Via Forza Italia, le Parti populaire européen est en contact avec les dirigeants de la coalition de droite donnée gagnante par les sondages. Il met en garde contre des atteintes à l'Etat de droit et un dévoiement du plan de relance italien. Giorgia Meloni, présidente du parti européen ECR, connaît les rouages de l'Europe.
Par Karl De Meyer
Le 31 août dernier, l'Allemand Manfred Weber, président du Parti populaire européen (PPE) qui rassemble les conservateurs et les démocrates-chrétiens, s'est rendu à Rome pour soutenir le parti de droite libérale Forza Italia (FI) dans la campagne des législatives.
En temps normal, rien de plus normal que d'appuyer un parti affilié. Sauf que cette année, Forza Italia s'est allié aux Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, formation post-fasciste, et à la Ligue de Matteo Salvini, mouvement populiste xénophobe, dans une coalition donnée gagnante par les sondeurs.
Au Parlement européen, l'initiative de Manfred Weber est mal passée chez plusieurs eurodéputés, notamment auprès de ses compatriotes. Plusieurs d'entre eux ont critiqué l'engagement du Bavarois, soulignant les turpitudes passées du président de FI, Silvio Berlusconi, les accents antieuropéens de Frateli d'italia et les liens de la Ligue avec la Russie de Poutine.
Leur malaise est d'autant plus grand qu' en Suède les Modérés et les chrétiens-démocrates suédois, membres du PPE, se sont associés au parti d'extrême droite DS pour remporter l'élection du 11 septembre. En Espagne, le Parti populaire (PPE) gouverne depuis cette année la région de Castille-et-León avec le parti d'extrême droite Vox. A Bruxelles, certains se demandent si les conservateurs, amers de ne plus diriger aucun « grand pays » de l'UE, ne seraient prêts à sacrifier leur héritage démocrate-chrétien pour reprendre le pouvoir.
Manfred Weber, qui n'a pas souhaité parler aux « Echos » cette semaine, s'est justifié publiquement en disant « fonder [sa] confiance à Forza Italia sur le programme de centre droit, qui est une garantie pour l'Europe ». Selon l'un de ses collaborateurs, « nous cherchons à garantir que le contrat de gouvernement respectera l'Etat de droit. Nous n'affichons pas un soutien inconditionnel ».
A l'état-major du PPE, on pense que Forza Italia peut et doit modérer les élans potentiellement antieuropéens de Fratelli d'Italia, dont la leader, Giorgia Meloni, pourrait devenir présidente du Conseil. Selon nos informations, voilà plusieurs semaines que le PPE, via FI, fait passer des messages très clairs aux dirigeants de la coalition de droite pour éviter un électrochoc comme celui de 2018 . Ils insistent sur la nécessité de ne pas revenir sur la structure du plan de relance italien financé par le grand fonds européen créé par endettement commun.
« Si l'Italie, première bénéficiaire de NextGenEU , cafouille avec son plan de relance, il sera impossible de répéter l'exercice d'endettement commun », dramatise un vétéran du Parlement européen. Le message aurait été reçu cinq sur cinq à Rome. Forza Italia aurait même envoyé à Bruxelles des messages d'apaisement, assurant par exemple pouvoir contrôler l'attribution du portefeuille des Finances. Le nom de Giulio Tremonti, plusieurs fois ministre de l'Economie et des Finances de Silvio Berlusconi, est cité. La reconduction du titulaire actuel, Daniele Franco, rassurerait aussi les marchés.
Par ailleurs, début septembre le Parlement européen et les représentants permanents de la France, de la République tchèque (présidence actuelle de l'UE), et des trois prochaines présidences (Suède, Espagne, Belgique) ont déclaré vouloir approuver le Pacte sur la migration et l'asile d'ici à février 2024. Ce texte proposé par la Commission en 2020 est depuis partiellement bloqué . « Cet engagement est un signal envoyé à l'Italie qu'on écoutera ses demandes de solidarité européenne en matière d'accueil des migrants », analyse la même source.
Parmi les eurodéputés, un certain nombre sont rassurés de voir le PPE prendre les devants et désamorcer une possible dérive italienne. Ceux-là invitent en outre à ne pas diaboliser par avance Giorgia Meloni, présidente du parti européen ECR (European Conservatives and Reformists). La formation regroupe certes des mouvements eurosceptiques (Démocrates de Suède) ou de droite ultraconservatrice (Droit et justice en Pologne) mais n'est pas considérée d'extrême droite. Son groupe parlementaire travaille régulièrement avec les autres familles du Parlement.
Dans ce contexte, le PPE apprécie peu de se faire critiquer pour son rôle de médiation. « Il n'y a pas de stratégie générale de rapprochement avec les partis eurosceptiques, on décide au cas par cas, pays par pays, élection par élection », martèle un membre de l'état-major. Avant de rappeler que les socialistes italiens n'ont pas eu de difficultés à s'asseoir à la même table que les extrémistes de la Ligue du Nord dans le dernier gouvernement d'unité de Mario Draghi…
La leçon de ces débats est peut-être que la nervosité monte à l'approche de nouvelles élections en Bulgarie, en Lettonie et probablement au Danemark cette année, puis en 2023 en Pologne et en Espagne, deux gros enjeux pour le PPE.
La Russie s'invite dans la campagne électorale italienne
Opinion | L'Italie à un tournant ?
Karl De Meyer (Bureau de Bruxelles)
Pratique
Services
Le Groupe
Tous droits réservés – Les Echos 2022
source
https://netsolution.fr/piece-de-monnaie-commemorative-lettone-de-2-euros