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LUZ et Vernon Subutex. L'essence de l'art : le dessin – Chroniques d'architecture

Chroniques d‘architecture
Actualité de l‘architecture

Auteur de l’adaptation* remarquée du roman de Virgine Despentes, Vernon Subutex, l’artiste de bandes dessinées, LUZ, nous éclaire sur sa façon de créer. Comment l’articulation entre traits et cases joue sur les émotions visuelles et mentales de Vernon Subutex (disquaire déchu et SDF céleste), sur celles du groupe des personnes qui l’entourent et de la lectrice ou du lecteur qui tourne les pages dessinées ? Entretien en deux temps. Partie 1 : L’essence de l’art : le dessin.
Chroniques d’architecture – Dans un premier temps, pourrions-nous parler de tes références artistiques ?
LUZ – Aaaaaaaaaaaah, Aaaaaaaaaaaah, c’est tellement compliqué, c’est tellement vaste, c’est tellement vaste. C’est tellement vaste ! Quand j’étais adolescent, Gotlib EST la référence.
Gotlib parce qu’il parle, il parle beaucoup du dessin, il dessine sur le dessin énormément, en tout cas les « Dingodossiers »**. Gotlib dessinait sur lui tout en racontant le monde. Il était postmoderne déjà.
Après c’est simple. Mes références, je les ai eues devant moi, je travaillais avec elles. Je suis arrivé tellement jeune dans le métier du dessin satirique que Willem, Gébé, Cabu – mes références ! – étaient en face de moi, lesquelles m’apportaient aussi les leurs. Evidemment Cabu m’a apporté beaucoup de Daumier***. Nous parlions souvent des dessins de Daumier pour la revue satirique La Caricature.
Mais en tant que dessinateur, je n’aime pas trop utiliser le terme caricaturiste parce que cela ne veut pas dire grand-chose. 
Artiste ?
Chez Charlie nous avons toujours eu du mal à nous définir comme des artistes. Des dessinateurs avant tout. Le crédo était de dire « nous faisons de la technique, nous ne sommes pas dans une aventure créative, nous dessinons sur du papier dégueulasse et c’est une bonne école de dessiner sur du papier dégueulasse, c’est une évidence ».
Mais il y a eu un basculement dans mon rapport avec les autres, en particulier avec Cabu qui était mon mentor. L’exposition de Francis Bacon au Centre Pompidou en 1996 m’a permis de trouver une indépendance du trait et une autre manière de voir les choses. Une salle des portraits de Bacon m’a retourné. Je suis allé voir l’exposition le dernier jour, il y avait un monde fou mais je suis resté jusqu’à la fermeture. J’ai passé quatre heures dans cette expo et j’ai été absolument bouleversé car j’y ai compris quelque chose d’essentiel : que ce n’est pas faire du ressemblant qui compte mais faire quelque chose de juste. Être artiste, dessinateur ou caricaturiste peu importe !
Quand on voit la manière dont tu représentes Vernon, tout s’explique. Souvent il y a des tourbillons qui l’entourent. La chair est omniprésente. 
Il y a aussi un truc qui m’a obsédé pendant très longtemps et qui m’obsède toujours. C’est extraordinairement lié à Francis Bacon, en ce jour d’octobre 1996, où tout d’un coup je voyais quelqu’un qui dessinait une vie dans un visage.
Et pour dire à quel point ce fut une révélation, je suis devenu très obsédé par l’idée de dessiner le grain de vie dans les visages. Ce qui se voit de plus en plus dans mon travail il me semble. Il y a beaucoup de scènes qui se passent à l’intérieur des visages qui donnent presque un grain de peau ou un grain de papier. C’est-à-dire là, maintenant, je peux construire un monde, juste avec ton visage, par exemple.
D’une certaine manière, c’est comme le grain du Canson, en tout cas, c’est intime, c’est un grain qui évolue avec le temps et qui est génial à adapter pour un roman choral comme Vernon. J’ai plein de personnages, et je peux jouer avec leurs voix, leurs attitudes, leur corps, etc. Je l’ai appris avec Francis Bacon.
Quand j’étais petit, très longtemps, j’avais l’obsession de dessiner toujours de la même manière mes personnages. Car je me posais la question « est-ce que les gens vont comprendre si je ne dessine pas exactement le même personnage ? Et si je dessinais différemment un personnage d’une case à l’autre » ?
Et chez Charlie, parce qu’il y avait Cabu, parce qu’il y avait la caricature, parce que j’étais en apprentissage, la question revenait sans cesse. Du jour où j’ai découvert Bacon, j’ai rencontré mon nouveau maître à penser la liberté.
Comme dit plus haut, grâce à lui, avec lui, tu peux dessiner un personnage pas tout à fait ressemblant, ce n’est pas grave, parce que l’important, c’est de le dessiner juste. C’est ce que fait Willem. Son Chirac par exemple, c’est Chirac, mais jamais tout à fait le même. Tout doucement je me rapprochais plus de Willem que de Cabu, et en même temps, Cabu était le Mozart du dessin. Mais à un moment donné, quelque part, il faut tuer le père.
Au-delà du travail sur le trait, il y a tout cette déstructuration-restructuration de la case et de son rapport avec la gouttière (l’espace blanc entre deux cases). 
Oui, bien sûr, il y a bien fallu réinventer un processus après 2015, au moment où tout s’est effondré, je ne comprenais plus mon rapport au dessin, je devais retrouver une certaine cohérence. J’ai commencé par retirer les cases, c’est-à-dire recommencer, ne prendre que les personnages et essayer par un jeu organique entre les uns et les autres de retrouver une logique sans les cases. C’est pour cela que dans Catharsis (2015, Futuropolis) il y a très de peu de cases.
A un moment donné, avec Vernon Subutex, il était possible d’utiliser la case, le trait, la structure, la peau, la prison mentale. Il faut pouvoir montrer la prison mentale dans la case pour pouvoir s’en échapper ; il fallait l’exprimer pour l’assumer et aller au-delà.
Et puis, après janvier 2015 et avoir montré que j’étais affranchi de toute emprise d’un certain dessin, j’ai accepté l’idée d’être d’un auteur qui fait ce qu’il veut, sans limite. Avec Indélébile (2018, Futuropolis), j’ai retravaillé la narration, la narration très classique. Mais avec Vernon, non. Ce personnage raconte tellement de choses qu’il fallait tout tenter. Comment représenter l’amitié, la jouissance, la frustration ? Il fallait convoquer tout ce que je savais faire en dessin. Et ça ne suffisait pas, il fallait essayer d’aller ailleurs pour réussir à traduire par le dessin tout ce feuilleté d’émotions.
Et puis ce qui les réunit c’est le son… 
Et le son est indessinable par nature, indicible… Tant de choses sont difficiles à dessiner dans Vernon Subutex. Véritable défi, ce roman m’a donné la possibilité de dessiner le drame en tant que tel. J’ai eu l’impression de tracer une vie, de la naissance d’un groupe, d’une amitié commune, d’un défunt, d’un avenir commun jusqu’à son anéantissement. Il fallait pouvoir tout, tout, tout faire. Je pense qu’avant ce double album, j’essayais d’être un dessinateur libre, après Vernon, j’ai accepté d’en être un. 
Dans Vernon, tu alternes différentes techniques de dessin. Pourquoi changes-tu si souvent d’outils de représentation ? 
Parce que, déjà, pendant un quart de siècle, je n’utilisais que le pinceau et le feutre pour les croquis. Et du jour au lendemain, j’ai eu besoin de dessiner à la plume. Certainement parce qu’entendre la plume de quelqu’un me manquait. L’utilisation du pinceau est très sensuelle mais masturbatoire. Tu es seul avec ton pinceau et ta planche à dessiner. Tandis que lorsque tu utilises une plume sur un papier avec un peu de grain, tu n’es jamais seul car son empreinte est très sonore. La plume remplace beaucoup, beaucoup de bruits que tu peux avoir dans ta tête. Et je sais qui dessinait à la plume chez Charlie.
De plus, avec Vernon, je devais travailler sur un collectif à partir d’un personnage central.
Je dois reconnaître que changer de technique a été une étape difficile. Changer d’outil pose des questions. A qui je m’adresse ? Qui doit, peut valider ? Et là, tout d’un coup, j’étais un peu tout seul pour le faire.
Cette expérience a été le plus grand saut dans le vide que j’ai fait depuis toute ma vie, depuis mes 19 ans où j’avais décidé d’envoyer mes dessins à la Grosse Bertha****. Je peins, dessine, deviens coloriste, travaille avec l’acrylique et multiplie les techniques ce qui me fait grandir et ne pas être seul. Des pleines pages abstraites arrivent, etc. Ainsi je peux mettre un peu de moi dans et en dehors des personnages représentés.
Tout cela éclaire beaucoup de choses sur ton approche du travail d’auteur de bandes dessinées. Sinon j’ai l’impression que bon nombre de personnalités connues apparaissent dans les deux opus. Je pense à Houellebecq dans le premier volume. Pourquoi as-tu recours aux caméos ?
Les techniques sont là aussi pour assumer une espèce de diffraction graphique. Quand je pense lumière, la pochette des Pink Floyd (Dark Side of the Moon, 1973) arrive et passe dans l’entonnoir de mon dessin, et ainsi de suite.Je n’ai pas mis Houellebecq juste parce que c’est une star de la littérature française. A un moment donné, l’action se passe dans le XIIIe arrondissement, donc automatiquement il y a de grandes chances de le croiser. Moi j’apparais dans le deuxième volume. Une copine coiffeuse morte du crack apparaît aussi, et tant d’autres connaissances pointent leur nez dans les deux volumes. Comme j’ai l’impression d’avoir frôlé dans ma vie tous ces personnages de fiction ‘subutexiens’, il fallait que je mette aussi des personnes, des personnages que j’ai frôlés dans ma vie. Je pense que dans ces deux bouquins, tu as évidemment énormément de moi, de ma vie, mais pas forcément là où on l’imagine.
Propos recueillis par Christophe Le Gac
Octobre 2022, lors d’un entretien dans la galerie parisienne Huberty & Breyne.
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*Le coffret Vernon Subutex, tomes 1 et 2 + Making of + bonus, est paru chez Albin Michel : //www.leslibraires.fr/livre/21609016-coffret-vernon-subutex-tomes-1-et-2-making–luz-albin-michel.
** Saynètes satiriques de la société française dessinées par Marcel Gotlib sur des scénarios de René Goscinny dans Pilote.
*** Honoré Daumier (1808-1879) est considéré comme le premier caricaturiste dans l’histoire de l’art occidentale.
**** Hebdomadaire satirique français de janvier 1991 à décembre 1992.

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