Principal instrument de lutte contre la pauvreté, le revenu de solidarité active (RSA) est aujourd’hui attribué à plus de deux millions de foyers pour une dépense annuelle de 15 milliards d’euros – la crise sanitaire ayant accru les risques de précarité. Le rapport publié ce jour évalue les résultats de ce dispositif jamais évalué dans sa globalité depuis 2011, malgré la hausse continue du nombre de ses bénéficiaires et son importance en termes sociaux et financiers. Ce travail, piloté par la Cour des comptes et dix chambres régionales et territoriales, s’appuie sur des investigations nationales et des enquêtes menées dans neuf départements, dont chacun illustre une situation spécifique : l’Allier, l’Aude, le Bas-Rhin, la Gironde, l’Ille-et-Vilaine, la Martinique, le Pas-de-Calais, la Réunion et la Seine-Saint-Denis. Réalisée en s’appuyant sur de nombreuses bases de données, cette évaluation ambitieuse identifie les succès du RSA, tels que la protection contre la grande pauvreté, et propose trois grandes orientations pour remédier aux faiblesses du dispositif.
Associant un grand nombre d’acteurs (financeurs, décideurs, opérateurs), le cadre institutionnel du RSA est peu lisible pour les bénéficiaires, et sa coordination est difficile. En outre, son financement a été fragilisé par l’augmentation quasi ininterrompue du nombre d’allocataires depuis la création du dispositif (+ 46% d’allocataires entre 2009 et 2019). Couplée aux revalorisations des montants versés, cette hausse explique que la dépense publique annuelle totale ait atteint 15 milliards d’euros en 2019. Or, depuis 2009, un écart continue de se creuser entre la hausse des recettes et celle des dépenses restant à la charge des départements, et ce, de façon très différenciée selon les territoires. La Cour considère qu’une recentralisation « à la carte » du financement de l’allocation à la charge de l’État ne constitue pas une réponse soutenable à une difficulté qui concerne l’ensemble des départements. Ces derniers doivent être confortés dans leur rôle de responsable du RSA, et la clé de financement doit être révisée dans le respect du principe « financeur = décideur ».
A l’opposé des autres minimas sociaux spécialisés par publics, le RSA a vocation à s’adresser à l’ensemble de la population en âge de travailler, dès 25 ans. Or, avec des taux de couverture d’environ 70 % pour le volet allocation, et de 40 % pour le volet accompagnement, le RSA ne bénéficie pas assez aux personnes auxquelles il est destiné. Si la fraude n’affecte que marginalement le nombre de bénéficiaires, elle a en revanche un impact significatif sur les montants versés, avec 190 millions d’euros de dépenses indues détectées en 2019 – correspondant à 1 milliard d’euros de fraude potentielle en 2019.
De manière constante depuis 2010, 65 % des bénéficiaires du RSA vivent sous le seuil de pauvreté – soit une part plus de quatre fois plus élevée que dans la polulation générale. Cette situation résulte des montants garantis par l’allocation, d’un niveau inférieur au seuil de pauvreté monétaire. Elle reflète le choix qui a présidé à la création du RSA, selon lequel c’est l’exercice d’une activité rémunérée qui doit éloigner durablement les personnes de la pauvreté. S’il ne suffit pas à franchir le seuil de pauvreté, le RSA permet en revanche de réduire son intensité, et protège efficacement ses bénéficiaires contre la « très grande pauvreté » au sens statistique du terme (correspondant à 40 % du revenu médian national, contre 60 % pour le seuil de pauvreté), puisqu’ils ne sont que 16 % à en souffrir.
L’innovation majeure du RSA réside dans son mécanisme d’intéressement : en cas d’activité professionnelle, le bénéficiaire voit son allocation diminuer non plus du total de ses revenus du travail, mais de 38 % seulement. De fait, le RSA a quasiment fait disparaître les « trappes à inactivité » – ce qui constitue l’une de ses plus grandes réussites. En revanche, l’accès à l’emploi reste particulièrement difficile pour les bénéficiaires. Le taux de retour à l’emploi (3,9 % par mois en 2019) est très inférieur à celui de la moyenne des demandeurs d’emploi (8,2 %). Les sorties en emploi sont de surcroît plus précaires. Au total, sept ans après l’entrée au RSA d’une cohorte d’allocataires, seuls 34 % l’ont quitté et sont en emploi – parmi lesquels, seul un tiers est en emploi de façon stable.
L’orientation vers un organisme d’accompagnement n’est, quant à elle, pas réalisée pour 18 % des allocataires. On estime, par ailleurs, que 40 % des allocataires ne disposent pas de contrat d’accompagnement – document pourtant obligatoire pour formaliser les engagements respectifs des pouvoirs publics et de l’allocataire. Lorsqu’il existe, l’accompagnement est souvent inadapté aux difficultés spécifiques des allocataires du RSA. Ainsi, ceux qui sont suivis par Pôle emploi bénéficient de moins d’une prestation par an en moyenne, de type atelier ou formation. Pour les allocataires suivis directement par les départements, le constat est similaire : actions d’accompagnement peu nombreuses et peu orientées vers l’emploi, contractualisation souvent de pure forme, et suivi individuel des « droits et devoirs » quasi inexistant.
Au vu de ces constats, les juridictions financières formulent dix-sept recommandations fondées sur trois orientations générales : l’augmentation de la couverture de la population cible, la pleine application des droits et devoirs réciproques, ainsi qu’une responsabilisation accrue des départements et une réforme du financement.
1 – Le rapport général synthétisant l’ensemble des travaux, complété d’une synthèse illustrée
2 – Quatre documents annexés au rapport général :
– les études quantitatives nationales
– les résultats du sondage réalisé auprès des bénéficiaires et anciens bénéficiaires du RSA
– l’étude des droits connexes (« Equinoxe ») réalisée en partenariat avec l’université Gustave Eiffel
– une synthèse comparative des neuf rapports territoriaux
3 – Les neuf rapports territoriaux, accompagnés de leurs annexes respectives (trajectoires des bénéficiaires du RSA, étude d’un échantillon de contrat d’engagements réciproques, et données relatives à l’accompagnement de Pôle emploi).
4 – Les données figurant dans ces documents, téléchargeables dans deux formats différents : un format brut (.csv) et un format enrichi avec graphiques (.xls). Les données sources de l’étude Equinoxe sont également mises à disposition.
70% seulement du public ciblé bénéficie de l’allocation RSA, ce qui laisse subsister des situations de précarité et d’exclusion. La Cour des comptes recommande d’engager une expérimentation pour automatiser la notification d’éligibilité au RSA.
Seuls 16% des bénéficiaires du RSA sont en situation de “grande pauvreté”, bien que 65% vivent sous le seuil de pauvreté. 78% des bénéficiaires estiment que le RSA leur a permis d’avoir un revenu minimum et d’éviter de tomber dans la pauvreté (enquête BVA pour la Cour des comptes).
Seuls 34% des allocataires entrés au RSA de 2009 à 2011 en sont sortis 7 ans plus tard et sont en emploi, dont seulement 1/3 en emploi stable. S’il n’existe aujourd’hui quasiment plus de “trappes à inactivité”, les difficultés rencontrées par les allocataires pour accéder à l’emploi restent très importantes.
40% des bénéficiaires du RSA ne disposent pas de contrat d’accompagnement, pourtant obligatoire, et le nombre d’actions proposées est très faible (moins d’une prestation par an en moyenne, par exemple, pour les allocataires en accompagnement dit “renforcé” auprès de Pôle emploi).
Le Revenu de solidarité active, plus connu sous son sigle le RSA, est le principal instrument de lutte contre la pauvreté en France. Son budget est de 15 milliards d’euros chaque année et il bénéficie à près de 2 millions de foyers. Or, depuis sa création en 2009, ce nombre de bénéficiaires a augmenté de près de 50%, mais aucune évaluation d’efficacité n’a été réalisée depuis plus de dix ans. La Cour des comptes a donc cherché à évaluer les résultats du RSA par rapport aux trois objectifs qui lui sont assignés par la loi.
Le premier objectif, c’est de lutter contre la pauvreté avec un montant fixé à 560 euros. Le RSA n’a pas vocation à faire franchir à lui seul le seuil de pauvreté, qui est d’environ 1060 euros par mois. De fait, les deux tiers des bénéficiaires du RSA sont pauvres au sens monétaire. C’est quatre fois plus que sur l’ensemble de la population. En revanche, près de 85% d’entre eux disposent de revenus supérieurs au seuil de la très grande pauvreté. Le RSA protège donc bien contre la grande pauvreté, ce que confirme le ressenti des bénéficiaires. D’après le sondage réalisé par l’institut BVA pour la Cour des comptes auprès de bénéficiaires et d’anciens bénéficiaires du RSA, 78% d’entre eux affirment que le RSA leur a permis de ne pas tomber dans la pauvreté. Il faut néanmoins signaler une limite à ce constat seules sept personnes sur dix éligibles au RSA le perçoivent effectivement, ce qui laisse donc subsister un certain nombre de situations de précarité et d’exclusion.
Le deuxième objectif du RSA est d’encourager l’activité professionnelle. Sur ce plan, nous constatons une grande réussite, mais aussi un échec. La grande réussite, c’est le mécanisme incitatif du RSA conjugué à la prime d’activité. Grâce à ce mécanisme, travailler permet d’avoir des revenus supérieurs aux seules allocations. Ce résultat, qui montre la disparition des trappes à inactivité dont la plupart des cas a été établi grâce à une étude très fine réalisée en partenariat avec l’Université Gustave-Eiffel. Le problème, c’est que malgré ces incitations, les difficultés rencontrées par les allocataires pour accéder à l’emploi restent très importantes parmi les personnes entrées au RSA de 2009 à 2011. Seuls 34% en sont sortis et sont en emploi sept ans plus tard. Et par ailleurs, un tiers seulement de ces personnes sont en emploi stable.
Le troisième objectif du RSA est de favoriser l’insertion des personnes grâce à un accompagnement social ou professionnel. Mais les résultats en la matière sont loin d’être suffisant et c’est probablement là le plus grand échec du dispositif. Tout d’abord, 40% des allocataires n’ont pas de contrat d’accompagnement. C’est pourtant un document obligatoire pour formaliser les engagements respectifs des pouvoirs publics et de l’allocataire. Deuxièmement, l’accompagnement est souvent inadapté aux difficultés spécifiques des allocataires du RSA. Ainsi, les allocataires suivis par Pôle emploi bénéficient de moins d’une prestation par an en moyenne, de type ateliers ou formation et pour les allocataires suivis directement par les départements. Le constat est similaire.
À partir de ces constats, la Cour propose trois grandes orientations pour améliorer la situation. D’abord, il faut diminuer le non-recours au RSA pour combattre les situations de précarité et d’exclusion. Pour cela, la Cour recommande de simplifier les démarches. Deuxième orientation il faut renforcer l’accompagnement des personnes les plus en difficulté afin qu’elles ne restent pas bloquées au RSA. En contrepartie, il faut mieux formaliser et sanctionner les manquements. C’est la logique des droits et devoirs. Enfin, les départements doivent être confortés dans leur rôle de responsable du RSA pour coordonner plus efficacement l’action de terrain. Cela passe par une réforme du financement du RSA qui respecte le principe décideur payeur.
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