Publié le 16/01/2023 à 17h45
Blandine Mercier
Les enfants et les jeunes, âgés de 6 à 20 ans, accueillis à l’IME (institut médico-éducatif) de Sainte-Fortunade, près de Tulle (Corrèze), géré par l’association des PEP 19, auraient dû rejoindre leur établissement à la mi-journée. Las. Ce matin, lundi 16 janvier, les parents ont été avertis : les personnels ont déposé un préavis de grève illimité, l’accueil des enfants ne sera pas possible dans la journée.
La réquisition des personnels ayant été demandée par la direction à la préfecture, l’établissement devrait rouvrir dès demain mardi 17 janvier. La mobilisation des salariés, elle, restera de mise. Educateurs spécialisés, personnels administratifs ou de nuit, services logistique, cuisine, transport ou entretien des bâtiments, enseignants… “Les personnels sont décidés à tenir”, lance Anne-Marie Teixeira, de la CGT. Sur 65 personnels, elle comptabilisait, en fin de matinée sur le piquet de grève, pas moins de 45 manifestants.
Comme Valentin, un jeune aide médico-psychologique (AMP). “Il y a de moins en moins de communication au sein de l’IME, commence-t-il. Elle est biaisée en tout cas. On n’a pas l’impression de travailler la main dans la main avec la direction au détriment de l’accompagnement des jeunes. La politique inclusive est amenée de manière brutale ; sur le terrain, on le ressent. Ce n’est pas fait de manière progressive et main dans la main.”
A Ussel, la plongée apaise les jeunes de l’Institut médico-éducatif La Peyrotte
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase des revendications : l’annonce par la direction, fin décembre, de la fermeture, au retour des prochaines vacances de février, d’un des deux bâtiments d’internat de l’IME. Un internat qui héberge 35 jeunes sur les 65 accueillis par l’établissement. Tous les internes seront alors regroupés dans un même bâtiment.
“On nous a d’abord dit qu’il manquait deux personnels de nuit, raconte Fanny Bonillo, déléguée Sud Santé. Quand les collègues ont proposé d’en trouver, on nous a dit -c’est pas la peine, de toute façon il faut qu’on fasse des économies-. Il n’y a rien de vrai et d’honnête dans cette communication !”
C’est du faux management participatif. On nous fait croire qu’on a la main sur quelque chose, mais quand on nous enferme la main dans une boîte, on ne maîtrise rien.
Fanny Bonillo (Déléguée Sud Santé)
Selon les syndicalistes et les grévistes, les conséquences, elles, seront criantes. Pour les jeunes résidents d’abord. “Fermer l’internat en cours d’année scolaire, c’est très violent pour les gamins, qui sont fragiles”, s’insurge Fanny Bonillo.
“Ils vont passer de chambres individuelles à des chambres doubles et ça remet en cause tous leurs projets individuels ou leur prise en charge sur des rythmes décalés en fonction de leur âge. Cela va bousculer tout leur rythme de vie.”
“C’est violent aussi pour les salariés”, renchérit Anne-Marie Teixeira, qui dénonce “la déconstruction de tout ce qui avait été mis en place depuis le début de l’année.”
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Sans compter les pertes de salaire (“la prime de nuit représente 5% de la rémunération mensuelle”, calcule-t-elle) et les inquiétudes pesant sur les différents personnels des services généraux. “Ménage, entretien des bâtiments, cuisine… Un bâtiment en moins, ce sont des besoins en moins. Toutes ces questions n’ont pas de réponse.”
Des “contre-propositions”, les salariés en avancent : “Repousser la fermeture de l’internat à septembre, pour laisser le temps de retravailler tous les projets”, commence Fanny Bonillo. De conserver également “un accès à une partie du bâtiment fermé pour que les ateliers éducatifs puissent se poursuivre.”
On demande que soient pris en compte les rythmes physiologiques des enfants et les projets pédagogiques des plus grands.
Fanny Bonillo (Déléguée Sud Santé)
Les grévistes le reconnaissent : le secteur du médico-social a pris, sur commande publique, le virage de l’inclusivité, avec “moins d’accueil en internat et plus d’accueil à domicile avec un soutien à la parentalité”, résume Anne-Marie Teixeira.
“On ne vit pas hors-sol, admet-elle. On sait que les financements de ces établissements sont mis à mal, que nos métiers vont devoir évoluer. Mais ça fait 4 ou 5 ans déjà qu’on demande à la direction où on va et qu’on a l’impression qu’il n’y pas de vision à long terme.”Les salariés protestent contre la fermeture d’un des deux bâtiments d’internat et contre une évolution à marche forcée de leurs pratiques professionnelles.
Une vision qui leur fait cruellement défaut, alors que se profile un autre changement de taille : le déménagement de l’IME de Sainte-Fortunade. Quand, comment, où ? Les salariés regrettent un manque criant d’information et de consultation. “Sa délocalisation se ferait dans l’ancien IUFM de Tulle, énumère Anne-Marie Teixeira. Ou dans un pavillon à construire sur le site du Moulin du Soleil (où les PEP gèrent un ESAT), également à Tulle. Un travail serait en cours avec Corrèze Habitat pour trouver une solution.”
Educatrice spécialisée, Elodie est bien décidée à se battre “pour qu’on conserve des conditions d’accueil dignes de ce nom, que tout ne soit pas démantelé”, avance-t-elle. “Ici, à Sainte-Fortunade, on a un super site, c’est une chance pour les enfants ; leurs parents reconnaissent qu’ils vont mieux quand ils viennent ici. On aimerait qu’il soit conservé.”
En plus d’accepter ce déménagement, on doit accepter des conditions de travail dégradées. Et on sent que ça ne s’arrêtera pas là… On veut conserver des conditions d’accueil dignes de ce nom.
Elodie (Educatrice spécialisée)
Le groupe dont elle s’occupe, les 6-10 ans, – “de tout petit niveau”, précise-t-elle – devrait être scolarisé en septembre prochain dans une école primaire de Tulle. Turgot, Jolliot-Curie ? “On n’est pas associé à la réflexion, alors qu’on accompagne ces enfants. Ils ne trouveront pas leur place en primaire, ça risque de les stigmatiser plus encore, voire même d’être maltraitant pour eux.”
Elle poursuit : “Tout le médico-social prend une tournure qui ne va pas forcément dans le bon sens. Si ceux qui nous dirigent n’ont même pas conscience de ce qu’on vit ici, comment pourraient-il construire quelque chose pour nous ailleurs ? Tout ce que je veux, c’est qu’on garde du sens dans notre travail.”
La concertation à l’oeuvre, selon la direction
Avant de rencontrer une délégation de salariés et de syndicalistes, dans l’après-midi, la directrice générale de l’association des PEP 19, Sylvie Benoit, a expliqué que “la réorganisation de l’internat est mise en oeuvre dans le cadre de la transformation de l’offre et de la demande.”
La logique de réorganiser l’hébergement sur un seul bâtiment répondant, en outre, à la nécessité de réaliser des économies d’énergie et de coûts”. Egalement de répondre à des “normes sécuritaires.” Ouvrir deux bâtiments d’internat impose d’employer deux veilleurs de nuit. “Or, nous faisons face à une carence de candidats”, précise Sylvie Benoit.
Mais, précise-t-elle, “l’internat n’est la seule réponse apportée dans l’accompagnement thérapeutique des enfants. Depuis deux mois, un travail est conduit avec la direction de proximité pour assurer la continuité de tous les projets.”
Balayant d’éventuels problèmes de “non-communication”, elle note qu'”en amont de la réorganisation, la possibilité a été donnée aux salariés de s’exprimer et la réflexion est menée depuis novembre 2022.”L’IME de Sainte-Fortunade sera relocalisé à Tulle d’ici 5 ou 6 ans, selon la direction générale.
Concernant la relocalisation de l’IME de Sainte-Fortunade, Sylvie Benoit insiste : “Ce ne sont pas les PEP 19 qui font la loi !” Mais bien plutôt la “commande publique”, qui impose une “transformation de l’offre” par une “réponse de proximité avec une inclusivité renforcée” dans le cadre du schéma régional de santé. A savoir des IME localisés au plus près des centres-villes et des établissements scolaires pour améliorer “l’inclusion en milieu urbain” et “faciliter la scolarité”.
Nous devons respecter la sécurité, la scolarisation et l’inclusion, ce que nous demande l’Agence régionale de santé.
Sylvie Benoit (Directrice générale des PEP 19)
Les trois IME (Meyssac, Ussel et Sainte-Fortunade) gérés en Corrèze par les PEP 19 sont concernés par ces évolutions, mais celui de Sainte-Fortunade (12 bâtiments sur 16 ha à l’écart du centre-bourg) est le seul qui devra déménager pour se conformer à la loi.
“Sa relocalisation est programmée depuis novembre 2021, avance Sylvie Benoit, les PEP 19 se donnant “5 ou 6 ans” pour la réaliser. “Il s’agira d’un projet immobilier qui proposera des prestations ambulatoires et des prestations d’hébergement. Que des salariés de l’IME ne se sentent pas dans ces nouvelles pratiques professionnelles, je peux l’entendre. Mais à chaque fois, ils sont associés aux projets, à cette volonté de transformation, au même titre que tous les salariés des PEP. Ce n’est pas au doigt mouillé que nous travaillons ! ”
Blandine Hutin-Mercier
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