Thérapeute
TRIBUNE – « Une relation mère-enfant toxique coupe d’un pouvoir d’action et de décision qui empêche l’épanouissement personnel et professionnel » explique la thérapeute.
PARENTS ET ENFANTS – Une mère toxique : qu’est-ce que c’est ? Est-ce la même influence sur le développement d’une fille ou d’un garçon ? Est-il nécessaire de poser des limites ou bien indispensable de couper définitivement le lien ?
Une mère toxique est dans un scénario narcissique au contact de son enfant. Son besoin extrême de fusion avec lui (fille ou garçon), indique une tentative de réparation de sa propre enfance. En adoptant un mécanisme de compensation, elle se venge inconsciemment de ce qu’elle a ressenti étant petite fille, notamment dans la relation à sa mère : « Elle me disait tout le temps que j’étais nulle », témoigne Cathy. L’enfant est maintenu dans une fusion paralysante, qu’il subit : « J’ai très tôt dû incarner le rôle de parent pour la protéger, la consoler », avoue Marie. « Se fusionner à leur fille, se fondre, se couler en elle les transportera au paradis du narcissisme »1.
Un enfant qui arrive au monde n’a pourtant rien demandé : il subit essentiellement ce que ses parents lui proposent : « Le plus douloureux, je trouve c’était son obsession envers moi », dit Noémie.
La privation qu’elle impose à son enfant ne dit rien de sa volonté : un enfant a besoin d’être aimé pour ce qu’il est. « Ma mère me critiquait ouvertement sur mon apparence physique, ma peau, mes cheveux, ma taille 36 devant mes amis et mon copain de l’époque », affirme Caroline.
Le parent est responsable de la relation qu’il a avec son enfant. Et pourtant, dans une relation toxique, si l’enfant ressent que cela ne fonctionne pas, il en porte la responsabilité malgré lui. D’autant plus quand l’un des mécanismes les plus couramment utilisés est la culpabilisation : « Elle me faisait culpabiliser car je vivais chez elle en m’envoyant des messages comme je viens de perdre 100 euros de la CAF car tu travailles » dit Marie.
La projection amène cette mère à fantasmer ce que son enfant pourrait faire d’idéal. Si ça lui convient, c’est très bien, mais si cela ne lui convient pas, c’est pareil ! « Aujourd’hui, elle me demande encore si j’ai rencontré quelqu’un, quand vais-je être en couple, etc. ! Mais ça va mieux, j’ai réussi à prendre beaucoup de recul face à ça pour que ça ne me détruise plus », explique Noémie.
« Son amour était conditionnel. Elle n’exprimait sa fierté que lorsqu’il y avait un « public » puis une fois la porte de la maison passée, seule avec elle, je n’existais plus » nous dit Marie. Cela illustre très bien le phénomène d’objectalisation : l’enfant ressent être un objet et non pas un sujet à part entière.
La contre-identification projective utilisée par l’adulte amène l’enfant à incarner le rôle dans lequel sa mère l’enferme, qu’il ne contrôle et ne comprend pas. « Si elle ne censurait pas son imagination, elle irait peut-être jusqu’à désirer une fille qui soit exactement ce qu’elle désire être elle-même. »1
« Elle insistait, toujours, en me rabaissant avec plaisir. Je me suis rendu compte plus tard qu’elle disait du mal de moi dans mon dos », évoque Caroline. Nous comprenons ici que les humiliations répétées suivent une femme en devenir durant de nombreuses années. Il est possible alors d’être dans une hypervigilance permanente.
Parfois, en vampirisant son enfant, une mère fantasme de vivre à travers lui. « Elle contrôlait mon poids, mon physique, ma façon de m’habiller ! Elle voulait me faire faire de la chirurgie esthétique pour que je perde du poids. ». « À des repas de famille, elle minimisait totalement mon mal-être, et se positionnait en victime, comme si c’était moi la bête noire » raconte Noémie. Ici, le mécanisme de victimisation utilisé est flagrant. En attirant l’attention sur elle, l’identité de l’enfant est annulée.
« Quand j’étais en couple avec mon premier petit copain ma mère était jalouse et me disait que c’est parce qu’ils avaient plus d’argent que je passais plus de temps dans sa famille », Caroline révèle ici le mensonge.
Nous avons clairement observé que l’enfant, pris dans une relation enfermante et d’emprise à sa mère, ne peut évoluer de manière indépendante. Entre violences psychologiques (et parfois physiques), menaces et chantage affectif, il a un besoin fondamental de connaître ses droits et de retrouver une place juste en posant ses limites. Il n’est pas forcément nécessaire de couper définitivement les ponts sauf si cela devient indispensable pour sa survie (notamment psychique). Voici quelques conseils qui peuvent vous aider si vous êtes dans ce cas :
Si ces deux premières étapes n’amènent pas de remise en question de sa part, il est probablement nécessaire de couper les ponts temporairement tout en entreprenant un travail introspectif de soutien et de compréhension.
Couper les ponts définitivement est la dernière option envisageable, lorsque vous pouvez vous sentir en détresse émotionnelle ou bien en danger de mort psychique.
La manipulation entraîne des microtraumatismes réels qui ont pour impact de laisser des traces importantes. Une relation mère-enfant toxique coupe d’un pouvoir d’action et de décision qui empêche l’épanouissement personnel et professionnel. Pour reprendre sa place, il est nécessaire d’apprendre à se découvrir et se respecter pour faire asseoir ses droits d’intégrité. C’est en renouant avec le ressenti, au niveau des affects, que certaines femmes ont trouvé les moyens de la rupture et du renoncement à la fusion qu’elles n’avaient pas réussi à opérer jusque-là.
1 « Fusion mère-fille : s’en sortir ou y laisser sa peau » Hainaut, Doris-Louise Contributor
Extraits de témoignages de Caroline, Marie, Noémie, Cathy.
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