Un gâteau d'anniversaire (photo d'illustration) – Will Clayton-AFP
“J’ai eu l’impression que cette fête, c’était plus pour les parents qui voulaient se faire mousser.” Depuis plusieurs années, Noémie* anime des goûters d’anniversaires d’enfants en région parisienne. Avec une cinquantaine d’événements à son actif, elle constate une certaine “compétition” entre parents: à qui organisera la fête la plus somptueuse?
Au karting, au laser game, au musée, au zoo ou au cirque, à domicile avec spectacle de marionnettes, de clown ou de magie: depuis les premiers goûters d’anniversaire chez McDonald’s, les offres se sont multipliées. Et diversifiées, avec des thématiques sur-mesure allant de Batman à Pat’Patrouille, en passant par Star Wars, Koh Lanta ou encore Harry Potter.
Fabienne, mère de trois enfants de 11, 9 et 6 ans, a souvent organisé elle-même, à la maison, les anniversaires de ses enfants notamment lorsqu’ils étaient petits. Mais il lui est aussi arrivé de faire appel à un magicien, de passer l’après-midi à l’accrobranche ou dans un cirque.
Aujourd’hui, des birthday planners proposent même des formules clé en main, comprenant – en plus de l’animation – les cartons d’invitation, la décoration, les confettis, les bonbons, les boissons, la vaisselle ou encore les pochettes surprises avec lesquelles repartent les petits invités. Mais aussi le gâteau, souvent décoré à grand renfort de pâte à sucre.
Car c’est bien-là la pièce maîtresse de l’anniversaire. Des pâtisseries se sont ainsi spécialisées, proposant des gâteaux exceptionnels en forme de camion de pompier, de terrain de foot, de licorne ou de carte au trésor. Certains peuvent ainsi coûter plus de 100 ou 200 euros. Et frôlent la démesure.
L’animatrice évoque encore une précédente fête sur le thème de La Reine des neiges. “La mère avait fait faire une décoration de ouf avec une cascade de ballons pour le photocall. On se serait cru dans un igloo.” Avec pour finir un gâteau sur trois étages.
Toute cela a un coût: en moyenne entre 200 et 300 euros pour la formule de base à domicile avec un animateur Sans compter les options: chasse au trésor, pêche à la ligne, pinata, spectacle de marionnettes, barbes à papa ou atelier créatif en supplément.
L’addition peut même grimper encore un peu plus: pour la location d’un bus discothèque ou l’animation défilé de mode, avec robes de soirées, photographe et maquilleuse/coiffeuse, compter 1000 euros.
“Les mères, car ce sont plus souvent elles qui me contactent, veulent quelque chose de privilégié pour leur enfant”, explique à BFMTV.com Philippe Relier, l’un des pionniers du marché.
Créée il y a près de trente ans, son agence À la ribambelle organise des anniversaires en région parisienne, mais aussi à La Rochelle et Toulouse, et propose 43 formules différentes – far-west, pharaon, pirate, sorcière, chevalier, kermesse, mousquetaire, Violetta, casino ou encore énigme policère – avec maquillage, tours de magie et sculpture sur ballon.
“Quand on a démarré, faire appel à un professionnel pour animer un goûter d’anniversaire, c’était quelque chose de marginal, nous étions très peu nombreux”, explique-t-il à BFMTV.com. Mais depuis, il assure que le nombre de sociétés a “explosé” et que la pratique s’est démocratisée. “C’est entré dans les mœurs.”
À tel point que les familles qui font appel à ce type d’animations ne sont plus seulement les plus favorisées. Ce dont peut témoigner Noémie, qui intervient parfois dans des appartements relativement modestes – comme ce trois pièces de 50m2 – ou chez des parents enseignants.
Le point commun de ces familles: elles se sentent dépassées par l’événement. “Certains parents me disent: ‘mais comment vous faites?'” raconte Noémie. “Ils se sentent incapables d’organiser l’anniversaire de leur enfant.” Et préfèrent déléguer, autant pour s’assurer la réussite de la fête que de se simplifier la tâche face à une dizaine d’enfants surexcités.
Mais Noémie observe aussi une “pression” à faire toujours plus. Philippe Relier remarque lui que les goûters de septembre ne sont pas les mêmes que ceux des mois de mai ou juin. “Les mères ne sont pas dans le même état d’esprit en fin d’année”, affirme-t-il. “Il y a une pression supplémentaire: elles tiennent à ce que ce soit au moins aussi bien, voire mieux que ceux auxquels leur enfant est allé durant l’année.”
Une tendance à se comparer, voire de la rivalité entre les familles? C’est ce que décèle Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne et auteure de Burn out parental: comment sortir de l’épuisement? En consultation, certains parents lui font ainsi part d’une forme de pression sociale à la surenchère.
“Cette pression ne s’exerce pas que sur l’organisation de l’anniversaire mais à tout le quotidien”, constate-t-elle pour BFMTV.com. “Des activités artistiques ou sportives aux vacances et jusqu’aux cours de langue dès l’âge de 2 ans.”
Des injonctions qui seraient en partie liées aux nouvelles manières d’envisager la parentalité, en particulier autour des questions de parentalité bienveillante, estime Aline Nativel Id Hammou. “Les parents se demandent comment être de bons parents”, analyse cette psychologue, également auteure de La Charge mentale des enfants.
“Ces mères souhaitent offrir ce qu’elles même n’ont jamais eues et auraient rêvé d’avoir”, ajoute Philippe Relier.
Aline Nativel Id Hammou pointe également la mise en scène d’une certaine parentalité idéale, notamment sur les réseaux sociaux, qui alimenterait la compétition au meilleur parent et la démesure des goûters d’anniversaire. “Sans compter que pour les parents, il y a quelque chose de gratifiant à afficher ce que l’on met en place pour son enfant.”
Un point de vue que partage Abdu Gnaba, docteur en anthropologie sociale. “L’enjeu, c’est aussi de signifier aux autres qu’on s’occupe de son enfant, qu’on est un bon chef de tribu”, considère-t-il pour BFMTV.com. “Ce qui permet ensuite à l’enfant d’affirmer et de valoriser sa place sociale.”
Au risque de faire disparaître le rite de l’anniversaire au profit du divertissement. “L’enfant vit dans une société du spectacle où le bonheur doit passer par quelque chose de spectaculaire, avec un spectaculaire qui doit être vécu comme une expérience”, poursuit le directeur de l’agence Sociolab de l’Institut d’ethnologie de la faculté des sciences sociales de l’Université de Strasbourg,
*Le prénom a été modifié, à la demande de l’intéressé.
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