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L’Afrique subsaharienne compte aujourd’hui 44 millions de micro, petites et moyennes entreprises. Ces entreprises sont créatrices d’emploi, génératrices de revenus et jouent le rôle de levier de croissance pour les économies locales, mais surtout pour les entrepreneurs eux-mêmes. De fait, 80% des emplois occupés aujourd’hui le sont au sein de ce segment.
Certains défis transcendent les multiples expressions de la PME africaine : l’incapacité des marchés de capitaux privés africains à adresser le segment, le manque de formation et de gestion saine d’entreprise, le manque de visibilité et de lisibilité de l’écosystème et les difficultés d’adoption de stratégies concrètes d’accompagnement des PME au niveau gouvernemental.
Mais est-ce qu’il n’y aurait pas une erreur normative, un défi caché, à considérer ces types d’entreprises comme appartenant au même segment, ou étant sensibles aux mêmes facteurs de croissance ou d’externalités négatives (ou positives) ?
De fait, la taille critique, le type d’entreprise, le type d’activité, la position économique de l’entrepreneur.e sont autant de facteurs qui viennent influencer pas simplement le marché, mais également le comportement de l’entrepreneur.e. Sans une approche de science comportementale dans l’accompagnement des PME, mais aussi une réflexion plus poussée sur les mécanismes et facteurs comportementaux qui jouent sur la décision de tous les acteurs de la chaîne (banques, financements publics, intermédiaires…) de financer les PME, la question structurelle du financement des PME restera insoluble.
L’un des points centraux du financement et du cycle de vie des PME est la notion de risque. Pourtant, rare est la littérature qui s’intéresse à la psychologie derrière cette appétence au risque. De notre expérience et dans le cadre du montage d’une banque de développement et d’investissement, aux sortir d’une crise économique fulgurante, nous avons retenu plusieurs constats qui pourraient bénéficier au contexte d’Afrique de l’Ouest.
C’est l’incertitude, plutôt que le risque, qui domine la réflexion de tous les acteurs : le court-termisme des moyens financiers mis à disposition, l’asymétrie de l’information face à la prépondérance du secteur informel, l’incertitude du climat politique ou économique (surtout à l’aune de la pandémie) et l’incertitude de la viabilité d’un outil de financement. Nous avons adressé ce facteur en intégrant tous les acteurs à la réflexion sur les outils, et en humanisant les processus d’octroi de financement dans tous les véhicules proposés.
La garantie, au sens technique, mais aussi dans la confiance accordée aux interlocuteurs. De fait, s’imaginer un monde où toutes les PME pourraient avoir accès à des mécanismes de garantie semble idéaliste.
Cependant, il est absolument réaliste d’envisager une structure en lien avec l’Etat, organisée selon un modèle intégré et en phase avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème afin d’accompagner les entrepreneurs. Cette structure doit donner accès à un guichet unique direct proposant un parcours d’accompagnement de bout en bout, allant la de la définition de l’idée à sa structuration, en passant par sa formalisation, jusqu’à l’obtention d’un financement. Cette structure doit crédibiliser les entrepreneurs aux yeux des acteurs financiers en les labellisant et en les dotant de garanties financières, permettant ainsi de réduire le risque lié à l’octroi d’un crédit. Elle peut même aller jusqu’à co-financer le crédit et ainsi encore renforcer la solidité de l’enrepreneur.e vis-à-vis des banques.
Afin de mettre en place ce continuum, il est nécessaire de construire un processus d’accompagnement précis et adapté à tous les types d’entrepreneurs ainsi qu’un processus de financement robuste et optimisé. En effet, la prise en compte du processus d’entrée en relation (traitement des dossiers en entrée) et du processus d’octroi lié au risque de crédit est un élément indispensable à la réussite d’un tel projet : le bénéficiaire du prêt ayant un impact direct sur la rentabilité de la banque et sa sinistralité. De là, la confiance ne doit pas être simplement sur la certitude d’existence d’un filet de sauvetage, mais sur la consolidation d’un modèle économique pérenne où tous les acteurs de l’écosystème interviennent en synergie et dans leur propre intérêt.
Ainsi, la maîtrise de l’octroi et donc du risque permet à cette structure d’équilibrer son modèle d’affaires et in fine de devenir rentable. C’est pourquoi et afin d’assurer le bon remboursement des prêts octroyés, il est impératif de mettre en place des mécanismes de surveillance et de bonne gouvernance.
D’un point de vue opérationnel, la sécurisation des processus et la gestion des risques et contingences nous semble constituer des étapes cruciales.
S’il n’est pas question de penser les PME en monolithes, il reste pertinent de simplifier l’accès au financement en centralisant les points de contacts. Le modèle “one-stop-shop” adopté par Bpifrance en est un exemple probant. En limitant les intermédiaires et interlocuteurs, en permettant à l’entrepreneur d’identifier clairement un guichet et un sachant lui permettant de naviguer le système bancaire, monter en compétences et rencontrer ses pairs, il devient possible de répondre au triple enjeu de simplification des processus, d’accès à l’information et d’accompagnement personnalisé.
D’un point de vue des établissements de financement et d’investissement, l’exposition rapprochée et continue aux différents cas de figures, situations particulières et réalités contextuelles. Cela permettrait ainsi d’enrichir le corpus de compréhension et la grille de lecture des besoins des PME pour permettre aux Banquiers de construire des produits de financement finement conçus mais également d’humaniser les parcours de vie des porteurs de projets.
Dans sa vision plus globalisée, l’introduction récente du African Continental Free Trade Area (AfCFTA), couplée à une standardisation des moyens et processus accordés aux PME pourrait propulser le continent africain dans une nouvelle vision de l’intercontinentalité vertueuse.
Il nous semble évident que sans ce travail d’humanisation du processus et de la réflexion autour du financement des PME, et surtout, sans cette approche micro-économique et comportementale du secteur, le bond de croissance attendu sera à la merci des perceptions complexes qui dominent aujourd’hui.
Reste encore à faire travailler les acteurs privés et les pouvoirs publics pour créer une chaîne de valeur au service des PME, non pas un système auquel les PME doivent se conformer.
(*) Thomas Efsthatiu accompagne depuis plus de dix ans les institutions financières publiques et privées dans la conception et la mise en place d’instruments dédiés au financement des entreprises. Il est le co-fondateur du cabinet de conseil VIALYBER et intervient principalement en Europe et en Afrique Subsaharienne.
(**) Pierre Guérin est co-fondateur du cabinet de conseil VIALYBER. La problématique du financement des entreprises fait partie de ses thèmes de réflexion majeurs. Il travaille par ailleurs depuis 12 ans auprès des institutions financières sur les sujets liés à l’organisation et à la transformation en France et à l’international.
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