Le blog de Rodolphe Krawczyk
Publié le
Rodolphe Krawczyk
40 ans d’expérience dans l’industrie spatiale
Rodolphe Krawczyk travaille depuis 40 ans dans l'industrie spatiale. Il a piloté plusieurs projets pour l'Agence Spatiale Européenne et dirigé pendant dix ans le service des avant-projets instruments optiques pour satellite. Il est membre de plusieurs commissions d'amélioration des processus internes à sa société (management et gestion des risques).
Il est de bon ton (et fortement conseillé) aujourd’hui pour toute entreprise de déclarer ses engagements en termes d’environnement et de montrer ses résultats obtenus dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais au-delà des paroles et des chiffres, qu’en est-il vraiment ?
En novembre 2020, j’avais publié dans ce blog un billet (assez critique, voire cinglant) intitulé “La lutte contre le réchauffement climatique : la grande dés)illusion ?”. En un an et demi, les cris d’alarme du GIEC se sont multipliés, les derniers annonçant une catastrophe imminente si nous ne « renversons pas la tendance » : on ne peut pas nier que les événements climatiques de cet été (canicules et inondations records) semblent confirmer ces déclarations.
Pour réduire l’augmentation de la température de l’atmosphère au cours des prochaines décennies (plus exactement, pour réduire l’accélération de cette augmentation), les gouvernements exercent donc une certaine pression sur leurs citoyens, tant au niveau individuel que professionnel via leurs employeurs, pour mettre en œuvre des mesures appropriées. Dans ce contexte, j’ai découvert récemment la notion d’Environnement, Social et Gouvernance (ESG), dont les critères permettent de mesurer l’efficacité d’une entreprise en termes d’environnement et de social : ce sigle est devenu omniprésent et récurrent dans la plupart des articles économiques et industriels. Je m’attacherai dans ce billet au volet environnemental de l’ESG.
Je ne peux m’empêcher de faire remarquer, pour commencer, que le vert, devenu la couleur emblématique de l’écologie, est de plus en plus utilisé dans nombre de logos et de sites divers : en l’espace de quelques années, tout le monde est devenu vert et durable, il est même des transporteurs routiers qui clament leur durabilité sur les ridelles de leurs camions, un comble !
J’en viens à me poser la question suivante : les mesures prises par les entreprises pour le climat sont-elles efficaces, et surtout, leurs engagements sont-ils vraiment tenus ? La légitimité de cette question est renforcée par la publication, le 20 juillet dernier, d’un article du cabinet anglais de conseil en stratégie L.E.K. Consulting, à la suite d’une enquête menée auprès des décideurs de 400 sociétés dans le monde entier : “Companies see long road ahead to realize their ESG commitments”, avec en sous-titre (traduit) : “Les cadres reconnaissent que les mesures, les métriques, les compétences, la culture et la gouvernance nécessaires à la tenue des objectifs de durabilité ne sont pas tenus”.
Le principal obstacle est constitué par les divisions des équipes dirigeantes sur l’équilibre à trouver entre les priorités financières à court terme et les objectifs ESG à long terme : si les sociétés interrogées souhaitent, pour des raisons “saines” de business et de société, devenir plus durables, elles ne sont pas vraiment prêtes à l’être, et tout particulièrement au niveau cadres et direction.
Les sociétés devinent le potentiel de leurs engagements ESG : plus de 700 des 2 000 plus grandes entreprises cotées en bourse se sont engagées sur la neutralité carbone, 600 du FTSE [1] visent cet objectif pour 2050 et deux tiers du S&P 500 [2] affichent des objectifs de réduction de leurs émissions. Mais… les défis sont multiples.
En particulier :
– les mesures d’alignement sont rendues difficiles par l’étendue et la complexité des risques associés aux critères ESG, ainsi que par l’absence d’indicateurs de performance clés (ces fameux KPI de la terminologie anglo-saxonne, désormais un incontournable de tout contrôle du bon déroulement d’un travail ; j’y reviendrai dans un prochain billet)
– les dirigeants sont de plus en plus conscients des risques liés à la durabilité, mais ils manquent d’une vision globale et des outils leur permettant de gérer ces risques
– parmi ceux-ci, on trouve bien sûr le coût de la transition énergétique, la non-standardisation des évaluations ESG, la réputation face à la “cancel culture”, etc.
Le cabinet à l’origine de l’enquête ne perd pas espoir, et recommande :
– d’établir un langage commun
– d’investir dans les programmes éducatifs
– de pousser les dirigeants à analyser les choix stratégiques financiers et non-financiers impliqués dans les objectifs ESG
– de commencer à mettre en place des objectifs mesurables
– de lier la rémunération aux avancées ESG.
On retrouve les lapalissades chères aux cabinets de conseil qui ont une fâcheuse tendance à confondre objectifs et stratégie…
L’article est cependant très intéressant par le fait que l’enquête a mis en évidence les difficultés réelles rencontrées par les entreprises dans leur volonté d’être en conformité avec les critères ESG, au-delà du “greenwashing”, forcément condamnable, mais auquel on donne l’opportunité de trouver dans ces difficultés une raison d’être, sinon une légitimité. Apparemment, l’environnement non plus n’échappe pas à la complexité de notre monde moderne, ce qui me conduit à reprendre une fois de plus en conclusion le titre d'un célèbre album de Sempé : “Rien n'est simple”.
[1] L’indice FTSE concerne les 100 entreprises anglaises les mieux cotées à la Bourse de Londres
[2] L’indice S&P 500 concerne les 500 entreprises américaines les mieux cotées Nasdaq ou au Nyse
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