Ce jeudi-là, à 18 heures, la nuit a enveloppé le bassin d’Arcachon. Dans la noirceur du plan d’eau, le paysage est remodelé. À bord de la navette de la brigade nautique, le major Jérôme Goussard et ses hommes quittent le port d’Arcachon. Dans un froid mordant, ils s’apprêtent, comme ils le font quotidiennement, à patrouiller. Leur mission ? Surveiller les parcs ostréicoles et prévenir les vols.
« Les professionnels réalisent 60 % de leur chiffre d’affaires durant les fêtes de fin d’année », explique le major. L’accès aux concessions étant ouvert à tous, il n’y a qu’à se baisser pour…
« Les professionnels réalisent 60 % de leur chiffre d’affaires durant les fêtes de fin d’année », explique le major. L’accès aux concessions étant ouvert à tous, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser. Il suffit pour cela de connaître les lieux et d’avoir l’embarcation requise. Les vols se font conséquemment entre professionnels. « Nous avons tous en mémoire cette année 2017 où, début octobre, 7 tonnes avaient été dérobées à un seul ostréiculteur, sur ses parcs de Piraillan », rappelle le commandant de la brigade nautique (1). L’année suivante fut marquée par un vol de deux tonnes.
Deux affaires hors norme. « Généralement, on parle plutôt de quelques dizaines de poches et centaines de kilos. » Bilan, chaque année, deux à trois tonnes disparaissent des parcs du Bassin. Rien à voir toutefois avec les années 2000 où les pertes étaient bien plus conséquentes.
Il faut dire que depuis, de gros moyens ont été déployés. À la présence nautique, s’adjoint régulièrement un support aérien. Et ce jeudi 1er décembre, l’Eurocopter EC135 de la section aérienne de la gendarmerie, basée à Mérignac est là. Il sera, durant toute l’opération, l’œil nocturne des militaires.
« La boule optronique nous permet de relever une plaque d’immatriculation jusqu’à deux kilomètres de distance » explique le lieutenant-colonel Roland, commandant de la section qui, ce soir, pilote l’hélicoptère. Le phare de l’appareil permet quant à lui d’éclairer l’équivalent d’un stade de foot à 300 mètres du sol.
La caméra thermique demeure le principal atout. « Elle reconstitue, de nuit, le paysage par différence de température » poursuit-il. À l’arrière de l’appareil, un opérateur enregistre toutes les données et les retransmet en temps réel. Alors que le puissant faisceau de l’hélico balaye le plan d’eau, la vedette de la brigade nautique suit ses directives.
« Ils nous signalent un mouvement au niveau du Mimbeau », la fameuse plage du Cap-Ferret, lance le major Jérôme Goussard qui prend aussitôt la direction de la presqu’île. Ce mouvement, sans la caméra thermique, aurait échappé aux gendarmes. « L’an dernier, l’hélico nous a permis de prendre un particulier en flagrant délit au Canon. Cela demeure rare. Ce que l’on fait, là, surtout, c’est de la dissuasion. Et du renseignement. »
Arrivés à destination, les gendarmes patrouillent sans succès. Un nouveau message de l’hélicoptère les engage vers l’île aux oiseaux où la présence de deux plates ostréicoles est signalée. Abordés par les gendarmes qui disposent du relevé d’immatriculation des plus de 300 bateaux ostréicoles référencés sur le bassin d’Arcachon, les occupants se soumettent aux contrôles de papiers et aux vérifications des équipements de sécurité.
« Les ostréiculteurs victimes de vol ne s’en rendent pas forcément compte immédiatement. D’où l’intérêt de faire des contrôles quotidiens et de repérer les poches d’huîtres. Chaque professionnel a sa marque de fabrique » poursuit le major.
À 19 heures, une « plate très chargée » est signalée par l’hélico. La vedette part dans sa direction. Au cours de la soirée, les contrôles s’enchaînent. Sans leurs yeux aériens, les gendarmes ne pourraient pas se repérer. De nuit, si les lumières sont éteintes, les embarcations passent inaperçues.
(1) 700 poches d’huîtres marchandes, des numéros 2 et des numéros 3, prêtes à être consommées, avaient disparu. Soit un préjudice supérieur à 40 000 euros. « C’est terriblement violent », avait résumé le président des ostréiculteurs, après ce vol inédit.
