Les industriels de la fibre et la Banque des Territoires ont effectué une étude pour améliorer la pérennité des réseaux télécoms. Ils plaident pour que certaines infrastructures soient dédoublées et que les câbles soient enfouis autant que possible.
Par Sébastien Dumoulin, Raphaël Balenieri
« Que se passerait-il si une tempête comme celle de 1999 privait des dizaines de milliers de foyers de réseau télécoms ? » C'est la question qu'a posée Philippe Le Grand, le président d'InfraNum – la fédération regroupant les professionnels de la fibre optique – aux acteurs du secteur réunis mercredi dans les locaux de la Banque des Territoires, à l'occasion de la parution d'une étude sur la résilience des réseaux télécoms.
Le tableau dressé par InfraNum est volontairement alarmiste. « La résilience, c'est se préparer aux événements qu'on ne pensait pas imaginables », assure Philippe Le Grand, qui rappelle que peu de gens avaient vu venir le Covid-19 et la ruée concomitante vers le télétravail et la fibre optique – pas plus que la guerre en Ukraine.
Alors que le grand public et les entreprises dépendent toujours davantage de leur connexion à Internet, les conséquences d'un éventuel black-out seraient majeures pour l'économie… et dévastatrices pour les « telcos ». « La tempête Alex, c'est 1 milliard d'euros de dégâts. Si ce type d'événement climatique venait à se multiplier, on parle de dizaines de milliards d'euros de dommages potentiels sur nos réseaux. »
Fibre optique : la filière veut régler pour de bon les problèmes de qualité
Malheureusement, le réseau fibre paraît mal préparé à encaisser des chocs majeurs. En plus des malfaçons et autres dégradations volontaires, le réseau flambant neuf a une caractéristique qui le rend particulièrement vulnérable aux intempéries : une petite moitié des câbles de fibre optique installés dans l'Hexagone – soit 500.000 km de linéaire – ne sont pas enfouis dans la terre mais posés sur des poteaux de téléphonie ou d'électricité. Ces derniers sont susceptibles de tomber en cas de chute d'arbre, de feux de forêt, d'accident de la circulation, voire lorsqu'ils sont la cible involontaire de chasseurs (même si c'est assez rare).
Pour se préparer au pire, la filière préconise « un cocktail de solutions », selon les mots d'Antoine Darodes, responsable des investissements numériques à la Banque des Territoires. La première mesure, de loin la plus onéreuse, consisterait à enfouir la moitié des câbles aériens. Le rapport plaide également pour doubler toutes les infrastructures sensibles et renforcer la sécurité des sites critiques : blinder les portes des centraux téléphoniques, redonder les batteries et climatisations, mettre en place de la vidéosurveillance…
Il conviendrait également de prévoir des pièces de rechange pour rétablir le service dans des délais les plus courts possible. Et, bien sûr, de coordonner au mieux la réponse aux incidents entre la multiplicité des acteurs publics et privés impliqués. Montant indicatif de l'effort à fournir : 10 milliards d'euros. « Cela ne va pas se faire du jour au lendemain. On part au minimum sur la fin de la décennie », précise Antoine Darodes.
La question économique ne manquera pas de faire débat. Outre que le plan fibre a déjà coûté 20 milliards d'euros depuis son lancement en 2013, dont 3 milliards apportés par l'Etat, personne n'a encore établi quelle serait la répartition de la charge. « En ce qui concerne les travaux de sécurisation, de renforcement, d'enfouissement ou de dévoiement du réseau fibre, il y a un problème de péréquation », explique Ariel Turpin, délégué général de l'association de collectivités Avicca.
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Tous les réseaux ne sont pas logés à la même enseigne. Dans les zones rurales ou en Outre-mer, les lignes sont beaucoup plus exposées. Or, contrairement au vieux réseau cuivre qui était partout entretenu par Orange grâce à un tarif unique sur tout le territoire, tel n'est plus le cas de la fibre qui est déployée et exploitée localement par une myriade d'acteurs. « On fait quoi ? Et qui paie ? Les collectivités ne veulent pas tout payer », alerte Yann Breton, le directeur de Gironde Numérique, le syndicat mixte qui pilote les déploiements en Nouvelle-Aquitaine.
« Le financement n'est pas un problème. La Caisse des dépôts est prête à mobiliser des fonds », assure Antoine Darodes. Du côté d'InfraNum, on lance un appel à des collectivités volontaires pour lancer dès l'automne des pilotes pour éclairer les autres territoires. Reste que les opérateurs ne sont pas enthousiastes à l'idée de remettre au pot. « Nous sommes déjà opérateurs d'importance vitale et devons communiquer nos plans de continuité aux préfectures. Il n'y a pas de problème majeur de résilience des réseaux fibre », s'agace l'un d'entre eux.
Les sceptiques pointent que les industriels de la fibre cherchent surtout des relais de croissance, alors que le chantier de la fibre touche à sa fin. Selon InfraNum, ce plan de résilience permettrait de créer 7.000 emplois – soit la moitié des 15.000 postes liés au déploiement amenés à disparaître d'ici à 2025.
Raphaël Balenieri et Sébastien Dumoulin
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http://fragua.org/otdr-pour-detecter-un-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/
https://netsolution.fr/detection-dun-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/