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Rahimi, une journaliste de Téhéran idéaliste et passionnée par son métier, se rend dans la ville sainte de Mashhad où les pèlerinages attirent les foulent et suscitent une ferveur religieuse délirante, voire… démoniaque. Dans cette ville mystérieuse et grouillante, la journaliste mène l’enquête sur les crimes commis par un tueur en série.
Celui-ci opère la nuit et, sous prétexte de « purifier » la ville, s’en prend aux jeunes filles droguées qui, pour se payer leurs doses, ont recours à la prostitution. Les cadavres s’amoncellent (seize au total) et la police comme la justice, imprégnées par l’idéologie des ultraconservateurs du régime des mollahs, ne semblent pas désirer outre-mesure mettre la main sur ce tueur qui prétend mener une « guerre sainte » de proximité.
Pour bâtir le scénario des Nuits de Mashhad, Ali Abbasi, un cinéaste de 41 ans né en Iran et exilé depuis 2002 en Europe du Nord (en Suède puis au Danemark), n’a malheureusement rien inventé puisqu’il s’est inspiré d’une terrifiante affaire criminelle ayant affligé son pays natal au début du siècle. « Je vivais encore en Iran quand cette histoire s’est produite racontait le cinéaste lors du dernier Festival de Cannes où son film figurait en compétition. Curieusement, on ne parlait pas vraiment de cet événement. Les médias, à demi-mot, ont commencé à l’évoquer seulement quand il y a eu une dixième victime… Surtout, ils se sont vraiment préoccupés de l’affaire quand le meurtrier a été arrêté. »
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« Ce qui est fou dans cette histoire, c’est que, après son arrestation, ce criminel a été considéré par certains comme une sorte de héros qui s’était sacrifié pour la “bonne cause” de la morale et de la défense de la société iranienne, poursuit le réalisateur. Mon intérêt vient de là. Je ne suis pas fan des films de serial killer : ce qui m’intéresse dans les affaires criminelles, c’est ce qu’elles révèlent du monde dans lequel nous vivons. Avec « Les nuits de Mashhad », je n’ai pas voulu tourner un film sur un tueur en série, mais un film sur une société tueuse. »
Dans cette fiction tendue à l’extrême, Ali Abbasi retrace les investigations de Rahimi, la journaliste courageuse aux prises avec le redoutable machisme et la non moins redoutable censure sévissant dans son pays. En parallèle, le cinéaste suit à la trace le criminel : un ancien combattant de la guerre Iran-Irak et, a priori, un honnête père de famille, qui, derrière son apparente respectabilité, dissimule un pedigree de psychopathe.
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Le cinéaste, en mettant en scène les meurtres effroyables et l’enquête de la journaliste, décrit une société iranienne déliquescente, où les institutions s’accommodent des faits et gestes d’un tueur qui, en un sens, en un terrible sens, « nettoie » la ville à leur place. Au point de devenir un héros et un modèle pour une frange de la population, dont le jeune fils du meurtrier, qui se félicite de voir sa « sainte cité » débarrassée de ces femmes qui salissent et déshonorent sa réputation.
Tourné en Jordanie, Les nuits de Mashhad, avec son portrait au vitriol de l’Iran et du sort réservé aux femmes, a été accueilli favorablement lors du dernier festival de Cannes. Sauf, évidemment, par les autorités iraniennes qui ont dénoncé sa présentation en compétition. Et le courroux desdites autorités a redoublé quand, à l’heure du palmarès, le prix d’interprétation féminine est venu justement récompenser l’actrice Zar Amir Ebrahimi, remarquable dans la peau de Rahimi, la journaliste qui refuse de baisser les bras et de se soumettre à la loi du silence.
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Une consécration en forme de revanche personnelle pour la comédienne qui a dû fuir l’Iran en 2008 suite à l’interdiction de tourner et au harcèlement dont elle était l’objet. « Je ne prends pas de risques en tournant ce film puisque je ne peux pas retourner en Iran, racontait l’actrice à Cannes. Pour Ali Abbasi comme pour moi, la liberté consiste aujourd’hui à tourner des films comme Les nuits de Mashhad sans avoir à nous soucier de la censure. ». Une liberté d’exilés qui leur permet de témoigner avec une rare puissance des réalités les plus sombres de leur pays d’origine.
« Les nuits de Mashhad », de Ali Abbasi. Sortie le 13 juillet.
Par Olivier De Bruyn
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne