Près d’un enfant sur 10 est harcelé chaque année à l’école. Selon les chiffres du gouvernement , 2,6 % d’élèves subissent en France une “forte multivictimation” qui peut être apparentée à du harcèlement dès le stade du CM1-CM2. 5,6 % des collégiens en sont victimes, ainsi que 1,3 % des lycéens. Ces comportements violents et nocifs envers un élève peuvent malheureusement laisser des traces irréversibles dans la vie de l’enfant, et il est parfois difficile de savoir comment l’accompagner, même longtemps après les faits.
Aline Nativel Id Hammou, psychologue, a répondu aux questions de Terrafemina à l’occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, ce jeudi 10 novembre, pour organiser au mieux l’après, et non pas aider l’enfant à “se remettre” du harcèlement, mais “à vivre avec”.
L’autre chose qui peut être bénéfique pour les enfants ayant été harcelés, c’est de devenir un “enfant ambassadeur”, auprès des autres enfants. Ils peuvent devenir un “enfant témoin”, a condition qu’ils le veuillent.
Aussi, il peut être important pour l’enfant de trouver une activité plaisir, si ce n’est pas le cas avant. Cela peut être de l’art, du sport… Quelque chose qui lui permette de s’exprimer par rapport à ce qu’il a vécu. Il faut être dans une forme de bienveillance à son égard sans être dans l’hyper vigilance.
A.N. : Le but ce n’est pas de s’en remettre, mais d’apprendre a vivre avec son vécu d’élève, son statut d’enfant harcelé, tout en parvenant à s’ôter cette étiquette, à la fois au sein de son établissement scolaire mais aussi dans sa famille. L’objectif, c’est de lui faire comprendre que cela fait partie de son histoire mais qu’il n’est pas figé avec ce statut.
Il faut l’aider à mettre en avant ses forces, ce qu’il est capable de faire. Par rapport à ses vulnérabilités, on peut voir ce qui peut être modifié, allégé, dans ce qu’il a vécu.
En même temps, il faut l’aider à comprendre pourquoi ça lui est arrivé. Ce sont des choses très importantes pour l’aider à se relever de cette situation avec le plus de dignité possible et surtout pour soigner son estime de lui-même. Il faut valoriser son enfant au maximum sur toutes les petites choses qu’il réussit au quotidien en termes de relations sociales (comme réussir à aller chercher le pain), et aussi le fait qu’il est capable de mettre en place des systèmes de défense quand il se sent mal à l’aise dans une situation. Ce qui est essentiel aussi, c’est de prendre en compte le tempérament de l’enfant, c’est à dire ne pas lui en demander trop en fonction de ce qu’il est et de ce qu’il est capable de faire.
On peut aussi lui montrer comment on se sort nous-mêmes de certaines situations qui nous semblent désagréables. Il faut l’encourager à exprimer ses émotions, mêmes négatives, qui font partie de la vie. On peut aussi utiliser des livres, des mini séries, des films, des témoignages d’enfants qui ont vécu le harcèlement pour l’aider à verbaliser.
Il est important de le rassurer et de communiquer avec lui sur le fait que même s’il avait la sensation de revivre cette situation de harcèlement, il aurait les astuces de communication mais aussi des adultes bienveillants autour de lui qui peuvent le soutenir, l’accompagner et le protéger. Mais il peut aussi se sentir protégé avec des enfants de son âge. Il faut lui dire que c’est très important qu’il puisse en parler avec d’autres enfants, qu’il n’ait pas honte de ce qu’il a vécu et que ce n’est pas grave de demander de l’aide. On a tous besoin des uns et des autres mais il faut être aussi capable d’exprimer ses ressentis pour pouvoir demander de l’aide.
A.N. : Cela dépend du type de harcèlement, de la durée du harcèlement, de comment cela a été géré au sein de l’établissement scolaire, de comment votre enfant réagit quand il doit retourner dans l’établissement…
Ce sont beaucoup de paramètres qui peuvent vous faire prendre la décision, avec le consentement de l’enfant, de le changer d’école. Quelquefois, on peut se précipiter en tant qu’adulte et se dire “il faut l’extraire de ce problème”. Sauf qu’on peut s’apercevoir que si l’on a pas accompagné et soutenu l’enfant de la meilleure des façons, cela peut se reproduire dans un autre établissement scolaire.
Il faut que l’enfant donne clairement sa décision et ce que lui souhaite. Tout ce qui va être géré au sein de l’établissement scolaire est très important. On a quand même tendance à mettre en avance l’enfant harcelé, mais on oublie que l’enfant harceleur a aussi la plupart du temps des souffrances et qu’il n’est pas harceleur “pour rien”. Le but c’est d’accompagner ces deux enfants dans une dynamique positive pour qu’ils puissent tous les deux sortir de cette situation.
A.N. : Elles sont multiples et très intenses. Il n’y a pas forcément de symptômes types. C’est vraiment très individuel selon le vécu de l’enfant, la durée et le type de harcèlement, selon le nombre d’enfants harceleurs aussi. Ce qui ressort assez nettement, ça peut être un trouble dépressif, un trouble anxieux et un élargissement des troubles relationnels. Un enfant harcelé est souvent un enfant qui va avoir peur d’entrer en relation, qui va se replier. Il y a aussi très souvent des conséquences sur les apprentissages scolaires dans leur ensemble, c’est-à-dire que l’enfant perd l’envie et perd cette posture d’élève épanoui et heureux à l’école. Finalement vous avez cet élan de tristesse qui va dominer aussi en dehors de l’école, et se prolonger dans sa vie au quotidien.
Les points de repère importants sont les changements d’humeur, la tristesse, la perte de motivation et la perte de centres d’intérêts chez l’enfant. Le harcèlement lui fait perdre en estime de lui-même, en élan de vie, c’est comme si l’enfant s’éteignait dans ses capacités de développement, qu’il allait se figer, puisqu’on le rabaisse constamment. Il perd cette joie de vivre et ça c’est vraiment un élément central, une des conséquences les plus importantes dans le harcèlement scolaire. On note quelques fois également des troubles du comportement, c’est-à-dire des mises en danger plus ou moins conscientes, pour dire qu’il ne va pas bien. Il peut devenir lui aussi violent dans ses paroles et dans ses gestes pour se défendre et montrer qu’il ne va pas bien.
Il peut y avoir des incidences tout au long de la vie. Il y a beaucoup d’adultes qui, quand on retrace la question de l’enfance ou de l’adolescence, peuvent exprimer les conséquences que le harcèlement scolaire a pu avoir sur leur personnalité et sur leur façon d’interagir avec les autres, sur leur confiance en eux… La plupart du temps c’est parce qu’ils n’ont pas été accompagnés et soutenus par des adultes de référence ou par un psychologue. Finalement, ils ont un peu banalisé leur histoire.
C’est moins le cas actuellement parce qu’on a quand même pris conscience que le harcèlement scolaire existait. Il y a des experts de l’enfance et de l’adolescence qui se sont formés spécifiquement à cette question. Les enfants d’aujourd’hui qui vivent malheureusement du harcèlement seront peut-être des adultes plus épanouis, par rapport à ceux qui ont vécu quelques années en arrière des situations de harcèlement. Il y a une libération de la parole qui fait qu’on met en place des formes de soutien et d’accompagnement, ce qui diminue l’impact sur le futur pour les enfants d’aujourd’hui.
Si vous ou une personne de votre entourage êtes dans cette situation, vous pouvez composer le 3020, un numéro d’appel gratuit mis à disposition par l’Ecole des parents et des éducateurs d’Île-de-France. Le 3018 est également un numéro vert national de prise en charge des victimes de cyberharcèlement à l’école, 100% anonyme, gratuit et confidentiel.
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