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L'inflation signe-t-elle le retour des augmentations générales ? – Alternatives Économiques

Depuis les années 1980, les entreprises françaises ont individualisé les rémunérations. Dans un contexte de flambée des prix, cette tendance pénalise les plus bas salaires, contraignant parfois les employeurs à revenir aux bonnes vieilles augmentations générales.
Luc Mathieu en est certain, dans sa branche, cela fait bien vingt ans qu’il n’a pas vu tomber d’augmentation générale. « Dans la banque, les dirigeants préfèrent les augmentations individuelles », explique le secrétaire national de la CFDT chargé de la question des salaires. Au fil des années, la tendance à préférer l’individualisation des rémunérations s’est affirmée en France. La lente érosion des augmentations générales est d’ailleurs chiffrée depuis 2008 par le cabinet de conseil en rémunération People Base CBM. Dans une étude publiée en fin d’année 2020 auprès de 500 entreprises, ce dernier rappelle que 37 % des patrons déclaraient vouloir instaurer des augmentations générales en 2017, 33 % en 2018 et 31 % en 2019.
La bascule est apparue en France dans les années 1980. « Avant, l’individualisation n’existait pratiquement pas, résume Sandrine Dorbes, ancienne responsable des rémunérations chez BNP Paribas, aujourd’hui à son compte. On s’est mis à considérer que ceux qui donnaient le plus à l’entreprise devaient être mieux payés. Cela permet aussi à une entreprise de mieux contrôler l’évolution de sa masse salariale. »
Or, cette tendance est désormais bousculée par l’inflation, qui a atteint 5,4 % fin mai, selon l’Insee. Si le Smic, indexé sur l’inflation, a augmenté trois fois en un an pour atteindre 1 300 euros net, les salariés dont les rémunérations sont légèrement supérieures au salaire minimum ont les yeux rivés sur les négociations annuelles obligatoires (NAO) qui se tiennent dans leur entreprise. Ironie du sort, ce sont généralement eux que ces grand-messes malmènent.
A Craponne, dans ce territoire de la banlieue ouest de Lyon dédié à l’industrie médicale, l’entreprise BioMérieux a fonctionné à flux tendu ces deux dernières années, produisant massivement de précieux tests PCR. Pourtant, entre février et mars 2022, la machine se grippe. Entre 100 et 200 salariés de la production cessent le travail et reconduisent chaque semaine leur mouvement, pendant plus d’un mois. Ils demandent 300 euros brut d’augmentation mensuelle et jugent l’accord conclu par la CFDT, syndicat majoritaire, largement insuffisant.
« On a été augmenté de 2,3 %, c’est moins que le taux d’inflation, à quoi ça sert des augmentations qui nous font perdre de l’argent ? », dénonçait alors Michel Montoro, délégué syndical CGT. De fait, pour les salariés les plus mal payés de l’entreprise, dont le salaire hors prime est pratiquement au niveau du Smic, cela représente une augmentation mensuelle brut de 38 euros.
De leur côté, les cadres, qui comptent pour 75 % des 1 300 employés du site, n’ont pas fait grève un seul jour… alors qu’ils n’ont obtenu aucune augmentation générale. Ils n’ont pas été oubliés pour autant. Sur les 4 % d’augmentation de la masse salariale budgétés en 2022, 0,9 % est consacré aux enveloppes individuelles, dont ils bénéficient en priorité. De quoi créer une scission entre cadres et employés de la production.

Inégaux face aux augmentations individuelles

« De manière générale, les cadres bénéficient davantage des augmentations individuelles que les autres salariés parce que ce sont eux qui sont considérés comme participant le plus à la performance de l’entreprise. Ils ont la possibilité de prendre des initiatives et des risques, et sont donc plus valorisés et augmentés », explique Sandrine Dorbes.
Les cadres et les syndicats auxquels ils adhèrent le plus (CFE-CGC, CFDT) ont ainsi perdu l’habitude de compter sur les augmentations générales et misent surtout sur les augmentations individuelles pour voir leur rémunération croître. « C’est vrai que c’est entré dans leur culture. Dans l’aéronautique ou la métallurgie, qui comptent beaucoup d’ingénieurs et donc de cadres, on a du mal à faire passer l’idée qu’il faudrait rogner sur les enveloppes d’augmentations individuelles pour faire grossir celle des augmentations générales », observe Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge de la question des salaires et salarié dans la métallurgie.
« Les cadres bénéficient davantage des augmentations de salaires individuelles que les autres salariés parce que ce sont eux qui sont considérés comme participant le plus à la performance de l’entreprise », Sandrine Dorbes
En revanche, les invisibles de l’entreprise pâtissent de ce système. Et Sandrine Dorbes de poursuivre : « Les employés qui s’occupent de la paie, par exemple, vont très difficilement accéder à des augmentations individuelles, pourtant leur rôle est absolument nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Mais ils sont considérés comme effectuant simplement leur travail. Du point de vue de la direction, ils participent au fonctionnement de l’entreprise, pas à sa performance. »
Pour ces salariés du bas de l’échelle, c’est la double peine : ils doivent à la fois revendiquer des augmentations générales, pas forcément vues comme légitimes dans toutes les entreprises, et s’assurer que celles-ci soient supérieures à l’inflation.

Augmentations générales en temps de crise

Le conflit chez BioMérieux est loin d’être un cas isolé. Les revendications salariales des routiers, des cheminots de la SNCF, des personnels d’ADP, des pompistes d’Argedis (filiale de TotalEnergies) ou encore des salariés de Framatome émaillent l’actualité. Et depuis septembre 2021, on ne compte plus les grèves qui se sont déclenchées dans les entreprises pour exiger des augmentations générales. En novembre 2021, les salariés de Leroy Merlin ont observé deux semaines de grève partout en France pour finalement obtenir une hausse de 4 %, deux fois plus que ce que proposait la direction de l’enseigne de bricolage lors des NAO.
Chez Arco, trois jours de grève ont suffi pour que ce sous-traitant de LVMH accorde 100 euros net d’augmentation mensuelle à ses couturières (87 % de femmes). Il faut dire qu’elles avaient décidé de débrayer le jour où des cadres de l’enseigne de Bernard Arnault devaient venir visiter l’usine. Enfin, chez Dassault Aviation, où une grève a perturbé la production de décembre 2021 à avril 2022, les personnels non cadres ont finalement obtenu une augmentation générale historique de 107 euros net mensuel.
« Nous pensons que des augmentations générales régulières sont à la fois le meilleur moyen de lutter contre l’inflation mais aussi de répartir les gains de productivité de manière égalitaire, surtout dans les entreprises qui font de gros bénéfices et versent des milliards à leurs actionnaires. L’individualisation des augmentations, ça peut être aussi la prime à celui qui va faire le plus d’heures, qui va ramener le plus de travail à la maison. Ce n’est pas une vision du travail que nous partageons ! », détaille Boris Plazzi.
De son côté, la CFDT plaide également pour un retour des augmentations générales. « Nous ne sommes pas contre les augmentations individuelles quand les conditions de leur attribution sont claires. Mais c’est vrai qu’elles laissent du monde sur le carreau. Dans la banque, on a parfois des salariés qui restent sans augmentation pendant dix ans ! C’est un vrai problème quand on voit l’inflation », rappelle Luc Mathieu, de la CFDT. De fait, si 99,1 % des entreprises interrogées par le cabinet People Base CBM déclarent proposer des augmentations individuelles, seuls 54,9 % des salariés en ont bénéficié en 2020.
Si 99,1 % des entreprises interrogées par le cabinet People Base CBM déclarent proposer des augmentations individuelles, seuls 54,9 % des salariés en ont bénéficié en 2020
Les patrons eux-mêmes sont sensibles à l’argument. A rebours de la tendance historique à individualiser les rémunérations, 43 % d’entre eux ont annoncé vouloir verser des augmentations générales en 2020, contre 31 % en 2019, toujours selon People Base. « Les crises que nous traversons vont-elles mettre un coup de frein à la montée de l’individualisation constatée depuis plusieurs années ? », s’interroge le cabinet. Le conflit en Ukraine n’a alors pas commencé…
Le cabinet Deloitte observe, lui aussi, un léger frémissement en la matière. Son enquête flash de février 2022 pointe que 56 % des entreprises ont l’intention de verser des augmentations générales à leurs ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise. En mars 2021, elles n’étaient que 52 % à vouloir prendre une telle mesure pour les employés et ouvrier et 53 % pour les techniciens et agents de maîtrise.

Débloquer les négociations de branches

Au lieu de mener la bataille entreprise par entreprise, les syndicats espèrent que leurs revendications seront entendues dans les négociations de branches. Pour l’heure, c’est loin d’être le cas. Au 17 juin, sur les 171 branches professionnelles suivies par le ministère du Travail couvrant plus de 5 000 salariés, 70% ont des niveaux de rémunération qui sont en dessous du Smic, relève le gouvernement
« Il faut rouvrir des négociations de branches de toute urgence », assène Luc Mathieu. En attendant ces réévaluations, les employeurs sont légalement tenus d’augmenter les salariés au niveau du Smic, mais ces renégociations deviennent d’autant plus nécessaires que les précédentes ont abouti à des revalorisations inférieures aux 5,4 % d’inflation. Et que les salaires légèrement supérieurs au Smic s’en rapprochent donc inévitablement. C’est ce qu’on appelle l’écrasement de la grille salariale.
Problème, les syndicats patronaux de branches semblent bien peu enthousiastes à l’idée de retourner autour de la table. Selon les chiffres de la CFDT, seuls 20 % d’entre eux ont signé des clauses de revoyure les engageant à rouvrir des négociations d’ici à la fin de l’année. Forts de ce constat, CGT et CFDT partagent le même pronostic. « On craint une flambée des conflits sociaux à la rentrée », prévient Luc Mathieu de la CFDT. « On s’attend à une rentrée chaude dans les entreprises », abonde Boris Plazzi, de la CGT. Sa confédération réfléchit déjà à organiser une première date de mobilisation en septembre sur la question des salaires.
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