« Ça a été une libération de s’exprimer, ça fait trois ans qu’on attend ça. J’ai eu le sentiment du devoir accompli et je suis content que Sadou Cissé ait dit la vérité. » Midi passé, vendredi 14 octobre à Saintes, la cour d’assises de la Charente-Maritime vient de se retirer pour délibérer. Vincent Bonneau, le père de Pierre, la victime, et sa famille auront marqué la semaine avec leurs prises de parole. Des moments comme ça, il y en a eu plusieurs au fil de ces cinq jours d’audience, lourds et riches en émotions.
Après plus de six heures de délibérations, la cour a rendu son verdict. Gibril Largeau, instigateur de l’expédition qui a conduit au décès de Pierre Bonneau, paie le prix fort en écopant de…
Après plus de six heures de délibérations, la cour a rendu son verdict. Gibril Largeau, instigateur de l’expédition qui a conduit au décès de Pierre Bonneau, paie le prix fort en écopant de 16 ans de réclusion criminelle (15 ans requis). Pour Sadou Cissé, qui a ouvert la voie des aveux, la peine est de 7 ans (8 requis). Adil Bensaïd, qui a avoué jeudi matin avoir finalement participé aux faits, se voit infliger une peine de 10 ans. Karamba Cissé, pour qui la circonstance aggravante de bande organisée n’a pas été retenue, est condamné à 6 ans. Quant à Anthony Assaoui, jugé comme complice, ce sera 2 ans avec sursis probatoire.
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est le profil de trois des quatre accusés principaux. Avant de décider de participer à cette expédition « pour faire peur », « pour intimider » Pierre Bonneau, le 4 janvier 2019 peu après minuit, ni Adil Bensaïd, ni Sadou Cissé, ni son cousin Karamba Cissé n’avaient eu maille à partir avec la justice. Casier vierge pour ces trois garçons, nés entre 1999 et 2000.
Mais voilà, avec Gibril Largeau, l’instigateur, ils se sont retrouvés devant la cour d’assises pour l’arrestation, l’enlèvement et la séquestration en bande organisée de Pierre Bonneau, suivis de sa mort (par hypothermie), le 4 janvier 2019 dans le marais de Saint-Laurent-de-la-Prée. La victime, âgée de 20 ans, était parvenue à s’échapper mais n’avait pu survivre dans cette zone marécageuse, par un froid hivernal, torse nu et sans chaussures, en pleine nuit.
Au cours de ces cinq jours, il a beaucoup été question de conflit de loyauté. Envers la famille et ses valeurs de respect, d’honnêteté, concernant les cousins Sadou et Karamba Cissé ainsi qu’Adil Bensaïd. Mais aussi envers les amis, comme le sont Sadou Cissé et Adil Bensaïd avec Gibril Largeau, déjà connu de la justice. « Ce n’est pas la peur qui les a contraints, expliquait Soraya Ahras, l’avocate générale, jeudi soir, lors de son réquisitoire. C’est cette confiance aveugle, cette loyauté invisible. » Adil Bensaïd l’expliquera jeudi lors de ses aveux : « Je ne sais pas ce qu’on avait dans le crâne, je l’ai fait par amitié ! »
La famille l’avait clairement demandé aux accusés, mercredi à la barre : « Dites-nous la vérité. » C’est l’un des points de bascule de ce procès, ce qui a décidé Sadou Cissé à revenir sur ses déclarations jeudi matin quand il a avoué qu’ils étaient quatre, entraînant le passage aux aveux d’Adil Bensaïd. La nuit porte conseil paraît-il.
Sur cet aspect, l’avocate générale prononcera des paroles fortes lors de son réquisitoire : « Ce matin, je me suis réconciliée avec l’humanité. » Mais ça ne l’empêche pas de démontrer que Gibril Largeau est l’instigateur de cette expédition punitive, car « trahi » par Pierre Bonneau qui protège son ami Adam, dans ce différend lié au trafic de cocaïne. « Et ça l’agace ! » « Certes, j’étais en colère », expliquait Gibril Largeau plus tôt. Il justifie ses actes en déclarant qu’il avait un plus gros fournisseur au-dessus sa tête et que celui-ci lui mettait la pression pour récupérer l’argent des 160 grammes de poudre.
Mercredi, des écoutes réalisées ces derniers mois entre Sadou Cissé et Gibril Largeau ont été versées aux débats. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles n’arrangent pas leurs affaires. « Dans ces écoutes, on comprend bien que surtout, il ne faut pas montrer que c’est prémédité. Que pouvez-vous nous dire ? », interroge le président. « Non, non, répond Gibril Largeau. On ne pensait pas que ça allait finir comme ça. » Sur ce point, il y a cette question des trois cache-cous achetés le 28 décembre par Anthony Assaoui sur demande de Largeau, une semaine avant les faits, qui pourrait démontrer une certaine organisation en amont du guet-apens. « C’était pour notre voyage en Espagne », a soutenu jusqu’au bout l’accusé.
Vendredi matin, lors des dernières plaidoiries de la défense, Me Anne-Hélène Ricaud, le conseil de Sadou Cissé, a magnétisé la cour et le public. « Je donne mon pardon à Sadou Cissé », lance émue Maryline Bonneau, la mère de la victime. Le jeune homme dira avoir « été touché par les paroles des parents de Pierre, des mots que je ne mérite pas du tout ».
Malgré ces aveux, « on ne sait pas tout » confie Alexandre, le frère aîné de Pierre Bonneau, poignant lui aussi mercredi. Quelques zones d’ombre demeurent. Lors de cette expédition, il y avait peut-être aussi une arme à feu et plus que des claques à l’encontre de la victime. « J’ai vu mon fils à la morgue, ils n’ont pas mis de simples gifles, dira le père de Pierre Bonneau. S’il nous regarde de là-haut, j’espère qu’il a vu qu’on avait fait le maximum. »
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