Le quiet quitting, ou démission silencieuse, est le nouveau phénomène en vogue. Cette appellation est apparue depuis plusieurs semaines afin de qualifier un nouveau mode de fonctionnement de l’activité salariale après la pandémie. Cet épiphénomène tire en partie ses racines du réseau social TikTok et de ses vidéos virales et questionne les principaux concernés. Une tendance qui, si elle se pérennise, pourrait devenir l’un des nombreux sujets d’angoisse des managers et autres professionnels du recrutement.
Le quiet quitting, signifie démission silencieuse. Les salariés concernés ne quittent pas concrètement leur travail, mais préfèrent rester en poste en se contentant d’effectuer le strict minimum. Respect des horaires à la minute près, ne pas répondre aux sollicitations en dehors de leur activité professionnelle, ne pas se donner la peine d’aider une collègue. Se surpasser sans compter ses heures au détriment de sa vie personnelle ? Certains disent stop, comme l’explique Adrien Scemama, responsable de Talent.com, plateforme de diffusion d’offres d’emploi.
“Les adeptes du quiet quitting sont des salariés qui refusent que leur boulot soit au centre de leurs préoccupations. Ils décident alors de ne pas démissionner, mais de ralentir la cadence pour préserver leur santé mentale” explique Adrien Scemama, responsable de Talent.com, plateforme de diffusion d’offres d’emploi.
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Ce phénomène de quiet quitting est lié à la satisfaction éprouvée par la population active dans leur cadre professionnel. Selon une étude du cabinet Gallup, seuls 6% d’actifs sont dévoués à leurs tâches chaque jour. 94% ne le sont donc pas et 25% d’entre eux se disent totalement désengagés. Ce désintérêt peut s’expliquer par différents facteurs et principalement par le manque de considération financière et de reconnaissance liées au travail réalisé. Beaucoup se disent délaissés voire totalement ignorés. C’était le cas de Romain, employé dans une grande entreprise de communication, qui, après avoir “trimé”, en particulier pendant la période de pandémie, a décidé de lâcher prise :
“Finir après 18h30, c’est terminé. Tout comme accepter des dossiers pour lesquels je sais que nous sommes en sous-effectif, ou sourire à mes managers alors qu’il existe un manque cruel d’accompagnement des salariés. C’est la solution que j’ai trouvée pour ne pas craquer […], je vois simplement cette stratégie comme un mécanisme de défense, avant de potentiellement trouver autre chose. Et je ne suis pas le seul”
Un témoignage qui vient appuyer les propos de Christophe Nguyen, psychologue du travail :
“Le quiet quitting n’est qu’une démonstration de plus d’un certain désenchantement des salariés vis-à-vis des promesses non tenues de l’entreprise, en termes d’émancipation, de reconnaissance et de bien-être”.
Le quiet quitting est donc synonyme d’une baisse de motivation et d’un faible taux d’engagement des salariés. Il peut aussi expliquer une chute de la productivité ou d’un retrait de l’équipe, limitant la communication et l’interaction à ce qui est uniquement nécessaire et obligatoire.
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Pour remonter aux racines du quiet quitting, il faut traverser l’Atlantique. Aux États-Unis, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur grâce à une multiplication de vidéos postées sur TikTok. L’une d’entre elles a particulièrement été relayée, plus de trois millions de vues, et conseille aux abonnés se sentant concernés d’opter pour ce nouveau mode de fonctionnement :
“Vous remplissez toujours vos fonctions, mais vous ne souscrivez plus à la mentalité consistant à se démener pour le boulot, qui dit que le travail doit être votre vie. La réalité, c’est que ça ne l’est pas, et votre valeur en tant que personne n’est pas définie par votre travail […] Arrêtons de nous tuer à la tâche, de cautionner la hustle culture (la culture du burn-out), le travail n’est pas votre vie et votre valeur n’est pas indexée à votre productivité”.
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Le quiet quitting est une conséquence directe de la crise sanitaire passée, des confinements, de la déconnexion progressive au monde professionnel. Le télétravail s’est démocratisé, offrant aux salariés de nombreux avantages : moins de temps passé dans les transports, le confort de travailler depuis chez soi, avoir plus de temps à accorder à sa vie personnelle… Certains y ont pris goût, parfois au détriment de leur productivité. Cette crise du COVID-19 a fait office de prise de conscience pour une grande partie de la population active française. Il faut accepter que nous sommes entrés dans un nouveau monde dans lequel la recherche du bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle prime dans les choix des salariés.
Le quiet quitting ayant été démocratisé via les réseaux sociaux, la jeune génération a donc été la première à revendiquer cette nouvelle philosophie de l’emploi. Elle est actuellement davantage attentive aux conditions de travail dans lesquelles elle évolue et au bien-être procuré par leurs tâches quotidiennes plutôt que par le type de contrat proposé au moment de l’embauche. Cette jeunesse n’accepte plus de travailler sous n’importe quelles conditions. Près de 70% des jeunes seraient enclins à quitter leur job si leur employeur leur demandait de revenir à 100% en présentiel, indique une récente étude de l’ADP Research Institute.
Ceci étant, attention aux prises de risques inconsidérés. Comme le dit l’expression consacrée : “on sait ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on gagne”. Des mots qui prennent tout leur sens puisque, selon une étude récente de l’éditeur de solutions RH UKG, 43% des personnes qui ont quitté leur emploi reconnaissent a posteriori qu’elles se sentaient finalement mieux dans leur ancienne situation professionnelle.
Selon une autre étude réalisée par Malakoff Humanis en juillet dernier, 23% des salariés de moins de 30 ans évoquent une mauvaise santé mentale contre 16% pour l’ensemble des salariés. On comprend donc pourquoi la jeunesse française est plus sensible au quiet quitting.
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En réponse au quiet quitting, les employeurs se doivent de trouver des solutions afin de permettre aux salariés de retrouver une situation stable et épanouissante au sein d’une entreprise. Pour y parvenir, plusieurs procédés peuvent se montrer efficaces :
Quiconque tente de reconstruire et de réparer la confiance qui a été rompue doit d’abord reconnaître la manière dont les employés ont été lésés. Dans de nombreux cas, la direction n’est pas forcément consciente de la façon dont les employés se sentent sous-estimés. Il est essentiel de recueillir leurs ressentis. Créer des plateformes d’écoute anonyme pourrait favoriser la communication entre employeurs et employés.
Après avoir recueilli les doléances de ses salariés, et pour éviter un nouvel épisode de quiet quitting, il faut en comprendre les raisons. Les dirigeants n’en sont peut-être pas la cause directe, mais une partie du travail des personnes au pouvoir consiste à reconnaître comment ils ont créé une atmosphère dans laquelle un climat délétère s’est instauré, même s’ils n’en sont pas les auteurs directs. Réaliser un audit semble être une solution viable pour analyser en profondeur l’origine des problèmes rencontrés.
Rétablir la confiance qui a été rompue doit aller au-delà des excuses, de la reconnaissance et de la responsabilité. Il doit y avoir des actions spécifiques pour soutenir ceux qui ont été lésés. Parfois, le quiet quitting peut être le résultat d’un mal-être profond lié à des relations sociales tendues entre collègues de travail. Comprendre le problème et agir en conséquence peut permettre aux salariés concernés de retrouver une certaine sérénité au sein de l’entreprise et, par conséquent, retrouver la confiance en son supérieur hiérarchique ayant œuvré pour son bien-être.
Pour rétablir ce climat de confiance, les actions mises en place doivent se pérenniser dans le temps, et cela de manière collective. Les employeurs doivent vraiment s’engager envers l’équité et la justice en milieu de travail et cet engagement doit être suivi d’actions cohérentes. Créer un environnement de travail épanouissant peut diminuer le développement du quiet quitting. en mettant place de moments de détente au sein même de l’entreprise par exemple.
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