Coup dur pour les personnes en situation de handicap : l’accessibilité totale des sites web publics, initialement fixée à décembre 2023, est différée à… 2027. Pas de quoi décourager Maxime Viry. Né avec une amyotrophie spinale, maladie neuromusculaire qui lui ôte toute force des membres supérieurs et inférieurs, cet entrepreneur a cofondé Be Player One, start-up spécialisée dans l’inclusion numérique.
L’entrepreneur de 38 ans accompagne les organisations « pour rendre leur patrimoine numérique compatible avec toutes les typologies de handicap : auditif, moteur, cognitif, etc. » Et il y a de quoi faire ! « A ce jour, 97 % des plateformes d’e-commerce affichent des éléments bloquants pour les personnes en situation de handicap », relève celui qui a pour clients des entreprises de la distribution, de la bancassurance, du luxe, des médias… Mais aussi des acteurs publics tels l’université Paris-Dauphine ou les services du Premier ministre (pour l’accessibilité du site drogues.gouv.fr)
Outre ces activités de conseil et d’aide à la conformité, réunies sous la bannière Access First, Be Player One développe aussi des solutions pour l’industrie des jeux vidéo, avec Accessible Gaming First (AGF1rst). Rien que de très normal : Maxime Viry est « fièrement geek et passionné de gaming ». Il a passé « des milliers d’heures devant Final Fantasy VII et World of Warcraft… quitte à appuyer sur les boutons avec mes joues ».
Car, même s’il domine le divertissement avec plus de 300 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde, le secteur des jeux vidéo manque d’inclusion. Microsoft a évalué à 400 millions le nombre de joueurs handicapés. « A mon avis, c’est le double, car cela ne prend pas en compte ceux qui ignorent qu’ils pourraient jouer », dit celui qui propose un catalogue de 300 références de matériels de type manettes et joysticks « adaptés aux besoins des personnes avec un handicap moteur ».
Maxime Viry, fils d’un maçon et d’une restauratrice, originaire des Vosges, a été en fauteuil « dès qu’il m’a été possible de m’en servir ». Il évoque « le parcours du combattant » de sa mère pour le maintenir dans le cursus scolaire classique. Après un DUT en informatique, il quitte le cocon familial afin d’étudier l’histoire, la sociologie et la psychologie à l’université de Nancy. « Pour le plaisir, pour me chercher et pour apprendre l’autonomie : cela n’a l’air de rien, mais c’est un vrai sujet pour moi », glisse-t-il.
Suivent deux années pour décrocher son premier emploi. « Sans ménager mes efforts », dit-il. Ce sera au sein de l’agence Biznetaucoeur. Puis il devient webdesigner freelance, avant de passer le cap de l’entrepreneuriat, en 2011, avec QualIT Cloud qui ne survit pas à l’apparition des spécialistes tels OVH, Amazon web services ou Microsoft Azure. Il s’épuise pourtant à la tâche, « en y laissant des plumes ».
La petite voix de l’entrepreneuriat ne le quitte pas : il pense un temps au tourisme adapté au handicap. Mais « par frustration de ne pas pouvoir jouer à Mario Kart avec mes enfants », naît l’idée de Be Player One. Cofondée en 2020 avec Olivier Norry, Franck Leroy et son épouse Sandrine Viry, la start-up a réalisé 350.000 euros de chiffre d’affaires en 2022 et emploie 25 collaborateurs. « S’il était valide, Maxime serait un coureur de fond, donc il met dans l’entrepreneuriat l’énergie que son corps ne peut exprimer », résume son ami Frédéric Schnur, fondateur du cabinet de conseil Add Valoris.
Pour preuve, Maxime Viry affiche une liste de projets interminable. A savoir : poursuivre les missions aux côtés des studios de création et des éditeurs de jeux ; doubler ses effectifs cette année ; et déployer une offre d’accompagnement pour les professionnels du handicap, ergothérapeutes, orthophonistes et autres psychomotriciens. Sans oublier le lancement d’une marketplace mondiale consacrée aux « handigamers ». D’où la préparation d’une levée de 4 millions d’euros qu’il espère finaliser d’ici le printemps prochain.
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