Les artistes, ces « transmetteurs d’émotions » – La Croix

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Les émotions règnent sur le spectacle vivant. Elles nourrissent les artistes et les relient au public mais exigent aussi de la part des interprètes une maîtrise salutaire. Quand nos émotions nous gouvernent (4/9)
Lecture en 4 min.
Les artistes, ces « transmetteurs d’émotions »
Au théâtre, les émotions voyagent avant d’éclore au contact des spectateurs.
LAURINDO FELICIANO
Chaque soir au théâtre il est cet homme meurtri par la disparition irrésolue de sa fille de six ans. Avec Anne Brochet, Philippe Torreton forme un couple miné par une innommable douleur, dans Tout mon amour de Laurent Mauvignier (1). Une heure trente d’une extrême intensité qui projette le spectateur vers des horizons vertigineux. Le comédien, lui, revendique une « distance » indispensable. « Nous sommes des transmetteurs d’émotions, résume-t-il. Et pour cela, nous devons les maîtriser : un comédien qui se noie sur scène aura du mal à toucher le public. Évidemment, il peut y avoir des petites zones d’ébranlement intime mais elles appartiennent à chacun. Le public n’a pas à les voir. »
→ À LIRE. Quand nos émotions nous gouvernent, notre dossier
C’est dans cette subtile composition d’ombres et de lumières que se niche la singularité du métier d’acteur. « Seul le travail permet de trouver ce chemin, précise Philippe Torreton. C’est un parcours solitaire, d’abord seul avec le texte, puis en répétition avec le metteur en scène et ses partenaires. »
La comédienne Marie Rémond se souvient de sa première lecture de Tout va bien Mademoiselle !, d’Hélène Ducharne et Julien Cernobori, créé en novembre 2021, récit poignant d’une vie à l’épreuve de la maladie et des secrets : « J’avais le cœur serré, j’étais bouleversée, raconte-t-elle. J’ai été obligée de passer par une mise à distance, avec le travail du texte, pour à mon tour toucher le public avec la puissance de cette histoire. C’est lui qui doit recevoir, le comédien donne ».
→ CRITIQUE. « Tout va bien mademoiselle ! » au Théâtre du Rond-Point : la fureur de vivre
Malgré ce nécessaire apprivoisement, les émotions restent « présentes tout le temps », affirme Marie Rémond. « J’ai besoin de me sentir en empathie avec l’œuvre, poursuit-elle. Même si ce que l’on raconte n’a rien à voir avec ce que l’on vit, il y a des choses qui nous relient, que l’on connaît. Que l’on reconnaît. Paradoxalement, les histoires des autres me permettent de m’exprimer, d’être moi-même. Comme disait Vitez, pour jouer il faut savoir partir de soi, dans les deux sens : à la fois puiser en soi et s’éloigner. »
La pianiste Fanny Azzuro cultive aussi ce lien intime avec les œuvres. « L’émotion est la boussole de mes choix de répertoire, résume-t-elle. J’ai récemment enregistré les Préludes de Rachmaninov qui me bouleversent, jusqu’à me faire pleurer. Un signe que cette partition me “correspond” bien et que je serai capable de la défendre auprès du public. »
Une trop grande proximité avec le matériau d’une création peut cependant se révéler dévastatrice. La comédienne Camille Bardery en a fait l’expérience l’été dernier au festival « off » d’Avignon où elle a joué près d’un mois durant L’Élue, un seule en scène inspiré de son itinéraire.
« Je pensais avoir suffisamment de recul et que ce serait un spectacle libérateur. Au contraire, j’ai retraversé chaque jour les mêmes souvenirs, les mêmes émotions… Ce fut très éprouvant, confie-t-elle. Actuellement, je joue dans une pièce qui évoque le deuil et les grandes questions de l’existence, Une histoire d’amour d’Alexis Michalik. Il y a beaucoup de larmes mais à interpréter, c’est merveilleux. Je suis protégée par la fiction et la mise en scène. »
De la table au plateau, les émotions voyagent avant d’éclore au contact des spectateurs. « La musique apporte l’empathie et quand je l’écris, j’ai cette idée en tête, indique la violoniste, compositrice et cheffe d’orchestre Fiona Monbet (2). Le processus créatif est assez froid, car la technique musicale est là. Pour construire une partition, il faut conserver une neutralité vis-à-vis de ses émotions. Ensuite, en concert, les spectateurs créent leurs propres projections. »
→ PORTRAIT. Un tourbillon de violon avec l’album « Maelström » de Fiona Monbet
Comme la musique, la danse s’épanouit dans ce mystérieux alliage entre technique et sentiment. « La plupart des danses requièrent un minimum de technique mais celle-ci a aussi un côté affectif, assure le chorégraphe Noé Soulier, à l’affiche du prochain festival Montpellier Danse. L’émotion se loge dans la qualité des mouvements, dans les élans, les déséquilibres… Quand je danse moi-même, la charge émotionnelle est tellement forte que j’ai du mal à l’éprouver. Chorégraphier pour les autres me touche tout autant, voire davantage, c’est une manière d’élargir le spectre des expressions. »
Les artistes évoluent dans la lumière de la scène avec face à eux les énigmatiques vibrations de l’assemblée. « Nous fabriquons des émotions et elles se révèlent chez le public, dit Jacques Bonnaffé, qui reprend L’Oral et Hardi, allocution poétique (3). Elles ne sont pas forcément tristes, l’éventail est large. Ce que j’aime sentir, ce sont les variations d’âmes, de la mélancolie discrète au rire sonore. » Pour la pianiste Fanny Azzuro, « l’ouverture émotionnelle du public est fondamentale », même si celui-ci n’arpente pas toujours les mêmes terrains que les interprètes.
→ CRITIQUE. Fanny Azzuro et Cathy Krier : deux pianistes, mille couleurs
« En jouant, je suis traversée par des sentiments nés de l’harmonie, de la mélodie… Mes émotions sont alors un outil de transmission aux spectateurs, explique la violoniste Liya Petrova. Mais comme moi, ils gardent leur liberté de réaction. Leurs propres affects peuvent être très différents des miens. » Le spectacle constitue cependant un extraordinaire moment de partage. « Il est arrivé que des gens viennent me voir en larmes après le concert, confie Fiona Monbet. C’est fort de savoir que l’on a inspiré un sentiment unique à quelqu’un : on se sent capable de changer le monde, de le rendre meilleur. »

(1) mis en scène par Arnaud Meunier, jusqu’au 4 juin au théâtre du Rond-Point à Paris.
(2) Fiona Monbet présente son album Maelström, le 28 mai à Châtenay-Malabry et le 4 août à Jazz in Marciac.
(3) du 1er au 24 juin au théâtre de la Bastille à Paris.
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