Les achats groupés d’énergie ont permis à des dizaines de milliers de consommateurs et la grande majorité des collectivités locales de bénéficier de prix réduits sur l’électricité et le gaz et d’un cadre juridique sécurisant. Nés avec la libéralisation du marché, ils meurent aujourd’hui de ses excès.
« Energie moins chère ensemble », c’est le nom de l’opération qui a séduit 120 000 souscripteurs en 2019. Un succès pour UFC-Que Choisir qui organisait pour la cinquième fois des achats groupés d’énergie. Objectif : « permettre aux consommateurs de bénéficier de la libéralisation du marché en négociant une offre attractive et des conditions juridiques satisfaisantes », résume Jérôme Franck, directeur général délégué de l’association de consommateurs.
Une manière de « lutter contre les clauses abusives », selon lui, autrement dit contre les dangers d’une ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et de celui du gaz, dont les premières victimes risquaient d’être les…
« Energie moins chère ensemble », c’est le nom de l’opération qui a séduit 120 000 souscripteurs en 2019. Un succès pour l’UFC-Que Choisir qui organisait pour la cinquième fois des achats groupés d’énergie. Objectif : « permettre aux consommateurs de bénéficier de la libéralisation du marché en négociant une offre attractive et des conditions juridiques satisfaisantes », résume Jérôme Franck, directeur général délégué de l’association de consommateurs.
Une manière de « lutter contre les clauses abusives », selon lui, autrement dit contre les dangers d’une ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et de celui du gaz, dont les premières victimes risquaient d’être les ménages, mal informés et, à titre individuel, sans aucune capacité de négociation.
« Cela répond à une attente, liée au manque de confiance des consommateurs dans les fournisseurs », poursuit-il. Ils veulent en particulier un dispositif d’accompagnement en cas de litige.
Ayant pour règle de tirer ses revenus de ses seules missions d’intérêt général, « l’association ne demandait pas de commissions aux fournisseurs », précise Jérôme Franck. C’est aux souscripteurs qu’il revenait de s’acquitter d’une participation forfaitaire, de 7 euros pour une énergie, de 14 euros pour deux (électricité et gaz), destinée à couvrir les frais de l’opération.
Pour se donner une capacité de négociation, l’UFC a opté pour des enchères inversées. Fortes de 250 000 inscrits en 2019, elles ont attiré plusieurs fournisseurs. Résultat, une réduction de 16 % par rapport aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité, pour une période de deux ans, soit une économie moyenne de 154 euros par foyer et par an, selon l’association.
C’est moins qu’en 2014, première année des achats groupés d’énergie, où elle s’élevait à 194 euros, grâce à une réduction de 15,5 % sur le prix du gaz. Pourtant, il y avait alors beaucoup moins d’inscrits (142 000), un seul fournisseur participant aux enchères et, au final, 71 000 souscripteurs.
Des achats stoppés net
La relative stabilité des remises n’a pas freiné l’engouement pour ces enchères. Sans doute était-ce le signe que le cadre sécurisant offert par l’association comptait autant que la réduction de tarif obtenue. Mais, depuis un an, la flambée des prix de l’électricité et du gaz a cassé cet élan. UFC-Que Choisir a dû suspendre les achats groupés d’énergie pour un temps indéterminé. C’est également le cas de Selectra.
L’entreprise – qui réalise un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros, pour moitié à l’international, dans une activité de comparaison des offres des fournisseurs d’électricité et de gaz, d’Internet, de mobiles, d’assurances, etc. – a conduit une quinzaine d’achats groupés d’énergie depuis 2015, seul ou avec des partenaires tels que les associations Familles de France ou le WWF France. Le défi était de remporter l’offre la moins chère au bénéfice de particuliers et de petites et moyennes entreprises. « La meilleure remise obtenue a été de 21 % sur le tarif de l’électricité », précise le directeur général Xavier Pinon.
Pour se rémunérer, Selectra fixe en amont le montant de sa commission, versée par les fournisseurs lauréats sur chaque contrat souscrit par les consommateurs. Mais seulement 8 000 à 50 000 se sont inscrits à chaque opération, dont « 20 % à 25 % souscrivent », selon le directeur général.
Des résultats modestes, signes que la confiance des consommateurs est relative face à une offre orientée avant tout sur le prix le moins cher, même si des associations ont apporté leur marque, ainsi qu’une clientèle potentielle. Et, là encore, la hausse faramineuse des prix de l’énergie, jointe à leur grande volatilité, a eu raison de ce modèle et forcé Selectra à suspendre cette activité.
Les collectivités locales subissent également ce coup de bambou. Les achats groupés d’énergie leur permettaient de répondre à deux enjeux cruciaux : réduire leurs factures d’électricité et de gaz dans une période de fortes restrictions budgétaires, et préserver autant que possible leurs marges de manœuvre face à un marché déréglementé, complexe, aux prix mouvants.
« Une grande majorité est entrée dans des groupements d’achats », selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). De 2015 à 2019, elles ont obtenu une baisse du tarif de 5 % en moyenne et un prix fixe pour une période d’un à trois ans.
Achats par clic
Dès 2018-2019, les acheteurs publics se sont orientés vers des achats groupés « par clic » (ou par tranche) proposés par les fournisseurs d’énergie, avec un prix plancher et un prix plafond, « pour diluer le risque, car au moment où vous contractualisez, le marché peut être très haut ou bas », explique Lionel Guy, l’un des experts de la FNCCR. Ce qui permet d’anticiper les achats de gros dans un cadre sécurisé, en laissant la possibilité aux groupements de décider de la date d’achat d’une nouvelle tranche, c’est-à-dire d’un volume donné pour couvrir les besoins des collectivités sur plusieurs mois.
« En mars 2020, pendant le confinement, quand les prix se sont effondrés, nous avons acheté au plus bas tous les volumes de gaz pour 2022 », indique ainsi David Clausse, directeur du Syndicat départemental d’énergie d’Ille-et-Vilaine qui compte 346 membres (communes, intercommunalités, CCAS, établissements publics, etc.)
Le marché de l’énergie étant fortement à la hausse et volatile depuis un an, les collectivités locales ont été privées de toute capacité de négociation lors des renouvellements des appels d’offres
Ces achats groupés permettent, selon Lionel Guy, « une meilleure gestion des consommations énergétiques du parc (bureaux, piscines, médiathèques, gymnases, etc.), un mouvement massif de rénovation » et, à l’instar d’UFC-Que Choisir et Selectra, des lots « énergie verte » inclus dans leurs appels d’offres.
Mais le marché de l’énergie étant fortement à la hausse et volatile depuis un an, les collectivités locales ont été privées de toute capacité de négociation lors des renouvellements des appels d’offres. « C’est nous qui faisons du sourcing, déplore David Clausse. Le rapport de force s’est inversé : il faut se plier aux conditions des fournisseurs. »
Même si les groupements d’achat publics gardent leur intérêt, par la gestion de gros volumes et les compétences acquises, les fournisseurs sont en effet dans l’impossibilité d’anticiper les prix et donc d’accorder des offres à moyen terme, flexibles, avec des tarifs réduits. Pire, au vu de l’envolée des prix, « des communes annoncent qu’elles ne pourront pas payer leurs factures énergétiques en 2023 », alerte Lionel Guy.
Or, elles gèrent des services publics, de l’eau potable aux équipements sportifs et culturels en passant par des centres sociaux. « La solution, c’est de bloquer les prix et de permettre un retour aux tarifs réglementés pour les collectivités », propose Lionel Guy, au nom de la FNCCR. A l’inverse des particuliers, les collectivités n’ont en effet plus le droit au tarif réglementé, plus protecteur pour les consommateurs.
« On pourrait aussi donner aux collectivités la capacité de négocier des contrats d’achat direct à long terme avec des producteurs locaux d’énergies renouvelables, notamment d’éolien et de solaire, dont les prix sont compétitifs et stables, ce qui permettrait en outre de développer ces énergies et de les rendre plus acceptables », suggère Cécile Fontaine, une autre experte de la FNCCR.
Quant aux particuliers, ils ne peuvent compter que sur la limitation de la hausse du tarif réglementé de vente de l’électricité et le blocage de celui du gaz par l’Etat. Les associations de consommateurs se battent pour que ces décisions soient prolongées en 2023.
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