Synthé virtuel hybride de la marque Arturia
Le synthé le plus puissant à avoir jamais vu le jour chez Arturia est de retour pour une quatrième version. Le plug ultime ?
De V-Collection en V-Collection, on a longtemps associé Arturia à l’émulation des claviers de légende, jusqu’à ce que les Grenoblois nous montrent à quel point ils savaient se montrer inventifs lorsqu’il s’agissait de créer leurs propres instruments matériels. En vis-à-vis de l’excellente gamme de synthés Brute et du MicroFreak, Pigments est la concrétisation logicielle du savoir-faire d’Arturia dans la facture de synthés originaux, un énorme hybride dont les capacités et la polyvalence ont de quoi en faire le « Go-to » synthé vers lequel on se tourne pour produire n’importe quel son, de n’importe quelle façon. Synthèse à table d’onde, soustractive, additive ou granulaire, échantillonnage : rien ne semble devoir lui échapper, tandis que le logiciel jouit de capacités de modulations dantesques et d’une remarquable section d’effets. Mais le plus impressionnant dans tout cela demeure l’excellente ergonomie de ce qui aurait pu tourner à l’usine à gaz absconse. Bref, c’est peu dire que Pigments était dès sa première version une réussite et qu’on est ravi de le voir débarquer dans une quatrième mouture dont on se demande bien ce qu’elle va apporter de neuf à un logiciel déjà très complet. Or la liste des nouveautés est relativement longue si l’on considère que cette mise à jour est gratuite pour tous les utilisateurs du logiciel, tandis qu’elle achèvera de convaincre les autres de s’y mettre…
Et ça commence logiquement par l’interface…
Le problème avec le genre de grosse Bertha de la synthèse qu’ambitionne d’être Pigments, c’est que les paramètres ont vite fait de s’y multiplier pour que l’interface ressemble, à la fin, au tableau de bord d’un A320. Bien conscients de cela, les développeurs de Pigments nous gratifient d’un nouveau mode Play qui résume en un panneau unique les principales commandes et visualisations d’un preset, ce qui ravira les utilisateurs qui n’ont pas forcément envie de mettre les mains dans le moteur.
Accompagnant cela, un nouveau thème clair est de la partie : rien à dire sur cette démarche sur le plan des goûts et des couleurs, si ce n’est qu’il éclate les yeux et propose nombre de contrastes qui ne sont pas suffisants pour assurer la lisibilité de l’interface. À revoir selon moi après que les graphistes auront testé leur palette avec un Contrast Checker comme en proposent quantité de sites spécialisés dans l’accessibilité, sachant qu’on n’est pas là face à une question de « préférences » ou « d’esthétique » mais face à un impératif ergonomique basé sur la physiologie humaine.
Ce petit détail n’entachera pas toutefois l’ergonomie du logiciel qui demeure toujours aussi excellente, d’autant qu’on dispose désormais d’un nouveau mode d’édition rapide des modulations via un simple cliqué-glissé de la source vers la destination après quoi on pourra définir le débattement de la modulation, toujours avec le mulot… Plein d’autres petites choses simplifient l’usage au quotidien : des petits flèches pour faire défiler les options dans les modules multimodes, des presets de base pour les LFO, ou encore la possibilité de shunter simplement les section Seq et FX… Bref, tout cela est bienvenu, d’autant que cela s’accompagne de pas mal de nouveautés du côté moteur, effets et fonctionnalités.
En vis-à-vis des nouveautés ergonomiques, certaines évolutions permettent ainsi d’élargir le terrain de jeu créatif. Côté rythmique, on notera de nouveaux modes de syncro pour les modulateurs du logiciel, tout comme la possibilité d’aller plus loin dans la fonction Mode Osc avec des options de ratio et une plage de valeur pouvant s’étendre de 0,1 Hz à 20 000 Hz.
Le côté mélodique n’est pas en reste puisque Pigments est désormais compatible avec MTS-ESP, le logiciel de microaccordage conçu avec Aphex Twin… Et on a aussi droit à pas mal de petites choses intéressantes du côté des générateurs sonores : le moteur à tables d’ondes dispose ainsi d’une nouvelle fonction « modulation en anneau » qui permet de produire du mouvement dans vos sons comme de les tirer vers un rendu plus métallique, tandis qu’on dispose d’un réglage Pulse Width dans la section Phase Transformation… Bref, rien de révolutionnaire du côté moteur mais des petits évolutions appréciables, tandis qu’on a aussi le droit à des nouveautés du côté des effets et traitements.
Évidemment, une nouvelle version de Pigments est toujours l’occasion de compléter l’arsenal de filtres et d’effets du logiciel en intégrant les modélisations réalisées pour la V-Collection ou la FX Collection. C’est ainsi qu’on dispose désormais, outre des amélioration d’anciens effets, du fameux filtre du MS-20, sauvage à souhait avec ses modes HP6 et LP12 pour amener un peu de hargne à ce synthé qui semble parfois trop sage, mais aussi d’une Shimmer Reverb qui, en combinant réverbe et pitch shifting, sera une précieuse alliée pour transformer n’importe quel son bébête en nappe atmosphérique.
Complétant le tout, on a enfin droit à un Super Unison qui vous permettra d’épaissir le son de la plus belle et fat des manières, d’autant que le contrôle de ce dernier est désormais uniforme quel que soit le moteur de synthèse utilisé.
Et bien évidemment, cette version 4 permet aussi à Arturia d’agrémenter son soft de nouvelles ressources : 63 nouvelles tables d’ondes (dont des choses volontairement crades très intéressantes), 67 nouveaux samples (808, voix, etc.) et 36 nouveaux types de bruits (sons de nature ou industriels, entre autres), lesquels sont au coeur des nouveaux presets proposés par l’éditeur. Or, puisqu’on parle de presets, il est à noter que trois banques sont commercialisées en vis-à-vis de cette mise à jour qui demeure gratuite pour les possesseurs de Pigments : Wavelengths Lo-fi, Wavelengths Neuro Bass et Wavelengths Cinematic dont les noms parfaitement évocateurs disent bien à qui ils s’adressent… Voici quelques exemples pour vous faire une idée :
Enfin, notons-le, le logiciel se montre bien moins gourmand que dans ses premières versions à la faveur d’un travail d’optimisation. Sur un processeur M1 Pro, une dizaine d’instances demeuraient aux alentours des 27–28 %, ce qui s’avère extrêmement raisonnable pour un gros synthé…
Il n’y a pas grande critique à adresser à une mise à jour gratuite, ce qui n’empêche pas de prendre un peu de recul sur ce Pigments 4 qui ne manque clairement pas d’arguments pour devenir le synthé de premier choix du quantité de musiciens. On sent chez Arturia la volonté marquée de proposer quelque chose de riche et puissant en termes de possibilités, gage d’une grande polyvalence, au sein d’une interface qui demeure compréhensible et intuitive : et ça marche ! De fait, on obtient un joli petit monstre auquel on ne pourra reprocher que sa personnalité, voire sa personnalité discrète, en regard de synthés à l’identité plus marquée dans le son, ce qui est sans doute le revers de médaille de ce côté tout-terrain. Une vraie réussite en tout cas qu’on aimerait, dans le sens inverse du MiniFreak récemment porté en plug-in, voir un jour matérialisée…
Si j’avais eu le physique, nul doute que j’aurais fait un grand Sumo, mais vu que je ne pèse que 80 kg, j’occupe mon temps comme je peux entre musique et littérature.
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