Les amoureux des livres ont rendez-vous chaque semaine dans le JDD avec un libraire qui nous fait partager ses passions. À l’occasion de la foire de Brive, le plus festif des salons littéraires, nous plongeons dans La Baignoire d’Archimède, située au cœur de la ville et prête pour ces trois jours d’effervescence.
La Baignoire d’Archimède* est née de l’union de deux envies. Laurence Guillemot et Élodie Martin avaient déjà toutes deux travaillé dans le domaine du livre lorsqu’elles ont ouvert cette surface, « un projet de vie », comme elles le qualifient. Elles rêvaient d’une librairie indépendante, généraliste, d’un lieu d’échanges culturels. Mission accomplie puisqu’elles proposent un choix de 20 000 titres allant de la fiction aux arts en passant par les sciences, la jeunesse et la photographie. Mais comme il était difficile de trouver un local bien situé, elles se sont associées avec un libraire spécialisé en bandes dessinées et en mangas qui, lui, cherchait à s’agrandir. Aujourd’hui, chacun a son étage et son indépendance : au premier la littérature, au rez-de-chaussée les bulles. Les gens viennent en famille et s’éparpillent dans les rayons pour trouver leur bonheur. Ils peuvent aussi assister à des rencontres avec des auteurs et à des expositions. À la veille de la foire du livre de Brive, toutes deux se réjouissent de ce moment d’émulation et de ferveur autour du livre, de cette occasion de discuter avec écrivains et éditeurs. C’est Élodie Martin qui a choisi les trois titres suivants.
C’est l’un des meilleurs romans de Franck Bouysse. Il se situe dans la lignée de ce qu’il a écrit jusqu’à présent, reprend les codes de son univers, mais est un peu compliqué à résumer ! Une mère et son fils vivent reclus dans un rapport complexe d’amour-haine (on ignore tout du père). La mère disparaît mystérieusement tandis qu’un écrivain en panne d’inspiration, Harry, vient s’installer dans la propriété voisine. Les événements étranges se succèdent, les morts se font très présents, Harry se sent épié et ne parvient pas à écrire. À cela s’ajoute la rancœur de tout le monde envers le fils du maire, qui a la mainmise sur les villageois. C’est un texte en prise avec un territoire, avec la bestialité de l’homme, et dans lequel le poids du secret pèse lourd. Mais l’amour est aussi très présent, qu’il soit filial ou amoureux. Ce roman très sensible a un côté noir, taiseux, que l’auteur maîtrise parfaitement, et qui nous rappelle les livres de Ron Rash.
L’homme peuplé, Franck Bouysse, Albin Michel, 317 pages, 21, 90 euros.
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On entre dans l’histoire d’une famille fantaisiste, passionnée, dotée d’une belle sensibilité et d’une façon originale d’appréhender la vie. Les parents décident de rebaptiser leur premier enfant Béguin. Leur fille sera, elle, prénommée Zizi Cabane, pour répondre à l’interrogation de son frère sur l’absence de sexe visible. La mère explique que le zizi est caché dans la cabane. Et puis, un jour, elle disparaît. On va découvrir le papa et les trois enfants totalement désemparés face à ce drame. Qu’est-elle devenue ? Tout le monde l’ignore, seul son chemisier trouvé au bord de la rivière donne un indice. La disparition coïncide avec l’infiltration de l’eau dans la bâtisse. L’auteure joue avec l’étrange sans basculer dans le fantastique. C’est un texte magnifique et poétique sur la résilience, le deuil et la vie qui continue.
Zizi Cabane, Bérengère Cournut, Le Tripode, 240 pages, 18 euros.
Voilà une magnifique découverte dans laquelle nous nous laissons complètement embarquer. Ce roman est d’une créativité époustouflante à tous points de vue : la langue, la rencontre avec des dizaines de personnages qui constituent la population de l’île d’Ys, un lieu où le code moral est de se montrer digne en toutes circonstances. Il y a deux camps, ceux qui vivent sur l’île et les autres, plus privilégiés, qui habitent dans la cité. C’est l’espoir de tout le monde d’y accéder. La sélection se fait par tirage au sort. Ce roman très original laisse entendre beaucoup d’échos du monde dans lequel nous évoluons, tout en nous extirpant de notre quotidien, des sujets de polémique actuels, de la réalité de nos vies. C’est un fabuleux livre d’aventure. Le bonheur !
Les marins ne savent pas nager, Dominique Scali, La peuplade, 728 pages, 24 euros.
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