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Par : Luca Bertuzzi | EURACTIV.com | translated by Arthur Riffaud
14-10-2022 (mis à jour: 14-10-2022 )
Les câbles sous-marins sont essentiels pour le fonctionnement de l’internet mondial [Vismar UK/Shutterstock]Langues : English | Deutsch
La Commission européenne envisage de financer la construction d’un câble de fibre optique destiné à relier l’Europe à l’Asie via l’Arctique et à éviter les goulets d’étranglement existants, ont déclaré à EURACTIV deux responsables européens proches du dossier, sous couvert d’anonymat.
Le consortium à l’origine du projet Far North Fiber est composé de la société alaskienne Far North Digital et de la société finlandaise Cinia. Le câble aurait une longueur de 14 000 km et raccorderait la Scandinavie et l’Irlande au Japon, en passant par l’Arctique, avec des points de chute au Groenland, au Canada et en Alaska.
La société Cinia a initialement conçu le projet en 2018, en passant par la route maritime du Nord, en collaboration avec l’opérateur télécom russe MegaFon. L’accord a volé en éclats l’année dernière en raison de la montée des tensions géopolitiques avec Moscou. De son côté, la Russie prépare le lancement de son propre câble dans l’Arctique, le Polar Express, en 2026.
Le plan d’infrastructure a donc été reconfiguré en décembre 2021 pour traverser la route maritime du Nord, et elle est à la recherche d’investisseurs pour financer un coût total estimé à 1,15 milliard de dollars.
Passer par l’Arctique signifierait également que le câble serait plus court que les câbles existants, réduisant ainsi ce qui est appelé la latence des données, soit le temps que l’information met à voyager d’un point à l’autre.
« Ce serait un câble très cher, et sa viabilité commerciale est incertaine. La réduction de la latence en soi ne détermine pas si un câble sera construit », a déclaré Alan Mauldin, directeur de recherche chez TeleGeography, une société d’études du marché des télécommunications.
À cet égard, les tensions géopolitiques actuelles pourraient jouer en faveur du projet. Les responsables politiques européens ont en effet commencé à le considérer comme un atout stratégique.
Le câble serait le premier à relier l’Europe à l’Asie sans passer par le canal de Suez en Égypte, un goulet d’étranglement critique pour l’infrastructure Internet et le commerce international. À la suite du récent sabotage du gazoduc North Stream, soupçonné d’être d’origine russe, Bruxelles se méfie de plus en plus de ces points de défaillance uniques.
La société italienne Sparkle est déjà en train de construire un câble qui permettrait de contourner le canal de Suez en passant par Israël, la Jordanie et l’Arabie saoudite. Ce projet ne résout toutefois pas le problème de la dépendance au contexte géopolitique d’une seule région.
La Commission européenne a présenté pour la première fois la semaine dernière aux représentants des pays de l’UE l’idée de cofinancer le projet de « Fibre du Grand Nord » (« Far North Fiber »).
L’UE souhaite la présenter comme l’une des principales réalisations de la coopération transatlantique lors de la prochaine réunion ministérielle du Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis (CCT) en décembre.
Cependant, d’après les informations d’EURACTIV, le soutien de Washington n’est pas confirmé car les États-Unis ne sont pas encore convaincus que cette liaison constitue une priorité stratégique pour eux.
L’Union européenne et les États-Unis ont pour objectif d’achever une série de résultats avant la prochaine réunion de haut niveau en décembre, parmi lesquels figure une feuille de route sur l’IA digne de confiance et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Le projet s’inscrirait dans un contexte plus large de militarisation de l’Arctique, une région qui suscite de plus en plus de tensions géopolitiques alors que la fonte des glaciers fait apparaître de nouvelles routes commerciales stratégiques et des réserves de matières premières.
L’année dernière, l’UE a adopté sa première « Stratégie Arctique », qui fait également référence à l’investissement dans la connectivité et les infrastructures critiques, reflétant ainsi l’inquiétude croissante suscitée par les tensions géopolitiques dans l’Arctique, alors que la Chine, la Russie et les États-Unis luttent déjà pour exercer leur influence dans la région.
« Les infrastructures critiques sont la nouvelle frontière de la guerre, et l’UE sera préparée », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors du Sommet numérique de Tallinn, lundi (10 octobre).
En réalité, la perturbation des réseaux marins remonte à la Première Guerre mondiale, lorsque l’un des premiers agissements par les Britanniques a été de détruire les câbles télégraphiques sous-marins de l’Allemagne dans le but de la couper des communications mondiales et d’établir le premier système de surveillance à l’échelle planétaire.
« Nous voyons évidemment que nous sommes plus vulnérables aujourd’hui », a déclaré le second responsable de l’UE à EURACTIV. Il a fait remarquer que la question a été négligée pendant longtemps, mais qu’à présent, de nombreux pays de l’UE, notamment dans le nord de l’Europe, font pression pour la diversification de leurs câbles sous-marins.
La France, poids lourd militaire de l’Europe, renforce actuellement ses capacités en eaux profondes dans le cadre d’un programme militaire visant à contrer les menaces hybrides sur les infrastructures de télécommunications sous-marines.
Le câble optique de l’Arctique pourrait également avoir une dimension militaire, car les infrastructures militaires seraient les premières à être visées en cas d’escalade.
Lors du dernier débat en plénière au Parlement européen, Mme von der Leyen a présenté un plan en cinq points visant à renforcer la sécurité de l’infrastructure critique sous-marine. Un élément fondamental est l’utilisation de systèmes satellitaires pour la surveillance du trafic naval.
Une importante station de l’Agence spatiale européenne connectée à son système de satellites Galileo est basée à Svalbard, un archipel norvégien situé dans l’océan Arctique. Au mois de janvier, les câbles sous-marins reliant la station satellite norvégienne de Svalbard au continent ont été sectionnés.
Quelques mois plus tôt, un réseau de capteurs sous-marins de l’Observatoire norvégien des océans a également été coupé, suscitant ainsi des soupçons de sabotage. Dans ce cas également, la Russie était le suspect principal, dans la mesure où elle est l’un des rares pays à disposer de telles capacités.
Le système européen de satellites étant appelé à jouer un rôle essentiel dans la surveillance des infrastructures maritimes critiques, le couper paralyserait gravement la capacité de réaction de l’UE.
L’Agence spatiale européenne n’a pas répondu à la question d’EURACTIV sur la manière dont le sabotage des communications du fond marin affecterait le fonctionnement du système satellitaire Galileo. La Commission européenne et la société Far North Digital n’ont pas non plus fourni de commentaire au moment de la publication.
En réponse aux fuites du gazoduc Nord Stream, la Commission européenne s’est engagée, mercredi (5 octobre), à renforcer la protection des câbles internet sous-marins, grâce à un plan en cinq points visant à améliorer les infrastructures stratégiques.
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http://fragua.org/otdr-pour-detecter-un-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/
https://netsolution.fr/detection-dun-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/