INTERVIEW – Françoise Coste, historienne, spécialiste des Etats-Unis décrypte la stratégie menée par le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, potentiel candidat à la primaire républicaine de 2024.
Le gouverneur de Floride Ron DeSantis est candidat à sa réélection lors des élections américaines de mi-mandat, qui se dérouleront le 8 novembre. Le républicain de 44 ans, perçu comme un « mini Donald Trump », apparaît comme un candidat potentiel à la primaire républicaine de 2024. L’homme politique a mené une campagne pour les midterms « d’une manière très trumpienne », analyse Françoise Coste, historienne, spécialiste des États-Unis. Populisme, immigration, guerres culturelles… Le gouverneur qui s’appuie sur les mêmes thèmes que Donald Trump a pour ambition de devenir « une figure nationale ».
Comment Ron DeSantis utilise-t-il les midterms pour 2024 ?
Ron DeSantis fait parler de lui depuis un petit moment comme potentiel candidat à la primaire républicaine de 2024. Mais la première étape est de se faire réélire pour le poste de gouverneur en Floride. Dans l’immédiat, sa première échéance est donc de prouver qu’il peut se faire facilement réélire. De plus, la Floride est un État clé de la présidentielle et très important dans le collège électoral. Cette première étape, il devrait la réussir. Après les midterms, c’est vraiment le moment où les primaires se lancent car traditionnellement les candidats annoncent leur candidature un an avant. D’abord, pour occuper l’espace médiatique et ensuite pour lancer la campagne et lever des fonds. Si Ron DeSantis doit être candidat, ce sera très vite après les midterms, dans les semaines qui suivent. Tout est en train de se mettre en place en ce moment pour quelqu’un comme lui. Mais la question qui se pose est la suivante : est-ce qu’il ira si Donald Trump est candidat aussi ? Ou va-t-il attendre que Trump annonce sa décision pour annoncer la sienne ?
Quel est le profil de Ron DeSantis ?
Il est gouverneur d’un État clé. Il est jeune, il a seulement 44 ans et c’est un immense contraste avec Trump. De plus, il a une belle carrière militaire. C’est un peu un profil rêvé. Il a des atouts pour lui. Il est très attendu car il peut représenter une nouvelle génération de leader républicain. Au niveau professionnel, personnel, politique… Il coche plusieurs cases. Mais même s’il est attendu, Donald Trump l’est encore plus. Même s’il a des financiers, ça ne pèsera rien par rapport au géant Trump s’il se déclare.
C’est un mini Donald Trump, c’est son modèle et il ne s’en cache pas
Comment a-t-il mené sa campagne pour les midterms ?
D’une manière très trumpienne. C’est un mini Donald Trump, c’est son modèle et il ne s’en cache pas. Il appuie sur les mêmes thèmes que Trump, qui sont essentiellement des thèmes de guerres culturelles, plus que d’économie par exemple. Son bilan de gouverneur pendant la période du Covid-19 est d’avoir été, comme Trump, contre le confinement, les masques et la vaccination obligatoire. Il se targue qu’en Floride, les écoles n’ont quasiment pas fermé. Il a été contre le consensus scientifique et il n’a pas écouté les experts. C’est une dérive populiste à la Trump, dont il est fier et dont il se revendique. Il est aussi très actif sur la question de l’immigration. Il a financé un vol pour envoyer des migrants vénézuéliens sur l’île de Martha’s Vineyard, dans l’État démocrate du Massachusetts, pour dire “les démocrates aiment les immigrés ils ont qu’à les gérer”. Le fait que ça fasse un scandale médiatique, cela lui permet d’occuper le terrain sur la question de l’immigration, comme Trump. Enfin, à la suite de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême en juin dernier, la Floride est l’un des États qui a le plus restreint le droit à l’avortement. Là aussi, c’est une question de guerre culturelle. Le populisme, l’immigration, l’avortement… Ce sont des thèmes sur lesquels il fait campagne actuellement mais qui seront également ses thèmes pour la campagne présidentielle s’il est candidat.
Ron DeSantis réutilise les codes de Donald Trump mais n’a-t-il pas intérêt à s’en détacher pour la suite ?
Je pense qu’il veut distinguer le fond et la forme. Sur le fond, il utilise des thèmes similaires, mais il est présent sur la forme de manière plus sérieuse. Il est avocat de formation, il est allé à Harvard, il présente mieux. Cela peut l’aider à crédibiliser une campagne.
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A-t-il les moyens de devenir une figure nationale ?
Il en a l’ambition, il fait tout pour. Les gouverneurs peuvent ne pas être connus au-delà de leur État, ce sont des élus locaux. Or, Ron DeSantis est l’un des rares gouverneurs qui arrive à être présent dans le débat national. Il arrive à capter les médias nationaux.
Selon une récente enquête d’opinion menée par le New York Times et le Siena College, DeSantis est le deuxième choix présidentiel parmi les électeurs républicains – derrière Trump – en 2024. Pourrait-il réellement faire de l’ombre à Donald Trump ?
Si quelqu’un peut faire de l’ombre à Donald Trump, c’est Ron DeSantis. Mike Pence, Mike Pompeo, Ted Cruz… Nous avons beaucoup de mal à les imaginer comme des adversaires crédibles par rapport à Trump. Mike Pompeo est un ancien ministre de Trump, Mike Pence est son ancien vice-président, ils sont donc par définition dans son ombre. Ted Cruz a, lui, déjà été candidat contre Trump à la primaire en 2016, il a perdu. Il a déjà prouvé qu’il ne peut pas gagner contre Trump. Ron DeSantis est, lui, plus indépendant par rapport à Donald Trump. Il n’a pas les mêmes casseroles ou handicaps que les autres. Il semble donc plus compétitif.
Donald Trump a annoncé se rendre à Miami à deux jours du scrutin dans un meeting en soutien à Marc Rubio, sans Ron DeSantis. Une guerre froide est-elle en train de s’instaurer entre Trump et DeSantis ?
Donald Trump a conscience que Ron DeSantis présente mieux. Il n’aime pas qu’on lui vole la lumière et il n’aime pas les rivaux. Personnellement, cela doit le démanger de détruire DeSantis.
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