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Les entreprises qui réussiront demain seront humainement performantes ou ne seront pas – JDN

Notre approche traditionnelle de la performance est de moins en moins pertinente car la performance d’aujourd’hui n’est pas la même qu’hier. Les entreprises qui réussiront demain seront celles qui auront saisi l’importance d’investir la dimension humaine et relationnelle de l’amélioration continue. Il appartient aux dirigeants d’opérer une révolution mentale pour permettre une révolution affective des organisations. 
La crise du covid l’a révélé comme jamais : notre travail a une dimension relationnelle majeure. Car nous ne travaillons jamais seuls, et nous avons besoin de bien nous entendre avec nos collègues pour bien travailler ensemble. En d’autres termes, les relations sont un vecteur de performance majeur. Et ce n’est pas tout : elles déterminent notre bien-être, notre motivation et notre attachement à l’entreprise. Vous l’avez peut-être vécu personnellement en étant resté dans un travail qui ne vous plaisait pas parce que vous vous entendiez bien avec vos collègues, ou en le quittant à cause de mauvaises relations avec votre manager (comme 50% des motifs de démission, selon l’Institut Gallup). 
Les relations au travail ressortent comme le premier élément que l’on rattache au bonheur. Ce qui nous rend heureux, c’est de pouvoir appartenir à un groupe, de pouvoir être en relation avec les autres, et de passer de bons moments avec nos collègues. Depuis les confinements, beaucoup d'études montrent qu'il y a une explosion des dépressions parce que les gens se sont sentis isolés et n’étaient plus en relation les uns avec les autres. 
Mais alors si le bien-être des salariés, leur performance, leur envie de s’investir, de coopérer et de rester dans une entreprise est conditionné par leurs relations aux autres, pourquoi l’entreprise ne met-elle pas son obsession pour l’optimisation des processus au même niveau que l’enrichissement de ses relations ? Pourquoi suit-elle encore des indicateurs d’objectifs individuels et opérationnels sans considérer le relationnel ? Et si le plus grand obstacle à la performance était l’idée que l’on s’en fait ? Sans état d’âme, quantifiable et centrée sur le spectre financier.
Tout comme le travail a une dimension opérationnelle, faisant appel à notre intelligence cognitive, et une dimension relationnelle faisant appel à notre intelligence émotionnelle, la performance est opérationnelle et relationnelle. Il ne faut ni les opposer, ni privilégier l’un au détriment de l’autre, car elles se complètent. Mais admettons-le, la partie relationnelle est encore sous-estimée et c’est certainement le plus grand frein à la performance des organisations de nos jours.

Car le management de la performance, tel qu’il est exercé et enseigné aujourd’hui, envisage majoritairement l’amélioration continue sous le seul angle opérationnel et tend à systématiquement promouvoir les mêmes outils : le management par objectif, les “O.K.R” (Objective Key Result), et en tête, la culture du feedback. Derrière cette prophétie qu’elle aimerait ardemment auto-réalisatrice, l’entreprise rêve d’un monde dans lequel ses collaborateurs se demandent constamment comment progresser et faire mieux qu’hier.  
On nous apprend ainsi que “feedback is a gift”. Et si l’émetteur d’un feedback peut en effet avoir le sentiment de faire un retour pour le bien de l’autre, “de lui faire un cadeau”, il y a une asymétrie de position entre celui qui reçoit et celui qui émet le feedback constructif. Ce dernier est dans le cognitif, c’est-à-dire qu’il évalue quelque chose de manière objective, mais il ne mesure pas toujours que la personne qui va le recevoir va d’abord se mettre sur un plan émotionnel et relationnel. Ce décalage peut créer chez le destinataire des émotions négatives de honte, de culpabilité, de peur, voire d’indignation s’il a l’impression que l’évaluation n’est pas suffisamment juste. Donc un retour, même constructif, crée un petit froissement, une micro vexation et touche notre amour propre. 
Car nous ne sommes pas des machines. Nous avons besoin de travailler la relation pour avoir envie d’apprendre des autres et envie de s’améliorer. Nous avons besoin de sentir que ce feedback vient d’une intention bienveillante, tout comme nous avons besoin de nous sentir en confiance pour demander un feedback à notre tour.  
Les méthodes de performance classiques des organisations oublient l’essentiel : l’humain. Il appartient aux dirigeants d’opérer une révolution mentale propre à la notion de performance et de se détacher de certaines croyances. Ainsi, l’adage “on améliore ce que l’on mesure” fait sens sur la partie opérationnelle de notre travail, mais s’applique difficilement à une performance humaine qui est relationnelle et qualitative par nature. Pour ce qui est de la culture du feedback, ce n’est pas forcément en pointant nos insuffisances, nos incompétences ou nos imperfections que nous allons forcément avoir envie de nous développer. De même, le feedback positif ne donne pas nécessairement envie aux personnes de se complaire. Il est au contraire un levier pour permettre une performance relationnelle, c’est d’ailleurs la science qui nous le dit. 
Des études ont en effet révélé que lorsqu’une personne manifeste envers quelqu'un des attentes positives, comme par exemple "je suis sûr que tu vas réussir”, “j'ai confiance en toi”, “je suis persuadé que tu vas atteindre tes objectifs", statistiquement ces paroles vont améliorer la performance des personnes qui les reçoivent. C’est une prophétie auto-réalisatrice que l’on appelle l'effet Pygmalion. A l’inverse si cette personne reçoit des paroles négatives, elles vont saper son moral et sa confiance, et statistiquement, elle va sous performer (il s’agit de l’effet Golem).
 
Les expériences de Hawthorne de George Elton Mayo dans les années 20, montrent à leur tour que ce sont les marques d’attention et d'affection qui ont le plus d’impact sur la performance des salariés. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont observé des ouvrières dans une usine de relais téléphonique près de Chicago en modifiant des éléments pour voir l’impact que cela a sur la performance des équipes. Par exemple changer l’éclairage, la durée et l’heure des pauses. Ils découvrent que ce sont les marques d’attention et d’affection – ici, le fait que la Direction s’intéresse aux ouvrières –  qui ont le plus d’impact.
Le paradoxe que nous avons c’est que si la plupart des dirigeants attestent volontiers la valeur de l’humain dans leur organisation, ils sont confrontés à un dilemme : l'humain peut sembler chronophage et les coûts sont parfois plus visibles que les bénéfices. Il est effectivement complexe de chiffrer les burn-out, les départs ou les conflits qui n’ont pas eu lieu. De plus, l’humain n’a rien de rationnel et peut sembler s’opposer à notre vision cartésienne du travail. Ses indicateurs se traduisent généralement de façon qualitative et non quantitative. 
Mais comme nous le rappelle si bien Gary Hamel “Ce n’est pas parce que les indicateurs comptables ne peuvent pas mesurer la valeur de la proximité immédiate, de l’autonomie et de la qualité des rapports humains qu’elles n’en ont pas. Intangible ne veut pas dire insignifiant.”
Les dirigeants en prennent conscience, mais à nouveau j’attire leur attention sur le fait que la performance relationnelle ne s’adresse pas de la même manière que la performance opérationnelle. Qu’il ne suffit pas d’un team building, d’un “virtual coffee” ou d’une armée de coach pour faire travailler les équipes ensemble. Les bonnes relations au travail ne peuvent pas s’entretenir ponctuellement. Elles sont fragiles et demandent une attention continue. Et pour cela, la formation continue et pratique est certainement la meilleure solution. Entraîner ses équipes et son management à pratiquer et exprimer une attention continue et positive à l’autre est une solution pour préserver et entretenir de bonnes relations au travail, et ce de façon durable. 
Economie de l’attention ou du “care”, symétrie de l’attention, ces concepts s’imposent à nous car ils adressent des enjeux considérables pour l’entreprise : de bien-être au travail, de coopération et de rétention. Mais pas seulement. Car nous allons vers un monde où la valeur économique sera de plus en plus le produit de la collaboration, de la passion et de la joie que les gens trouvent dans leur travail. Pour toutes ces raisons, il devient évident que les entreprises qui réussiront demain seront celles qui auront saisi l’importance de reconsidérer leur vision de la performance et d’investir la qualité des relations au travail.  Aujourd’hui, plus que jamais, il est nécessaire d’entreprendre une révolution affective des organisations. 
Faustine Duriez
Faustine Duriez est la fondatrice de Cocoworker, un outil de formation continue au management positif qui améliore la qualité des relations au travail. Combinant théorie et mise en pratique grâce à un rituel de reconnaissance entre collègues, sa solution permet aux salariés de développer et valoriser leurs compétences relationnelles et de mettre l’intelligence émotionnelle au service du management. 

Passer de l’excellence opérationnelle à l’excellence relationnelle. La crise du covid l’a révélé comme jamais : notre travail a une dimension relationnelle majeure. Car nous ne travaillons jamais seuls, et nous avons besoin de bien nous entendre…
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