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Mgr Pierre d'Ornellas : « Je rêve que le pape invite le Président dans une unité de soins palliatifs » – La Vie

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Mgr d’Ornellas, lors d'une conférence sur la bioéthique au Collège des Bernardins à Paris, en septembre 2019. François Guillot/AFP • FRANÇOIS GUILLOT/AFP
En pèlerinage à Rome avec une délégation diocésaine du 17 au 22 octobre, l’archevêque de Rennes, Pierre d’Ornellas, responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France (CEF), a adressé quelques mots au pape François à la fin de l’audience générale du 19 octobre, à propos de la convention citoyenne et du débat sur la fin de vie en France. Il revient sur cette brève rencontre et alerte sur les enjeux et les risques d’un changement de législation.
C’était une rencontre à la fin de l’audience générale, où des dizaines de personnes se succèdent pour le saluer, donc le temps de parole est très bref. J’ai simplement pu lui dire une phrase : « Très Saint-Père, en France nous débattons sur la fin de vie, il faut que nous respections la vie de tout être humain. Il a fait un signe d’acquiescement avec la tête et un mouvement d’encouragement de la main. Il m’a semblé qu’il était informé de ce qui se passait.
[Et effectivement, devant un groupe d’élus du Nord de la France, le pape a fait une allusion claire au débat, vendredi 21 octobre, plaidant pour les soins palliatifs et mettant en garde contre une loi légalisant l’euthanasie, ndlr]
Je rêverais que le pape François et le président Emmanuel Macron prennent le temps d’échanger sur ce sujet. Je rêve que le pape invite le Président à faire un séjour dans une unité de soins palliatifs, afin qu’il écoute longuement l’équipe soignante, et qu’il tienne la main de personnes en fin de vie. Qu’il découvre les richesses de cette humanité, qui est beaucoup plus qu’une start-up, mais un trésor de sagesse. Ces équipes de soignants ne font pas de grandes théories mais, dans la pratique, elles font preuve d’une sagesse extraordinaire, même si elles expriment aussi leur vulnérabilité.
Il n’est pas facile d’accompagner quelqu’un pendant plusieurs jours jusqu’à la mort. L’équipe soignante ne tait pas ses propres émotions, elle les accueille, les assume et essaye de les comprendre, avec celles du patient et des familles. On y trouve une qualité d’humanité où le moindre détail est important. C’est toujours un accompagnement pour un projet de vie, même si ce projet est court, modeste. Un grand principe du soin est : « Je ne t’abandonnerai jamais. » J’ai dit cela un jour à une personne âgée, qui m’a pris la main et m’a interrogé, le regard intense : « Est-ce bien vrai ? » J’ai alors fait venir une aide-soignante qui lui a répété la même chose. Cette femme s’est alors apaisée, détendue, dans une confiance incroyable, comme si enfin elle savait pourquoi elle pouvait faire confiance. Il ne s’agit pas d’une rencontre entre un sachant et une faiblesse, mais entre deux personnes qui communient à l’intérieur d’une vulnérabilité, dans la beauté d’une relation humaine pleine de bonté et de sens.
Avec les soins palliatifs, on touche à la beauté de l’humanité. Le Gouvernement va-t-il soutenir cette beauté du soin qui accompagne jusqu’au bout ? Je l’espère et j’espère que le pape François, si sensible à la culture de la rencontre, trouvera les mots pour le signifier au Président Macron. 
J’ai rencontré madame Agnès Firmin Le Bodo, la ministre chargée des professions de santé, et je lui ai dit que ce débat devait être exemplaire du point de vue démocratique, d’autant plus que la démocratie ne se porte pas très bien en France. Or, pour que ce débat soit vraiment démocratique, il faut que les personnes qui en sont chargées tiennent compte de tous les aspects du problème, et qu’il ne s’agisse pas que de personnes ou d’institutions (le Conseil économique, social et environnemental, ou Cese) qui ont toutes déjà fait savoir qu’elles étaient favorables à l’euthanasie. Car cela suscite un soupçon bien légitime.
J’espère que tout n’est pas joué d’avance. Mon souhait est que l’on puisse non seulement écouter les arguments et les raisonnements, mais aussi les entendre. J’ai parlé du « dialogue » avec la ministre, qui est plus que la discussion, car il consiste à s’écouter les uns les autres non pas en prétendant posséder la vérité mais en avançant ensemble pour trouver ce qui est le plus juste pour le bien commun de tous, et non pas seulement pour un petit groupe.
La ministre a évoqué trois sujets. Elle a beaucoup parlé du développement des soins palliatifs, le premier sujet, et aussi de la crise du Covid-19, le troisième sujet, afin que soit remédié aux situations des personnes qui sont mortes seules, sans accompagnement. Mais une chose m’a étonné. Elle est restée silencieuse sur le deuxième, qui était la question de la liberté individuelle des personnes réclamant l’euthanasie. Comme s’il y avait un non-dit, un malaise. J’en tire la conclusion qu’il faut oser parler particulièrement de ce sujet en considérant l’éthique de façon approfondie, et pas seulement le pragmatisme émotionnel dû à des cas personnels ou particuliers. 
Oui, c’est vrai. Ils jouent sur l’émotion collective, ce qu’a dénoncé Robert Badinter. Moi aussi, je connais des cas particuliers, ceux qu’évoquent des soignants de soins palliatifs qui citent des exemples de personnes arrivées avec le désir de mourir et qui, en étant accompagnées, écoutées sur les motifs qui expliquaient ce désir de mourir, se sont apaisées en recevant l’assurance d’une fin de vie paisible, et ont souhaité vivre pleinement la vie qu’il leur restait. On pourrait aussi écouter ces situations particulières ! J’ajoute un point : parmi les exemples souvent cités pour justifier l’euthanasie, beaucoup concernent des personnes qui, comme Chantal Sébire (atteinte d’une tumeur incurable et opposée au suicide, celle-ci avait demandé à l’État à être euthanasiée en 2008, ndlr.), ont refusé les soins palliatifs.
La loi du 4 mars 2002 précise que c’est le patient qui décide « avec » les professionnels de santé des soins dont il doit bénéficier. Cela a marqué un tournant, au sens où un équilibre a été trouvé dans la relation entre le médecin et le patient. Par ce « avec », il y a comme une « alliance thérapeutique », selon la belle formule de Paul Ricoeur. Et puis, il y a la pratique de la collégialité. Le médecin n’est plus isolé, il prend des décisions avec d’autres, non pas pour appliquer formellement la procédure règlementaire, mais pour discerner ensemble ce qui est le mieux pour le patient et son bien-être. C’est la belle responsabilité du corps des soignants.
J’ai assisté à des réunions d’équipe, avec le médecin, le cadre-infirmier, des infirmiers, des aides-soignants, mais aussi parfois un aumônier, l’art thérapeute, le coiffeur, etc. Et ensemble, ce corps de soignants cherchait à décrypter les symptômes pour trouver ce qu’il y a de mieux pour la personne afin de l’accompagner au mieux. Ce discernement collégial est admirable ! Il me semble que c’est à l’honneur de ce corps intermédiaire des soignants d’exercer la médecine avec le patient pour qu’il soit plus apaisé, sans omettre la possibilité de la sédation, qui est un acte de soin. Elle peut être intermittente et réversible, et, plus rarement, continue et profonde jusqu’au décès.
La médecine a aussi la mission d’accompagner la famille, d’expliquer et d’aider. Cette philosophie du soin est précieuse dans notre société et il serait beau que le débat considère tout cela et encourage, oblige le gouvernement à aller vers cette médecine de qualité, collégiale, en collaboration avec le patient. D’ailleurs, une recommandation du Conseil de l’Europe dit que les soins palliatifs sont « essentiels à la médecine ».
Cela corromprait le soin tel que je viens de l’esquisser. En effet, un des grands dangers est de se baser sur une idée erronée de l’autonomie, considérée comme absolue, ce qui aboutirait à un médecin qui serait comme une sorte de prestataire de service, certes savant, mais un exécutant face à la liberté individuelle. On sortirait du « avec » de la loi de 2002. On quitterait la philosophie précédemment évoquée, où un corps intermédiaire exerce sa responsabilité de façon collégiale, pour entrer dans une déresponsabilisation face à la liberté d’un individu laissé seul en raison de son autonomie considérée comme intangible.
Cette philosophie est erronée car l’être humain est un être de relation. Dès que nous existons, nous sommes posés dans une relation. Le besoin de relation n’est pas une faiblesse ni une atteinte à notre autonomie, mais, au contraire, cela assure la qualité même de notre autonomie, vécue dans l’interdépendance les uns vis-à-vis des autres, où nous nous respectons mutuellement pour pouvoir nous écouter en vérité dans l’expression de nos libertés. En somme, je peux d’autant plus exercer ma liberté que je me sais soutenu par d’autres. Celui qui est faible et qui se remet entre les mains de l’équipe soignante ne manque pas d’autonomie, mais il a librement décidé que l’interdépendance était un bien pour lui. Il assume le fait d’avoir besoin des autres, et donc sa finitude, le fait d’être mortel. Assumer cette réalité-là de son être, c’est la condition de la vraie liberté. Si je veux tout contrôler, tout maîtriser, je n’assume pas la réalité de mon être mortel et en lien avec les autres. Je suis dans un fantasme. On ne fait pas une loi sur des fantasmes !
Les sondages ! On leur fait dire ce que l’on veut. Tout le monde est généreux et tolérant, et personne n’aime la souffrance. Dès que l’on demande aux gens s’il faut arrêter la souffrance, ils sont d’accord, et c’est juste. L’Église, dès Pie XII, et en 1980 dans une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a précisé qu’il fallait arrêter l’acharnement thérapeutique et éviter la souffrance grâce aux analgésiques. C’est une évidence. Mais si l’on dit aux gens que la seule manière de supprimer la souffrance, c’est de supprimer celui qui souffre, les sondages abondent dans ce sens. Par contre, si on leur dit que l’on a la capacité d’apaiser les souffrances en accompagnant, en entourant, par les soins palliatifs, tout le monde sera favorable aux soins palliatifs. Quelle question pose-t-on aux gens dans ces sondages ?
Je crains également que l’argument financier ne pèse beaucoup, ce qui est malhonnête, voire scandaleux. Pourquoi ne développe-t-on pas les soins palliatifs afin que tout département ait au minimum une unité, et que tous les Éhpads soient reliés à une infirmiere ou un infirmier diplômé en soins palliatifs ? À partir de là, on pourra parler du bien mourir en France, en accord avec la loi du 9 juin 1999 qui stipule que tout Français a droit aux soins palliatifs, y compris des personnes souffrant de maladies chroniques dont le pronostic vital n’est pas engagé. C’est la directive du rapport Sicard de 2012, qui précise que le soin palliatif doit commencer dès que le soin curatif commence. C’est là que se situe la faille dans l’Avis 139 du CCNE, qui considère que pour le « court-terme », le soin palliatif convient, mais pour le « moyen-terme », il faudrait l’euthanasie et le suicide assisté. C’est aberrant !
« Tu ne tueras pas » précède la loi religieuse. C’est une loi inscrite dans la conscience humaine. Vous en avez un exemple moderne avec Robert Badinter. Il s’est opposé à la peine de mort, alors que la majorité des Français y était favorable, et il n’a cessé de dire son opposition à l’euthanasie. Paul Ricoeur a pris le temps de réfléchir pour finalement discerner que d’un point de vue éthique, on ne peut pas pratiquer l’euthanasie. Il a compris la voie éthique digne de la raison : « rester vivant jusqu’à la mort », non pas en survivant malgré tout, mais avec un projet de vie, aussi bref soit-il, grâce à la relation.
On ne peut pas obliger son semblable à pratiquer un acte de mort sur soi. Une institution humaine ne peut pas organiser la prescription de la mort sur des vivants. C’est une affaire de raison. Le philosophe Emmanuel Levinas a préfacé le livre de Renée Sebag-Lanoë sur les soins palliatifs. Le « visage » de l’autre, par son altérité et sa transcendance, exprime le « tu ne tueras point » avant toute loi religieuse. Au cours des siècles, on a fait un progrès considérable pour en arriver à considérer que toute personne humaine avait une dignité inaliénable, mais si l’euthanasie ou le suicide assisté est voté, ce sera une régression. Pire, un échec de notre société. Car cela signifiera qu’on n’arrive pas à accompagner nos frères et sœurs fragiles. Tous, chacun à notre niveau, même au plus haut niveau de l’État, nous devons mettre en lumière un projet de société fondé sur la fraternité.
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