55% des agriculteurs ont plus de 50 ans. Le renouvellement des générations qui s’annonce, en particulier dans l’élevage, est un moment charnière pour les agriculteurs et pour le climat. D’où l’importance de la future Loi d’orientation agricole (LOA) qui va s’attaquer à ce dossier épineux de la transmission des exploitations : les transmissions sont propices aux changements, ne les ratons pas. Ne ratons pas les installations et ne ratons pas les départs. Pour accompagner au mieux ces transmissions, encore faut-il avoir une vision commune du système agricole et alimentaire vers lequel nous voulons tendre, et donc ne pas dissocier la LOA des discussions en cours sur la planification écologique.
Le renouvellement des générations en agriculture préoccupe de nombreuses parties prenantes, en premier lieu les agriculteurs eux-mêmes. Le nombre de chef d’exploitation a été divisé par deux en trente ans et la tendance n’est pas partie pour s’inverser. 55 % des agriculteurs ont plus de 50 ans avec, en face, de moins en moins de candidats à l’installation. Les pertes de capacité de production ont pour l’instant été limitées du fait de gains de productivité et d’un recours accru au salariat mais rien ne garantit que ces solutions persistent. Le sujet est en tous cas suffisamment important pour que la question de la transmission des exploitations soit au cœur de la prochaine Loi d’orientation agricole, prévue en 2023. C’est une bonne chose.
Si la transmission est importante pour garantir la souveraineté alimentaire de la France, elle l’est aussi pour d’autres raisons. Elle l’est d’abord pour répondre aux enjeux environnementaux, et en particulier à la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre production alimentaire et de son adaptation aux impacts du changement climatique. L’allongement des rotations, les couverts permanents, le maintien des prairies ou encore la plantation de haies permettent d’être à la fois plus résilient face aux aléas climatiques, de réduire les besoins en intrants et de stocker du carbone. Ces pratiques ne font plus tellement débat : elles font partie des invariants de tous les scénarios agricoles. Des financements pour aider les agriculteurs à les adopter existent, comme les 135 millions d’euros de « prime à la conversion d’agroéquipements » ou encore le volet « protéines végétales » du plan de relance. Par ailleurs, même s’ils ne sont pas tous alignés avec les objectifs de durabilités, les critères d’attribution des aides de la PAC se renforcent à chaque révision. Des financements existent déjà, donc, mais ils ne sont pas encore à la hauteur et ne ciblent pas suffisamment les nouveaux installés. La future Loi d’Orientation Agricole (LOA) est l’occasion d’y remédier : les transmissions sont propices aux changements, ne les ratons pas. Il serait dommageable de verrouiller le système pour une génération de plus.
Les transmissions sont également importantes, et on en parle moins, pour ceux qui partent à la retraite. La course à la compétitivité et l’agrandissement des exploitations ont eu pour conséquence une augmentation du capital immobilisé sur les exploitations qui a plus que doublé en 15 ans. Ce capital, une fois revendu à un nouvel exploitant, constitue une grande partie de la retraite des agriculteurs qui quittent leur exploitation. Mais quelle valeur auront les actifs présents sur exploitation au moment de la vente ? La question se pose en particulier pour les bâtiments d’élevage, des actifs qui risquent de perdre de la valeur dans un contexte de baisse du cheptel qui est amené à se poursuivre, surtout si nous nous engageons sérieusement dans une trajectoire compatible avec la préservation du climat. Rappelons qu’ils représentent près de la moitié des actifs immobilisés en moyenne dans les exploitations d’élevage porcins et avicoles et un tiers des actifs en bovin lait. Le sujet n’est donc pas anodin pour la retraite des éleveurs.
Pour accompagner au mieux ces transmissions, encore faut-il avoir une vision commune du système agricole et alimentaire vers lequel nous voulons tendre. S’il existe des invariants dans les différents scénarios prospectifs pour l’agriculture qui font consensus, tels que ceux mentionnés précédemment, il y a d’autres invariants qui font au contraire l’objet de fortes réticences voire sont tabous. C’est en particulier le cas de la poursuite de la baisse du cheptel. Baisse du cheptel qui figure dans l’actuelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC), avec moins 30 % pour le cheptel bovin d’ici 2050, même si elle n’est pas explicitement assumée. Le sujet crispe, et c’est normal. Mettons-nous à la place des éleveurs et des filières. En l’état des conditions de marché, produire moins c’est être moins compétitif, perdre des parts de marché et importer plus. D’autant plus que la consommation de produits animaux quant à elle ne diminue pas. L’élevage français n’a pas encore défini de scénario dans lequel, à l’image de ce qui s’est passé pour la production de vin, baisse des quantités ne rime pas avec baisse de leur prospérité. Ne pas en parler et laisser-faire, pourtant, serait délétère. On se prive de mettre sur la table à la bonne hauteur certains sujets comme celui de la retraite des éleveurs et des solutions d’accompagnement de cette transition.
La future LOA tout comme la révision, en cours, de la SNBC sont l’occasion de clarifier l’avenir du système agricole et alimentaire et en particulier des filières d’élevage. Une prise de recul indispensable pour donner de la visibilité aux acteurs de ces filières, aux futurs agriculteurs qui vont s’installer dans les prochaines années, et surtout, pour pouvoir construire les mesures d’accompagnement adéquates. La LOA doit s’inscrire dans le cadre de la planification écologique lancée par le gouvernement.
Malgré son « verdissement » lors de la précédente programmation, la Politique Agricole Commune n’a eu que très peu d’impact sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, alors même qu’elles doivent être divisées par deux d’ici 2050. Et les deux instruments phares de la PAC sur les enjeux environnementaux – les paiements verts du premier pilier et les mesures agro-environnementales et climatiques du second – ont essuyé de vives critiques.
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