sauvé notre relation », dira plus tard Ayla.
Entretien avec Benoît Bayle, psychiatre responsable du Centre d’évaluation, de soins et de recherche en santé mentale périnatale d’Étampes.
Quel lien se crée entre des parents et leur enfant au moment de la conception ?
Il s’agit d’un lien déterminant car il préfigure celui qui va s’établir après la naissance. Plus particulièrement entre la mère et son enfant, les travaux montrent qu’un travail psychique d’accueil du bébé s’opère dans deux directions, dès le démarrage de la grossesse : d’une part l’identification de l’enfant à naître – la mère lui prête un tempérament, une personnalité, en fonction de sa propre histoire et celle de sa famille – d’autre part la préfiguration du rôle maternel – la maman s’imagine dans son rôle futur, à partir de ses propres expériences. Selon le psychiatre américain Daniel Stern, ce travail atteint son point culminant entre le quatrième et le septième mois de grossesse.
Quelles difficultés doivent être anticipées en cas de perte prématurée d’un enfant ?
Le soutien d’un proche, d’un groupe de parole ou d’un professionnel à court ou moyen terme est essentiel, même s’il n’est pas toujours possible dès le début. La perte d’un enfant est une situation à risques psychiques graves. De dépression, c’est vrai, mais aussi d’état de stress post-traumatique et d’addiction, par exemple à l’alcool, qui nécessitent des soins spécifiques. Par ailleurs, le décès d’un enfant met à l’épreuve le couple lui-même. À titre d’exemple, l’injonction de la société que ressent souvent un homme à paraître fort, à masquer sa sensibilité, est parfois mal perçue par sa compagne et interprétée comme de l’indifférence. La parole est alors tout à la fois nécessaire et libératrice.
Quel accompagnement est proposé, en France, aux familles ?
La « mortinatalité » (la venue au monde d’un enfant mort-né, ou né décédé) est estimée à 13 naissances pour 1 000 dans notre pays. Dans les maternités que je connais, l’accompagnement du deuil périnatal est géré par des sages-femmes qui suivent des formations spécifiques. Il est globalement proche du modèle allemand décrit dans l’article en page xxx. Si toutes les maternités ne proposent pas les mêmes services, disons qu’il y a une attention générale à disposer d’un lieu pour accueillir le bébé décédé, à soigner sa présentation et à mettre à la disposition des parents tout élément qui témoignera de son existence, comme le bracelet de naissance. Ces progrès, nous les devons avant tout aux travaux de pionniers comme Maryse Dumoulin, médecin en pathologie maternelle et fœtale à la maternité Jeanne-de-Flandre de Lille, et au travail des associations qui ont poussé le cadre législatif à s’adapter.
Que dit la loi aujourd’hui ?
Jusqu’en 1993, de nombreux enfants nés décédés n’existaient pas aux yeux de la loi. Certains enfants, nés vivants mais décédés très peu de temps après, n’avaient qu’un acte de naissance d’enfant sans vie, et d’autres n’avaient aucun acte. Ils ne pouvaient pas être inscrits sur un livret de famille, n’avaient pas le droit à des funérailles et leurs corps étaient incinérés avec les déchets hospitaliers. Le cadre législatif a heureusement beaucoup changé depuis. Les parents qui le souhaitent peuvent même déposer une demande d’enregistrement de leur « enfant né sans vie » à l’état civil. Et les choses continuent à évoluer. De plus en plus de parents, dont les enfants sont diagnostiqués in utero avec une maladie grave qui les condamnera juste après la naissance, préfèrent leur donner le jour et les confier aux soins palliatifs jusqu’à leur décès spontané, plutôt que de recourir à une interruption médicale de grossesse. Cette demande d’accompagnement jusqu’au dernier souffle nécessite une nouvelle évolution des consciences et des pratiques qui s’opère déjà dans plusieurs maternités en France.
Propos recueillis par Séverine Duparcq
Le roman de l’écrivain espagnol Miguel Delibes nous offre une vision poignante du deuil, déroutante mais fidèle aux recherches modernes sur le sujet.
Des chercheurs ont découvert le mécanisme cérébral qui nous permet d’éviter de penser à notre propre mort, contrairement à celle des autres.
Les primates ont toutes sortes de comportements étonnants face au décès de leurs congénères. Mais jusqu’où comprennent-ils ce qui se passe ?
Quand nous approchons de la mort, celle-ci perd souvent son caractère effrayant ou dramatique. C’est en la voyant de loin que nous en avons le plus peur. La grande faucheuse serait-elle surestimée ?
À la mort d’un de leurs congénères, les chimpanzés ont une attitude très proche de celle d’un humain après le décès d’un proche.
L’être humain est incapable d’imaginer ce que représente l’absence de conscience. C’est une des raisons pour lesquelles il ne parvient pas à imaginer qu’il n’y a rien après la mort, même lorsqu’il en est intellectuellement convaincu.

Jasmin Schreiber est biologiste, autrice et photographe d’enfants nés décédés.
P. Avelin et al., Parental grief and relationships after the loss of a stillborn baby.
Midwifery, 2013.
I. K. Gravensteen et al., Anxiety, depression and relationship satisfaction in the pregnancy
following stillbirth and after the birth of a live-born baby : A prospective study.
BMC Pregnancy and Childbirth, 2018.
C. L. Westby et al., Depression, anxiety, PTSD, and OCD after stillbirth : A systematic review.
BMC Pregnancy and Childbirth, 2021.
11 numéros en version papier + numérique
+ Accès illimité aux archives depuis 2003
 
– 11 numéros par an
– Accès en ligne aux anciens numéros depuis 2003
– Accès illimité à tous les articles réservés aux abonnés sur le site cerveauetpsycho.fr
– Accès aux numéros dans l’application Cerveau & Psycho (iOS et androïd)
 
Retrouvez nous sur les réseaux sociaux :
Un magazine édité par Pour la Science
170 bis Boulevard du Montparnasse, 75014 Paris 06
N° CPPAP : 0927 X 93493

source

https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions

A propos de l'auteur

Backlink pro

Ajouter un commentaire

Backlink pro

Prenez contact avec nous

Les backlinks sont des liens d'autres sites web vers votre site web. Ils aident les internautes à trouver votre site et leur permettent de trouver plus facilement les informations qu'ils recherchent. Plus votre site Web possède de liens retour, plus les internautes sont susceptibles de le visiter.

Contact

Map for 12 rue lakanal 75015 PARIS FRANCE